Les concerts dans la Salle Jeanne d’Arc de Saint-Etienne fleurent toujours bon la belle chanson, celle qu’on essaye de dissimuler derrière les battages médiatiques incessants, et celle qui n’a malheureusement pas sa place aujourd’hui sur les ondes des radios. Yves Jamait fait partie de la caste de ces artistes qui ont leur place plus que personne dans cette salle, qui s’y sentent bien et qui y trouvent une bien belle résonance !
Contrairement à ce qui était indiqué, aucune première partie ne viendrait échauffer les planches de l’historique salle ligérienne. Et il ne fallait pas arriver en retard ; si une demi heure avant le début du concert, toutes les places avaient trouvé preneurs, ce n’est pas un hasard. Un public de connaisseur hante les rues stéphanoises, et ce public avait coché d’une croix à l’encre rouge ce samedi 26 mars, qu’il était certain de passer en bonne compagnie.
La dernière date d’Yves Jamait et de ses compères à Saint-Etienne remonte à « Amor Fati« , au festival Paroles et Musiques. L’occasion était trop belle de présenter « Je me souviens« . Si le spectacle s’ouvre sur Etc, le public n’attend pas le dernier album pour applaudir chaudement l’homme et sa voix grave, accompagné de ses trois musiciens qui se mettent en avant tour à tour, au hasard des chansons et au fil des solos.
Bien entendu, c’est d’usage et attendu, tout le dernier album sera largement présenté. Et ça transpire d’émotion, dans la chaude atmosphère de la salle Jeanne d’Arc, les mots et la voix de Jamait résonnent avec force, trouvant un écho justement grandissant. De J’ai appris, en souvenir du regretté Jean Louis Foulquier, aux magnifiques Je me Souviens et Le Temps emporte tout, et l’émotion envahit les deux parties du théâtre : la salle et la scène.
C’est un vrai show qui est offert au public, Yves Jamait occupant la scène comme personne, alternant l’émotion des chansons à fleur de peau, assis sur une chaise, aux envolées jambesques, jouant avec son corps autant qu’avec sa voix. La présence du chanteur, qui mettra en avant ses musiciens tout au long du spectacle, impressionne, et fait du bien.
Et puis il fallait bien que le public participe, alors de derrière sa casquette, Yves Jamait a sorti ses plus belles pépites, quand il entonne Quitte moi, la salle bourdonne et les cœurs se gonflent. Quand il chante son bar dijonnais et Jean-Louis, quand il offre Dimanche aux apprentis badauds, c’est avec une malice toute dissimulée que la salle chante avec lui.
Yves Jamait, c’est bien entendu des coups de gueule, c’est sans conteste une philosophie à fleur de peau et accroché aux ailes de son expérience. On sent sa gorge se gonfler quand il raconte son passé d’ouvrier, et qu’il lance quelques piques au gouvernement insalubre actuel. Avant d’appeler à se retrouver pour battre les pavés le 31 Mars, Yves Jamait offre sa voix à la chanson du local de l’étape : Gilles Chauvet. Alors oui, Yves n’a pas « commis » cette chanson, mais Le Bleu est un des grands moments de cette soirée, et c’est bien grâce à lui.
Chaque chanson est introduite par l’artiste, qui n’a pas son pareil pour saisir les attention dans un jeu de mot, dans une anecdote lunaire où chacun se retrouve. Il est bon parfois de « s’en mettre une vieille », comme t’y dis ! Alors finir le concert par La fleur de l’âge et Même sans toi, éloigne les nuages plus surement que n’importe quel coup de vent. C’est même à l’instant de dégoupiller Je passais par hasard, où la hargne saigne sur la scène, qu’Yves fera tomber la casquette. C’est évident, une amitié rare a fondé bien des espoirs ce 26 mars.
Mais il n’est pas salaud, l’artiste, et son fameux Medley Pourri à la sauce Jamait faire réponse aux longues minutes où la foule donne de la voix, battant le rappel comme on bat un pavé. Alors : « Est-ce qu’on devient salaud par hasard ? Est-ce qu’on devient salaud par envie. Peut-on le devenir par désespoir / ou par ennui ?« .
Pour apporter la réponse, le chanteur libère ses musiciens et s’offre seul à la meute stéphanoise. Après un cours de chant, assimilé les questionnements liés à la colonne d’air, le public a toute légitimité pour se lâcher, et accompagner tous les morceaux de chanson. Le Limonaire, Ok tu t’en vas, Et je bois, en finissant avec la tristement d’actualité, Y’en a qui, où les musiciens sont revenus pour l’occasion, toutes les dernières chansons sont effrayantes, car elles amènent vers la fin d’un moment que l’on sait inoubliable. Deux heures et demi sans interruption, deux heures et demi de sueur, de nostalgie et de verve.
Deux heures et demi qui risquent de résonner bien plus longtemps encore, au fond des murs de la salle Jeanne d’Arc.
Le mini micro-trottoir réalisé par le Musicodrome à la fin du concert confirme cette sensation. Pour un fan de la première heure, « Il ne vieillit pas, c’est impressionnant cette présence sur scène et cette force qu’il a quand il chante ». Un couple est venu pour la première fois voir le bonhomme : « Ce concert était le meilleur que l’on ait fait depuis des années. C’est une des plus belles voix de France, c’est sûr. Elle est tellement spéciale. Avec des textes magnifiques et un jeu de scène exceptionnel. »