En tant que maître sorcier du live, Tetra Hydro K façonne, depuis toujours, ses sorties musicales avec une créativité nourrie de ses nombreuses expériences de vie. En mai dernier, le duo est revenu aux affaires avec « Odyssée » sous les bras, son troisième album long format. Attention, le voyage promet une nouvelle fois d’être agité.
4 ans après la sortie de « Ayawash-K », très remarquée entre nos murs, Tetra Hydro K a laissé dissiper la fumée de ses « Smoking sessions » (2021) pour revenir vite et fort : « Odyssée » est clairement la troisième création studio pure et dure de THK qui ne s’est jamais montré avare concernant friandises sonores.
Les collaborations à la pelle et les multiples influences des deux protagonistes, Kanay et Krilong, ont toujours enrichies les compositions du groupe, sur galette ou directement sur scène. Chaque album ou EP en est le reflet et c’est une des caractéristiques phare du duo. Bref, impossible de savoir quelle facette THK va décider de nous montrer avant l’écoute de ce « Odyssée » tant le groupe a assumé ses expérimentations sur ses sorties précédentes (« The smoking sessions », résolument stone et reggae/dub ; « Chapter one », avec Brainless, plus steppa).
« Odyssée », sans rompre avec les invitations sonores précédentes, ancre cette envie de défricher davantage le genre du dub. Tetra Hydro K reste fidèle à sa marque de fabrique en concoctant des recettes laborantines dont lui seul a le secret : c’est en piochant dans ses aspirations musicales et autres genres explorés qu’il parvient à créer des compos uniques et revitalisantes. Plusieurs d’entre-elles portent ce sceau qui ne demande qu’à exploser : dès l’ouverture du disque, Abou simbel donne le ton. Cette odyssée sera dub et métissée, à coup sûr, mais elle sera surtout digitale et oppressante. Les basses qui déboulent passées la 2ème minute sont tonitruantes et le duo nous offre-là un morceau d’une richesse incroyable ! Comme si tout ce qui faisait vibrer le groupe depuis tant d’années se retrouvait condensé en moins de 5 minutes.
Ce type de morceau, éclectique au possible, fleurit sur cet opus : à la recherche de ce doux équilibre des sons, Tetra Hydro K sublime un morceau qui était, déjà à la base, excellent. Labyrinthe, de Panda Dub, rend complètement dingue en jouant avec nos repères ! Juste avant, Skanking trip, nous renvoie aux côtés d’un electro/dub terriblement groovy avec Loïc Paulin. Décidément cette « Odyssée » donne sérieusement envie de bouger !
En marge de ces 3 compos très marquées par leur structuration atypique, le reste de l’album vogue sur des créations un peu moins complexes dans leur construction mais qui n’enlève rien en leur force de frappe : au rayon des tracks incontournables de ce disque, impossible de ne pas s’attarder sur Expedition 808, avec Tom Spirals, qui est une véritable bombe dub/hip hop ! D’ailleurs, nous allons retrouver le MC écossais plus loin, sur Cut to the chase, avec encore une compo que l’on aurait pu aisément retrouver dans les dub sessions de Brain Damage.
Il faut également prendre le temps de s’arrêter sur d’autres pépites de ce disque comme Nah come fi fest, petite merveille reggae surboostée par des ondes digitales, sur fond de dub, qui appelle à prendre un aller simple vers le prochain sound system du coin ! Avec Sensi-T en soutien, ça aide. Avec de nouveaux feat. de qualité, le Tetra Hydro K s’est assuré un coup parfait : le morceau partagé avec KT Gorique, L’impasse, est là encore pour nous le prouver. On connait le côté corrosif de la rappeuse, cette dernière excelle dans un registre qu’elle maîtrise : « je reste cool l’enfant est terrible ! » sur des « get up stand up » qui créaient l’alchimie des genres !
Presque en toile de fond, Tetra Hydro K déroulera ensuite des envolées solo qui reflètent leur évolution et leur parcours : sur cette bonne vieille Charcuterie Monin, le duo fait résonner un dub steppa à coup de beats noirs au possible, métalliques à souhait, qui pourrait faire penser à Goin’in de Birdy Nam Nam. Une incroyable claque ! La face sombre dévoilée, THK va poursuivre sur Black ship, qui rend lui aussi la pareille au monde de la nuit et au dance-floor. Ce morceau hybride pare d’une nappe électro le dub soyeux de Tetra Hydro K, elle le fait basculer dans un dark dub flirtant avec la techno ! C’est finalement sur Ohana, en clôture de ce « Odyssée », que le duo propose un dernier temps mort instrumental sur du coton, sax’ au vent, pour nous accompagner doucement vers la sortie. Jouissif !
Tetra Hydro K, « Odyssée », 10 titres (37 min.), disponible depuis le 20 mai 2022 chez X-Ray Productions.