[Hors format] La Ruda « Odéon 10/14 » (2011)

14 min de lecture
Critique La Ruda Odéon 10 14 2011

Vous rêvez d’organiser une soirée entre amis avec LE cd adéquate ? Parfait, cette chronique est faite pour vous ! Au menu : conseils pratiques, culinaires et musicaux. Oui, je suis aussi là pour parler un peu « musique ».

Depuis l’époque de chez Léon, au Trianon, La Ruda a toujours essayé d’intégrer de nouveaux ingrédients à sa recette « salskesque » malgré plusieurs périodes dans sa discographie. Passons à table avec Odéon 10/14, le tout dernier plat mijoté de La Ruda en 2011. Ou du moins essayons.

Tout d’abord, quelques conseils à donner pour ne pas se taper un bide pendant le repas.

Apprendre à donner l’impression de maîtriser l’histoire du groupe :
Avant tout, il est nécessaire de faire un petit rappel pour les incultes comme moi qui en soirée questionnent sur des groupes, a priori ultra connus, mais qui ne font pas partis de mon humble existence. La Ruda propose une cuisine simple, soignée, et sait tirer le meilleur parti des ingrédients disponibles. Un constat indiscutable après Grand Soir (2009).

Attention au vice :
Par exemple, si des invités me posent des questions sur l’album précédent, il faut que je sache répondre. Grand Soir symbolise cette fraîcheur retrouvée, ce fameux nouveau départ tant espéré composé de produits cueillis à maturité. Une dégustation pleine de franchise tout aussi épatante par ses ingrédients : un rock cuivré entre le swing et l’acoustique servis sur petits fours. On en redemande. Voilà pourquoi Odéon 10/14 est attendu au tournant, le couteau entre les dents et la serviette autour du cou !

Il faut savoir mettre de l’eau dans son vin, même si c’est pêché :
Si La Ruda a toujours voulu prendre son temps pour concocter ses nouveaux albums, impossible de ne pas souligner que Odéon 10/14 arrive relativement tôt par rapport à d’habitude. Sortir un opus devant tenir la dragée haute au précédent est quelque chose de délicat. Si les blancs ne montent pas, adieu la chantilly !

Toujours formuler un premier avis, même hâtif, pour montrer qu’on ne campe pas sur ses positions :
Et malheureusement on risque d’être privés de dessert. Finies les longues heures de préparation en cuisine pour réaliser toutes sortes d’accompagnements. Terminées aussi la légèreté et la petite touche personnelle dévorées sur Grand Soir.

Passons au concret désormais. A vous de voir comment vous préférez gérer votre repas. Pour accueillir vos invités, je ne peux que vous conseiller de servir des tapas type Gambas Pil-Pil, façon crevettes sautées au piment. Si vous êtes d’humeur plutôt maussade pour ce tant espéré vendredi soir, écoutez directement « Souviens Toi 2012 ». Ok, vous pouvez vous attendre à des jeux de mots douteux sur ce bon vieil oncle Joe, mais sa pêche aura sûrement le don de vous réveiller pour faire le meilleur effet sur vos invités. Un morceau à l’ancienne qui rappelle les bonnes soirées avec la bande à Pierrot, où les cuivres au premier plan poussent à sautiller. Si vous n’arrivez pas à vous contrôler, essayez toutefois de poser les tapas avant. Un accident est si vite arrivé et ce n’est que le début de soirée.

Pendant que vos amis déposent leurs vestes, diffusez en douce « Le prix de la corde ». Il ne faudrait qu’une partie des convives aient l’idée de se pendre en écoutant le refrain « allez vous faire pendre ! ». Des sonorités comme La Ruda nous en a proposé des tonnes par le passé, pas de réelle innovation musicale mais un rendu assez comique dans les paroles.
Ni vu, ni connu, il faut rattraper le coup et faire plaisir aux mecs avant qu’on y ait droit toute la soirée : un peu de foot pour clore le sujet et surtout les souvenirs d’une jeunesse dorée qui a oscillé entre bières, filles, Platoch’, OCB, les Bérus, puis La Ruda Salska à l’affiche quand même ! Une belle rétrospective ce « 1982 » à coup de « et tant pis si le temps passe, ça veut dire que je suis en vie… et tant pis si la nostalgie n’était plus ce qu’elle était avant ». Vous surprendrez toujours un de vos amis rassurer sa copine « mais non ma puce, je n’étais pas encore avec toi ». Ne pas relever cette phrase si vous ne voulez pas que ça se retourne contre vous.

Plaît-il ?

Oubliez ce léger désagrément en remplissant les chopes de vos hôtes, libre à vous d’y verser le contenu que vous jugez judicieux selon la tournure souhaitée de la soirée. Pour accompagner l’apéritif et les tapas, amenez sur des triangles de pain alternant tomate, jambon et fromage frais. Profitez-en pour écouler le très moyen « Titi Rose au cœur » un peu trop mielleux, comme si le groupe avait oublié sa patate au vestiaire et manquait réellement d’entrain. Le retour de l’électrique du côté des guitares dénature un peu la nouvelle identité que s’était façonnée le groupe. Attendez surtout de voir si quelqu’un relève cette subtilité. Si personne ne la signale, la voie est libre ! Vous renforcerez ainsi votre réputation de « connaisseur ». +1.

