High Damage + High Tone + Brain Damage à l’Usine (Istres, 13) 13.04

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Cette année 2012 est bien remplie pour les lyonnais d’High Tone : encore actifs sur la tournée de « Out Back », leur 6e album studio sorti en 2010, ils ont également rallié les routes françaises pour présenter leur dernier projet, High Damage, depuis l’automne dernier. Adepte des projets collaboratifs avec les piliers dub de la scène hexagonale, High Tone s’est cette fois-ci entouré de Brain Damage. Une nouvelle expérimentation sonore à la limite de l’hybride et des racines même du dub, noires et ténébreuses. High Damage va en tout cas passer au « révélatron » de l’Usine, à Istres.

High Damage sera, quoiqu’il arrive, un pari réussi : la sortie de leur album éponyme le 26 mars dernier n’a fait que confirmer les excellents retours de la pré-tournée de 2011. Cela faisait quelques temps que High Tone ne s’était pas reconcentré sur des projets plus annexes dans ses expérimentations musicales : on se rappelle de « Kaltone » en 2002 (avec Kaly Live Dub), de « Highvisators » (avec Improvisators Dub en 2005), de « Wangtone » (avec Wang Leï en 2005) puis de « Zentone » (avec Zenzile en 2006), puis un silence radio assez saisissant depuis cette période-là. Il aura simplement fallu prendre son mal en patience pour retrouver cette fameuse synergie des genres.

La Dub Session de Brain Damage

Ce parfum, il règne dans l’Usine istréenne. Même si le public ne s’est pas déplacé en masse. Le sold out affiché par Chinese Man et Deluxe aux Docks des Suds de Marseille quelques dizaines de kilomètres plus loin doit probablement y être pour quelque chose…
Pour débuter, Martin du groupe Brain Damage, s’est chargé de lancer la soirée. C’est en réalité le seul rescapé du groupe dans sa configuration normale puisque Brain Damage, avec les changements d’horizons de Raf le bassiste, n’existe pratiquement plus… Ceci dit, afin de faire perdurer le groupe, Martin s’est orienté vers l’animation de soirées sound system et cette première partie dévoile ce Brain Damage reconverti. Un son bien sûr très reggae/dub, simple mais tellement dansant qu’il n’aura fallu qu’un petit quart d’heure pour que les ondes se propagent dans l’Usine. Passé en mode Brain Damage Dub Sessions, Martin a régalé le public durant ses 40 minutes de mix avec les excellents « Royale Salute », extrait du skeud enregistré avec Sir Jean (MC du Peuple de l’Herbe) ou le très roots « Genetic Weapon » en featuring avec Tena Stelin. Mixant ses différentes collaborations comme avec Brother Culture ou Madu Messenger, il n’en fallait pas moins pour surbooster la scène.

High Damage, une autre époque

Avec un public remonté à bloc, High Damage enchaîne sans temps mort : les musiciens d’High Tone étant déjà installés et dissimulés dans la pénombre, peuvent reprendre à la volée, le concert. Désormais, le public choisit dans quel sens il veut suivre les débats : du côté de la scène d’High Tone, ou à l’opposé, vers Martin. Les animations poussent à choisir le premier choix : la scène est parsemée d’écrans, les musiciens à peine visibles. Les projections envahissent la salle et les écrans, se reportant aussi sur les spectateurs. L’ambiance est plus que réussie, le concept, ingénieux. High Tone joue… et tous les tracks sont ainsi renvoyés sur la table de mixage de Martin qui les transforme à sa guise !

A pas feutrés, l’ouverture se calque sur celle de l’album avec The Dawn. Un dub léché où les instruments sont à peine effleurés enveloppe la salle dans une atmosphère plus obscure… Balancées du côté sombre du groupe, les machines se font dominer par la richesse des explorations : d’entrée, les souvenirs ressurgissent. Pour les amateurs de High Tone de l’ancienne époque, celle des certains « Acid Dub Nucleik » (2002) ou des « Bass Temperature » (2001), il règne un parfum d’ethno/dub dans cette salle enfumée… Avec des Influences orientale ou encore indienne, le nouveau visage d’High Tone affiché sur « Out Back » (sorti en 2010) paraît très loin. Un constat qui se remarque une nouvelle fois sur Stereovision, mélange de dub brumeux interstellaire, où les carillons laissent la place belle aux scratchs.

