Session de rattrapage au milieu de cette période riche en sorties musicales avec le quatrième album de Sidi Wacho qui a été dévoilé au printemps dernier. Toujours en totale indépendance, le crew paraît plus énervé que jamais… avec un sens de la fête et du métissage ‘signature’.
Pour cette nouvelle galette, Sidi Wacho a changé sa stratégie en proposant un album plus court que les précédents, à mi-chemin entre le LP et l’EP. 8 titres, une petite demi-heure, et une belle pochette qui, déjà, met l’eau à la bouche.
Dès l’ouverture du disque, sur Lejos de casa, Sidi Wacho propose un morceau qui porte son sceau, sa griffe musicale, qui tend plus vers une intro/instru boulégante qu’une véritable premier track : des cuivres à foison, un accordéon en soutien du rythme, on tendrait presque vers une entrée en matière à la sauce balkanique que d’Amérique du Sud… mais le résultat est implacable ! Groovy à souhait, Lejos de casa met l’album sur orbite.
La suite, elle devient un peu plus hybride et on est satisfait de voir que Sidi Wacho s’est un peu dévié de sa création précédente, « Elegancia popular », qui nous avait moins emballé. Forcément, derrière « Calle sound system », on s’attend à retrouver plus de digital et plus de street style. Et on comprend vite que sur le titre éponyme de l’album, notre hypothèse semble se confirmer : les machines s’installent d’emblée mais la vague cumbia continue à déferler… le juste équilibre est trouvé. Saïdou s’empare du micro et c’est toute une culture populaire qui s’exprime. Car le ras-le-bol est toujours-là, aucun répit ne sera négocié, et Sidi Wacho compte bien garder le mégaphone qu’il brandit depuis 2004.
Dans ce métissage des genres et des couleurs, on se laisse embarquer sans retenue à la valse proposée par Sidi Wacho : derrière la douce et entraînante Valse antifascista se cache un cocktail molotov qui ne demande qu’à être jeté sans ménagement et sans se poser de question. Elle invite ceux qui veulent s’unir dans les luttes, que ce soit contre la loi des plus forts ou celles discriminantes de tout bord.
Bien sûr, un appel à la résistance contre les pestes brunes est lancé : « ils ont la haine des immigrés, ils ont la trouille d’être remplacés, ben fallait pas nous inviter, il fallait pas coloniser ! ». Et il se poursuit sur le trompeur Que de l’amour (remixé) : dans un rap toujours aiguisé au couteau, la clique réaffirme sa promesse de ne pas lâcher l’affaire : « le pays des droits de l’Homme, j’y crois pas, ça t’étonne (…) je balance des parpaings, des refrains, des câlins, mon prénom de sarrasin, le cauchemar zemmourien (…) dans ce patelin trop chauvin (…) on veut plus de Jean Moulin et moins de Darmanin ». Message reçu.
Sur la deuxième partie de l’album, Sidi Wacho lâche définitivement les reines en nous amenant aux quatre coins de ses influences et de ses rencontres. Sur Bicarboneto y limon, c’est un vent de liberté qui souffle sur la track, tout droit venu d’Amérique latine. Avec Las manos de Filippi, « la calle » reprend le pouvoir et appelle à la fête.
Cet esprit festif, en mode décomplexé, s’empare des ondes comme à l’époque de la buena onda : La voizina est une ode aux femmes et à celles qui ne se laissent pas faire, « la voisine elle est terrible », c’est certain et elle boosté par les cuivres. « Elle maraude la nuit, elle fait du bénévolat (…) elle écrit dans un fanzine que ce monde la chagrine, elle soutient la Palestine ».
Avec Mala hierba, le rap/cumbia est aux commandes et on glisse doucement vers des sonorités déjà entendues lors des sorties précédentes de Sidi Wacho. Pour autant, le crew continue de débusquer les imposteurs de notre monde, ceux qui le gangrènent à leur manière, comme les Hanouna, Bolloré ou le salaire de M’Bappé.
En roue libre pour conclure, Ma3andich le visa, Sidi Wacho passe en mode orchestra pour rappeler qu’en tant qu’oiseau de passage il aura toujours des histoires à raconter et des souvenirs à partager. La musique est faite de rencontres, ces dernières alimentent des périples de vie qui font que l’on peut se sentir partout chez soi à condition d’être accepté.
Pas de doute, Sidi Wacho est revenu avec un album court mais qui mérite amplement de s’y attarder. Il reflète une culture, des idées et des revendications qu’il est toujours important de rappeler, encore plus par les temps qui courent. Il traduit aussi un esprit à la fête qui invite tout le monde, sans exception, à y participer.
Sidi Wacho, « Calle sound system », disponible depuis le 6 mai 2022 (8 titres, 29 min.)