La deuxième tournée est déjà servie que « Encore une fois » appelle la suivante. Vos voisins de table se demandent alors si La Ruda ne se serait pas inspirée de La Souris Déglinguée. Notamment avec ses saxos stridents de vieux punk festif de la fin des années 80 . Un morceau en trompe l’œil puisqu’il se termine sur des airs de valse. Non, ce n’était pas La Souris Déglinguée. On a du mal à reconnaître La Ruda aussi. Bref.

Arrêter de parler. Voilà désormais votre objectif du moment présent. Ne plus penser à la musique durant quelques secondes et amener l’entrée. Il faut innover. Et ne pas se planter putain. Toujours la même histoire. On se tutoie désormais. Après quelques verres c’est toujours mieux. Alors pose toi, respire un bon coup et pense à ta foutue salade que tu n’as pas préparé. Quel con. Tant pis, pas d’autre choix. Tu te balances un bon « Johnny John Wayne » très swing/acoustique, ce que tu aimais tant sur Grand Soir. Ça fout la patate ! N’oublie pas de la sortir du four non plus.  « Vas-y mon cœur, vas-y grand, je veux du western ! ». Oh ! Ne force pas trop le poivre en dansant dans ta cuisine, ça ne pardonne pas. Pense à tout mettre surtout : une salade à la russe doit être complète.

Je te répète la recette, à voir ta tête, je ne suis pas sûr que tu te souviennes de tout.

Pour 4 personnes : 550 g de pommes de terre, 1 carotte, 3 cuillères à soupe de petits pois, 1 poivron vert, 1 oignon doux (haché menu), 400 g de cœur d’artichaut (coupés en quartier), 2 cuillerées à soupe de câpres, 8 cornichons (hachés), 8 olives noires (ne pas en manger en route), 1 piment (on va éviter). Je te conseille de servir cette salade russe avec une bonne mayonnaise. Je ne t’explique pas comment fait-on une mayonnaise…

Arf mais c’est trop long à faire. Tu vas jamais t’en sortir. En plus tu as la nièce de ta frangine, 14 ans, qui est toujours au milieu. Mets la piste 5, tu verras, elle va aimer. C’est « Un été en Angleterre ». Écoute bien, La Ruda fait du punk/rock maintenant ! Allez, remballe ton skate et va faire un tour.

Concentre toi un peu. Tu ne vas pas rester là, devant ton pauvre saladier, à te lamenter sur ton sort. Ça commence à gueuler dans le salon, tes invités ont faim ! Un autre whisky ? Ce n’est pas nécessaire. Tu le sais que tu ne pourras pas terminer le repas. Mais c’est qu’il s’en moque ! Il ne m’écoute plus ! Oh ? J’abandonne.

Il met « Odéon 10/14 », titre éponyme de l’album, et savoure probablement le meilleur passage du cd. La voix de Pierrot est douce, la mélodie te rentrant dans la tête à n’en plus finir. Une dose de cuivres maîtrisée, une basse ronflante et une ballade que l’on aurait aimé voir se répéter un peu plus. Comme pour se sevrer de musique, « L’homme aux ailes d’or » finit par emboîter le pas. Lui aussi, mixant des influences de 24 images secondes (2004) et de Grand Soir, La Ruda montre que musicalement elle sait encore proposer un rock’n’roll comme elle en jouait en s’essayant également sur des sonorités plus pop.

Le désespéré d’un soir est absorbé par ce qui l’écoute, il en a même oublié sa soirée. J’ai beau tenté de le remuer, c’est ce qu’il faut toujours faire (= l’acharnement). Son esprit s’agite, « Baisers français » vient briser le silence. Il se dit que ce morceau fait un peu réchauffé et rappelle fortement Grand Soir.

Puis le déclic s’opère. Il monte le son et bondit dans la pièce voisine. Enfin ! « Cabaret Voltage » à pleine puissance. Un rock comme on l’aime, un rythme effréné, un Pierrot au chant qui met toute son énergie dans ce morceau… enfin un track à la sauce Ruda. Ah ? Mince, alors. C’est le premier du cd. Sur 12, c’est peu.

Il finit par enfin ouvrir la bouche.

Il est pas si mal ce Odéon 10/14 ! (oui, les limites finissent toujours par ressortir)
Pas si mal ? Assez répétitif, peu de morceaux qui se détachent de l’album, manque d’audace et de renouvellement. On a comme l’impression que c’est La Trajectoire de l’Homme Canon (2006) et Grand Soir mélangés ! On croyait que tu connaissais bien La Ruda, mais en réalité…

Oui vous avez raison. Il est décevant cet album. Ils nous ont habitué à mieux.

Bon… on se commande des pizzas ?

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1) Cabaret Voltage
2) Baisers français
3) Souviens toi 2012
4) L’homme aux ailes d’or
5) Un été en Angleterre
6) Odéon 10/14
7) Titi’Rose au coeur
8) Encore une fois
9) 1982
10) Johnny John Wayne
11) Le prix de la corde
12) Candide Charlotte

Durée : 42 min
Album : 8e
Sortie : 21 mars 2011
Genres : Rock / Ska

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Article précédent

La Canaille « Par temps de rage » (2011)

Article suivant

Chinese Man « Miss Chang » (2011) -EP-

Dernières publications