Jouissant d’un bain de jouvance retrouvé, les deux groupes haussent finalement le ton avec des morceaux plus rythmés : les sonorités développées sur le très très bon album « Underground Wobble » (2007) refont surface, et elles sont toujours aussi bien travaillées. Watching You et Nuclear Ambush en jètent avec leurs embardées lunaires, presque urbaines. Le dub planant devient quelques instants rugueux, rappelant un vieux hit du groupe, The Orientalist. Pour rester dans le dur, Dub On Tune In and Drop Out et ZZZ corsent le tout : saturés et surboostés, l’agressivité monte d’un cran lorsque les écrans finissent par coulisser et dévoiler l’intégralité du groupe… Ondes positives pour samples à souhait, High Damage vient de basculer : leur dub est en train de muter, l’intensité de quadrupler.

Bien décidé à clôturer en feu d’artifice, le premier single finit par enflammer le set : The Dusk, très inspiré de Ask The Dusk (qualitativement et musicalement), prend le relai. Du haut de ses plus de six minutes, les basses glacées du morceau frappent avec les percussions arides résonnant dans la salle. Pourtant un immense vrombissement finit par vous propulser dans le vide. Scratchs à tout va, guitare déchirante, les murs en tremblent et Istres est entraîné dans le néant ! Une claque qui, comme à l’accoutumée, en appelle une autre. La dernière. Brain Tone porte le coup de grâce : à l’ancienne, un dub digital, oriental et très roots qui condense presque à lui tout seul toutes les évolutions musicales du groupe en dix ans. Et ce, en cinq minutes…

High Damage a frappé là où ça fait mal : il a ravivé les souvenirs d’une période musicale plus ancienne en se sublimant. Après il est clair que la pâte de High Tone se ressent davantage que celle de Brain Damage, mais le voyage permet de faire escale sur toutes les pistes de l’album. Les prestations, carrées, transforment réellement la dimension de ces morceaux. Elle est là la franche réussite.

High Tone, la cerise sur le gâteau

Et pourtant, la soirée n’est pas finie. Après le plat de résistance, les lyonnais d’High Tone rajoutent plus d’une heure de plaisir supplémentaire sans prendre la moindre pause. La tournée de « Out Back » (2010) désormais rodée, ce mini-set va chercher à condenser la crème de la crème : si les spectateurs ont apprécié ce retour aux sources à travers High Damage, High Tone a surtout voulu démontrer qu’il ne choisirait pas la facilité. En intro, c’est Altered States qui lance les festivités de manière très posée, à la limite du dub/noisy.

D’ailleurs, beaucoup de tracks issus du petit dernier font partis du set : le très punchy Boogie Dub Production décolle la plèvre, Dub What se sature, le dubstep s’affirme… High Tone brouille les pistes, le roots frappe à la porte avec l’énorme Rub-A-Dub Anthem en featuring avec Pupa Jim, l’éclectisme prend le pouvoir. Petit retour en arrière, les lyonnais vont piocher dans « Underground Wobble » (2007) pour affiner leur set : Freakency, tortueux, ainsi que le démoniaque X-Ray. Bourré d’échos, d’éclats et de scratchs, il s’en dégage une profondeur presque abyssale. D’autant plus que le groupe ne se contente pas d’interpréter les titres tels quels, ces derniers sont davantage revisités. Dans cette effervescence, nul doute qu’il faut lâcher les chiens : retour sur l’album « Out Back » avec Dirty Urban Beat et surtout Uncontrolable Flesh, d’une violence inouïe encore renforcée, qui frôle l’assaut final à coups de beats flats. Le pouvoir a été abandonné au dubstep, les déflagrations ravageuses…

Histoire de retrouver ses esprits, High Tone s’accorde un peu de répit : au rayon des incontournables, Bad Weather n’est pas oublié, et le temps du rappel est très vite écoulé tandis que la dernière bataille débute. Spank, hit du dernier skeud, voit (enfin) sa version live au niveau. Un dubstep sale et corrosif, avec toujours la petite touche orientale d’High Tone, et nouvelle pluie de beats sur l’Usine. Pas encore HS et toujours debout, Istres peut profiter : Ask The Dusk focalise l’attention et recharge une dernière fois les batteries. Dans l’explosion des sens qu’on lui connait, elle procure aussi cette sagesse retrouvée dans ses dernières minutes. La boucle est bouclée, enfin, il paraît.

Jamais résigné, toujours aussi généreux, High Tone a parfaitement assuré en cette fin de soirée finalement marquée par le dub dans ses déclinaisons. Affichant une belle maîtrise des nouveaux morceaux, cette tournée apparaît bien carrée… et High Tone ressourcé.

La force tranquille en quelque sorte.

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