Tagada Jones « Les compteurs à zéro » (2008)

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Critique Tagada Jones Les compteurs à zéro 2008

Il y a certains cd’s que l’on chroniquerait de suite tant l’impatience de partager sa sortie et ses premiers avis prennent le pas sur le reste. Sans même se poser, l’analyser et le décortiquer. Le dernier opus des Tagada Jones sorti maintenant fin 2008 (soit quasiment deux ans) intitulé « Les Compteurs à Zéro », ne fait pas parti de ceux-là. Bien au contraire. Fan depuis le début des bretons, la première écoute a vite envoyé ce dernier opus au placard, sans prendre le temps de voir si les Tagada avaient réellement travaillé sur cette galette, ou si mon jugement n’avait pas été un peu trop hâtif. Deux ans après, une nouvelle écoute titille mon état d’esprit et me pousse à me pencher à nouveau sur l’album…

Les Tagada Jones c’est un punk brut de décoffrage à ses débuts (Plus de Bruit, Manipulé), qui aboutit à une explosion sonore et hardcore sur « L’envers du Décor » après les années 2000. Pourtant l’engrenage s’est enrayé en 2006, avec « Le Feu aux Poudres ». Comme si les Tagada avaient atteint une limite impossible à franchir ou à renouveler, les obligeant à nous proposer un rock fade, sans relief, très très loin de ce que le groupe avait pu nous habituer. Même le skeud d’inédit en 2007 censé nous faire patienter ne fut pas l’effet voulu, et c’est avec de sérieux a-priori que « Les Compteurs à Zéro » est attendu. Pire Gus, deuxième chanteur du groupe et également aux samples, a décidé d’arrêter le groupe et de se tourner à sa vie de famille. Comment les Tagada peuvent se relever de ces affronts ? Vous comprenez mieux pourquoi le verdict sur le moment a pu être disproportionné à la première écoute, et je reste persuadé que je ne suis pas le seul à avoir réagi comme ça.

12 titres en tout cas pour nous démontrer que les Tagada ne sont pas morts, les choses sont claires. 12 morceaux pour 38 minutes, un peu court, mais un certain Stéphane Buriez (chanteur de Loudblast, mixeur de Black Bomb A, L’esprit du Clan entres autres) aux manettes. Et 12 compos avec ce monsieur à la production, on peut sentir un certain renouveau chez le groupe. D’entrée, les riffs sont lourds et Niko impose le tempo avec le titre éponyme « Les Compteurs à Zéro ». « La page est tournée » en quelque sorte, oui, et les débuts sont très rock. Mais rapidement la tendance va à la saturation, Gus n’est plus là, mais les samples ont été gardés. Niko le hurle, « remettons les compteurs à zéro, mais ce n’est plus vraiment pareil ». Il le sait, mais peu importe. Les Tagada savent qu’ils évoluent, mais pas question de s’enfermer dans un même registre musical. Désobéir rappelle qu’ils savent aussi retrouver leur vivacité de l’époque avec un punk/hardcore virevoltant poussant le peuple à se soulever, comme sur Oeil pour Oeil. Les bretons visent dans un premier temps sur la violence, l’intensité et le rythme, très soutenu en début d’album. Les idées sont toujours ainsi sanglantes vers le capitalisme et la connerie du système, et Niko gère assez bien l’absence de son ancien compatriote Gus au chant. Sa voix si particulière continue d’enjouer l’auditoire et de l’amadouer à la transe quand il récidive sur des D.I.Y et Camisole. Malheur à celui qui se trouvera dans la fosse à ce moment là…

Mais là où « Le Feu aux Poudres » montrait toutes ses limites, « Les Compteurs à Zéro » a su prolonger le côté nettement plus rock et hardcore que punk, mais en y apportant quelques refontes intéressantes. Sur Une Fois de Trop, il fustige les connards qui battent leurs femmes avec une fougue non contenue et des guitares lourdes en fond ; ou même sur Au Nom de Tous les Siens qui se laissent facilement par les mélodies pour commencer, mais surtout par l’apparition un plus marqué de l’électro qui accentue la virulence des propos. La Solution se démarque par sa rythmique punk californienne, mais l’éclectisme des morceaux ne s’arrête pas là… Après une première moitié d’album à l’ancienne, limite old school, en fleurtant entre le rock et le hardcore, l’électro fait petit à petit sa place dans les compos. Aux Urnes est très saccadé mais gagne en puissance avec le phrasé de Niko et les riffs déchirants de Stef. Les coups de buttoirs de Boiboi le batteur n’arrange pas la sauce : le morceau se conclut dans une aioli décapante. Même son de cloche sur A Force de Courir, l’ambiance est lourde et ne faiblit pas sur un Garde à Vue qui en étonnera plus d’un. On aurait presque cru entendre arriver les Punish Yourself pour propager leur furia, leur hystérie électrique et saturée avec un gros son métal industriel.
L’album se conclue sur un Merci, ouais, « vivre l’utopie », que c’est bon, « savourez cette putain de vie ».

Étonnant en réalité cet opus, très loin de l’avis eu de la première écoute. Les Tagada Jones en 2008 ne sont plus musicalement parlant les Tagada de 1995, on sera assez unanime là dessus. Mais la rupture est moins nette et surtout moins neutre que sur Le Feu aux Poudres. Même si au niveau des textes, là aussi, on pourrait encore débattre. Ça balance toujours autant, mais on est loin des brûlots de Manipulé ou L’envers du Décor. De façon générale, on ne peut nier que « Les Compteurs à Zéro » est beaucoup mieux que Le Feu aux Poudres, mais que le tout est encore un peu poussif. On retrouve dans cet album la violence et la fougue telles qu’on les a connu auparavant, avec cette fois-ci la volonté affichée de se renouveler et d’intégrer de façon plus intelligente les samples dans les compos. Mais impossible de ne pas souligner que les morceaux ont du mal à nous accrocher dès la première écoute. Les fans de la première heure peuvent être surpris, indéniablement, mais d’une autre manière les Tagada Jones sous la houlette de Stéphane Buriez ont remis un bon coup de pied au cul du hardcore français.

« Les Compteurs à Zéro » vous avez dit ? A moitié faux, à moitié vrai.

                                  

FICHE TECHNIQUE

Tracklist

1) Les compteurs à zéro
2) Désobéir
3) Une fois de trop
4) Oeil pour oeil
5) D.I.Y
6) Au nom de tous les siens
7) Camisole
8) Solution
9) Aux urnes
10) A force de courir
11) Garde à vue
12) Merci (thx)

Discographie : 7e
Sortie : Septembre 2008
Durée : 38 min
Genres : Punk / Hardcore
Label : Enragé Productions

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