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Les restes de la tempête Amélie passés, ce n’est pas à l’église mais plutôt dans le temple du rock montpelliérain que le rendez-vous est pris en ce dimanche 3 novembre. Il faut dire que c’est une drôle de machine qui va prendre ses quartiers ici…
The Big Takeover. Un nom assez sombre pour une promo assez minimaliste sur ce nouveau projet éphémère. Au menu, « un big band supersonique, à grand renfort de basses, de breakbeats et de distorsions ». Lourd ! Car dans le détail, The Big Takeover, ce sont trois groupes qui, en théorie, avaient peu de chances de se rencontrer : si les contours musicaux ne sont pas si éloignés entre Brain Damage et Le Peuple de l’Herbe, le rapprochement avec les keupons de Burning Heads semblait plus complexe à imaginer ! Bref, ce soir, ce sont « 3 univers, 3 conceptions, 3 parcours [qui] rentrent en collision ». Ce soir, c’est Brain Damage, Le Peuple de l’Herbe et Burning Heads « sur une même scène ». Très lourd ! L’extrait dévoilé ces dernières semaines, « The big takeover », où les trois artistes apportent leur grain de sel, renforce donc l’attente !
L’attente autour d’eux est énorme car leur force de frappe est surpuissante : d’abord par le son mais aussi par la place qu’ils vont occuper sur scène. Souvent, lors de ces projets collaboratifs, le public ne sait pas trop à quelle sauce il va être mangé et c’est justement ça qui réveille notre curiosité. Impossible de ne pas faire allusion aux fous furieux de La Colonie de Vacances (4 groupes rock partageant la même scène), à Camping Deluxe (Les Fils de Teuhpu et Les Hurlements d’Léo ensemble) avec une puissance de feu décuplée ou encore Un Air, Deux Familles pour ne citer que des projets récents. Mais plus dur sera la chute ! Car en réalité, The Big Takeover, ce n’est pas ce big band supersonique annoncé sur le papier… mais plutôt les trois groupes jouant les uns à la suite des autres.
Passée cette énooorme frustration sur le déroulé de la soirée, celle-ci va s’exécuter de la sorte : chacun des groupes à l’affiche se partage donc le plateau du Rockstore avec des sets d’une heure et il ne fallait pas être en retard ! A 19h pétantes, ce sont les Burning Heads qui ouvrent le bal. Plus de 30 ans d’activisme punk, cela finit par se voir sur les têtes des Orléanais qui ont vu débarquer quelques cheveux blancs à la fête. En revanche, après une vingtaine d’albums au compteur, Burning Heads paraît toujours autant en forme : avec ce set condensé, le groupe enchaîne les morceaux dans la pure tradition punk en frôlant la setlist bestof (Push me, In my head, Break me down, Autopilot off, Super modern world…). Les Burning n’ont pas manqué de s’envoler vers des contrées plus reggae comme ils ont toujours aimé s’y balader le temps d’un Handcuffed ou d’un Police in helicopters. Enfin, ce mini-concert des Burning Heads aura également été l’occasion de se délecter de leur nouveau projet en préparation. En mode « cover project », Burning Heads compte se tailler le bout de gras en reprenant des tracks punk et il en aura fait profiter les montpelliérains : d’abord, il y a forcément eu le fameux The big takeover, partagé avec JC001 du Peuple de l’Herbe, en hommage aux Bad Brains, suivis d’Uphill struggle des suédois d’Adhesive et d’Handout de Face to Face. De quoi faire saliver…
Ce premier concert terminé, une courte pause est nécessaire et le Rockstore s’est enfin étoffé même si la foule n’est pas au rendez-vous ce soir (moins de 200 personnes). Le Peuple de l’Herbe est en approche et c’est le nouveau line-up adopté depuis la sortie de « Stay tuned… » (2017) qui se présente sur les planches de la salle. Le concert sera d’ailleurs assez fidèle aux directions musicales prises depuis la sortie du disque : l’arrivée d’un deuxième MC aux côtés de JC001, Oddateee, coïncide avec un virage hip hop plus prononcé. D’ailleurs, s’il faudra expliquer au rappeur qu’il peut enlever ses lunettes de soleil dans le noir, ce dernier prend de plus en plus de place sur scène et au micro. Couplé au départ de N’Zeng ces dernières années, Le Peuple de l’Herbe se retrouve amputé d’une de ses touches fétiches, le côté cuivré, d’autant plus qu’aucun invité de ce registre n’étant présent. Si des plongées en eaux lointaines n’ont pas été oubliées avec Viva la revolucion, Riddim collision, Mission, Herbman skank, Le Peuple a plutôt axé son set sur des compos plus récentes, plus violentes, amenées par Oddateee. A l’image d’Abuse, puissant et porté par les riffs des guitares, Who’s got it a renforcé les penchants fusion et saturés du Peuple version 2.0. Pour rester dans la soirée « The big takeover », on ne manquera pas de citer la version hiphopisée de S.O.S, des Burning Heads, repris par Le Peuple de l’Herbe en mode feat.
Enfin, pour terminer ce grand baroud, c’est l’intrépide et inépuisable Brain Damage qui se chargeait de prendre le relais. Ici, plus de rigolade, pas de chamaillerie en coulisse : venu avec ses traditionnels écrans « damagés » fragmentés, changement de décor ! Martin Nathan a droit lui aussi à son heure de set et, sans surprise, il va réaliser un nouveau tour de force ! Son dub, il le façonne au fil des rencontres, au fil de ses expérimentations sonores. Pas un hasard s’il a monté une tournée « 20 ans de dub, 20 ans d’expérience ». Pas un hasard si, depuis 2011, l’artiste sort un album par an en se renouvelant sans cesse. Brain Damage, c’est l’incarnation du dub par le dépassement du genre. Sur scène, Brain Damage renvoie cette image de passionné du dub, sorte de trait d’union entre l’homme et ses machines. Pendant une heure, Brain Damage a proposé un voyage au gré de ses différents projets menés avec une facilité déconcertante, du dub latino de « Ya no mas » (2018) au dub humaniste partagé avec Harrison Stafford de Groundation (« Liberation time », 2017), mais pas que. Il y a eu des envolées plus steppa explorées sur « What you gonna do ? » (2011) avec The armies of darkness ou des fracas, comme le magique Fyah bun avec Vibronics ou le massif Genetic weapon (du premier album, en 2002) qui a fait basculer le concert vers le chaos… Dure soirée !