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The Architect est de retour aux affaires après s’être impliqué dans différents projets. Mieux, le beatmaker reprend même du service, en solo, avec « Une plage sur la lune ».
En pleine crise sanitaire, ce nouvel album ne pouvait pas s’appeler autrement. Tandis que la planète tourne au ralenti depuis des mois et que le concept de liberté est apparu en pointillés, nommer son nouvelle création ainsi a de quoi dérouter. Le pire dans tout ça, c’est que ce nom d’album a du être choisi bien avant l’apparition du Covid-19. Ce qui est certain, c’est que lorsque cette galette a déboulé dans les bacs le 12 juin dernier, « Une plage sur la lune » s’est dégustée dans un contexte caractéristique d’un manque de sorties, de plein air, d’autre chose… Sans le savoir, The Architect conférait à son nouvel album une dimension particulière qui allait presque conditionner l’écoute. L’art de créer, l’art de le partager. Ou s’évader ailleurs, tout simplement, dans un petit coin de paradis à l’abri des regards.
« Une plage sur la lune » est donc officiellement la suite de « Foundations », le premier EP sorti par The Architect en 2013. Entre temps, de l’eau a coulé sous les ponts puisque le stéphanois a activement participé au projet de L’entourloop. D’ailleurs, on retrouvait beaucoup de The Architect dans L’entourloop, avec le reggae en moins, et l’ensemble ne pouvait qu’aller de pair. Ça a fonctionné sans trembler mais il est clair que l’on attendait un bol d’air frais sur ce tout premier LP de la part de The Architect pour vraiment décoller.
L’artiste a pris le temps pour façonner cet album et il s’est surtout donné les moyens pour exprimer son talent : d’abord, il a souhaité présenter pas moins de 15 pistes et la moitié d’entre elles sont accompagnées de featurings. Un éclectisme à souhait pour ne pas tourner en rond dans le genre du trip hop. The Architect a un penchant certain pour le genre, en mode sorcier ‘sampleur’, et ses influenceurs (Chinese Man, Dj Shadow…) ne sont pas un hasard. Sans tomber dans le piège du « déjà fait », on est face ici à un album qui préfère s’exprimer en matière d’expérimentations sonores plutôt que dans l’intensité.
Ici, on se prélasse sans réfléchir, en se laissant bercer. La compo éponyme en est un symbole fort : à l’ancienne, cette envolée trip hop so 90’s est une main tendue vers une écoute faite pour éveiller les sens. Elle prend un sérieux coup de chaud sur Baile de sol, taillée pour prendre un bain de chaleur et un cocktail à la main, et elle réveille une dinguerie qui sommeille en nous, un Rêve qui ne demande qu’à être partagé. La fête et la danse en guise de fil rouge, Watch me dance est une invitation qui ne se refuse pas, entre orient et occident, mais entre Crétin de terrien, les cuivres ne laissent pas de marbre.
Au milieu de ses envies d’ailleurs, The Architect n’oublie pas d’exceller dans des compos résolument hip hop qu’il affectionne tant : Tigerz, en chef de file, frappe là où il faut avec Johaz, et montre la voie aux suivantes. Boogie dola, avec Aaron Cohen, Chip Fu et Troy Berkley, nous catapulte dans le passé, et il renvoie la pareille à East raw, plus profond et plus métissé. Tout ça, The Architect ne le fait pas Peanut et il nous délivre là une pépite, puissante, en compagnie de Dj Olegg et Kill Emil. Plus d’instru, plus d’entrain, le stéphanois jongle entre ses atouts pour frapper fort.
Et ce ne sont pas ses compos plus posées qui prouveront le contraire : « c’est si bon de se dire des mots doux » et c’est lui qui le dit. Darling s’apparente au repos du guerrier, bien entouré, pendant que Jacqueline part dans quelque chose de plus expérimental. Sans se hâter, et un petit coup de jazz plus tard (Sin jaza), Nulle part fait office d’aller-simple, aucun retour n’est possible, même avec Ours Samplus en renfort.
Bref, vous l’aurez compris, « Une plage sur la lune » est un échappatoire. Une pause musicale qui nous fait penser que le bonheur, simplement, n’est pas si loin. Il suffit juste d’être patient !
The Architect, « Une plage sur la lune », 15 titres (54 min.), disponible depuis le 12 juin 2020 chez X-Ray Production & Face B.