Dernier weekend de juillet, Barjac s’éveille. Comme tous les ans, les habitués de Barjac se retrouvent au cœur du village, pour parler chanson et autres. Et puis les nouvelles bouilles pointent le bout de leurs nez !
Et cette 27ème édition démarre fort, en fanfare, en surprise, donnant directement le « la » d’une semaine qui s’annonce colorée !
Après un pot d’accueil des plus sympathiques, sous la chaleur étouffante de Barjac, le public, ce n’est plus une surprise, se masse nombreux au pied du château pour tenter d’être le mieux placé possible dans la cour !
Tout le monde trouve sa place, les voix se chevauchent et se noient dans un brouhaha qui donne une gueule charmante à cette grande foule. L’heure des concerts approche, Barjac est lancé. Avant que les concerts n’attaquent l’association Chant Libre (organisatrice du festival) va venir ouvrir le festival, suivi de madame Vasca et de la maison Jean Ferrat à Antraigues venue présenter un festival hommage à Allain Leprest sur la première moitié d’aout. Vasca, Leprest, Ferrat, les glorieux aînés sont toujours là, d’une manière ou d’une autre, restent les souvenir.
Erik Frasiak, pour une ouverture contrôlée !
Inauguré l’année dernière et déjà indispensable, le traditionnel instant des souffleurs de vers ouvre le festival. Et comme on reste dans les grandes figures, c’est un texte de Bernard Dimey que la voix d’Éric Frasiak introduit : « Pour un visage errant ». Comment placer la barre très haut !
Puis les musiciens arrivent enfin sur scène, rejoint après quelques notes seulement par le chanteur et son éternel chapeau. L’artiste ne mettra pas plus d’une chanson, Sous mon chapeau, pour soulever le bien nommé et faire taire les interrogations du public. Une heure durant Éric Frasiak (sans K ni Z à son nom, attention à ne pas le vexer), son guitariste, son pianiste et son bassiste vont partager leurs chansons au public de Barjac. Il le reconnaît et l’avoue « ça fait quelque chose d’ouvrir Barjac » ! Mais l’artiste le fera en douceur et sans problème, avec une partie du public déjà acquise à l’artiste.
Quelques chansons transpercent le temps et accentuent la chaleur de Barjac, Je t’écris est forte en sincérité, Comme un éclair est un clin d’œil furtif à Barbara Weldens, dont les mots rôdent dorénavant les murs du château, depuis l’aventure avortée de l’année dernière.
Mais Éric Frasiak c’est aussi des coups de gueule, avec un parcours à la Yves Jamait, le bonhomme est légitime à râler, et on retrouve beaucoup de hargne et de revendication sur la très belle Monsieur Boulot, en forme de point d’honneur déguisé aux politiques et aux grands patrons, un hommage aux travailleurs, aux vrais. Frasiak sait aussi se faire touchant, en chantant 44 tonnes en hommage à son père, ou Le Jardin, une magnifique chanson remplie de mélancolie qui n’est pas sans rappeler Renaud, à qui Frasiak donne parfois quelques (bons) airs.
Le concert s’achève sur l’habituel rappel d’une chanson, Qu’est-ce qu’il y a au menu est un moyen de protester une dernière fois, avant de se retirer après une heure de set rodée et réussie, et une belle ouverture de Barjac, quelques années après être passé par le chapiteau, Frasiak fait désormais partie des murs ici !
Loic Lantoine et The Very Big Experimental Orchestra, un coup de tonnerre sous les étoiles !
La venue de Loic Lantoine et de son orchestre originaire de Villeurbanne était attendue, tant une scène n’a jamais été aussi pleine à Barjac. Et pour cause, ce sont 18 musiciens qui entourent le chanteur, des batteries, des cuivres, et toutes les familles d’instrument (ou presque) étaient représentées !
L’entrée en matière est osée, pleine de folie, de drôlerie et de surprise. Sur un « beat » endiablé, « Monsieur saxophone » comme il se présente, vient faire, seul, sous demande de Loïc Lantoine, une ouverture de rideau des plus dantesques. En hommage à la chanson, l’artiste reprendra devant une foule dubitative deux tubes de Johnny Hallyday et Michel Sardou, avant de jouer sur du Duke Ellington. Le public est médusé, partagé entre crédulité et larmes de rire. Il est de ces fois où regarder ses voisins et leurs expressions procure un plaisir infini !
La présentation terminée, le concert peut commencer pour de vrai ! Tu me vieux ouvre le bal, et le public retrouve ses textes, ceux qu’il apprécie, déclamés par Loïc Lantoine comme lui seul sait le faire, avec une voix fabuleuse et une émotion communicative ! Mais cette poésie là est sublimée par les 18 musiciens qui l’entoure, par la forme, très jazz et déjantée de ces musiciens déjà grands !
C’est pour ça est un beau moment, mais quand Loïc Lantoine commence, en douceur, Ne Bouge pas, le public reste collé à ses chaises, cette chanson est incontestablement un grand moment du concert. On sourit et on est séduit. Tout au long du récital Loic Lantoine s’amuse et casse les codes, les sourires fusent et la bonne humeur sur scène est contagieuse et véritable. Ce gros travail entreprit par cette équipe rend à merveille et séduit.
Les musiciens sont tantôt seuls, le chanteur étant sorti de scène, pendant de longues minutes d’un spectacle purement musical qu’on n’a pas l’habitude de voir à Barjac, tantôt tous assis autour de l’artiste avec chacun une flûte à bec pour reprendre des berceuses, et c’est touchant, c’est beau, tout simplement. Après le cheveu blanc, en forme de clin d’œil, Loïc Lantoine et ses 18 rockeurs rappellent qu' »Il faut pas dire du mal de Johnny ». Véritable admiration ou blague potache ? Peu importe, ça crie, ça joue fort, ça joue bien, on rigole, on pleur et la lune jette un regard à cette drôle d’équipe, elle a bien raison !
« Humain, c’est joli après tout. On travaillera nos rencontres, pour unir les sages et les fous, lire la même heure sur nos montres ». La Nouvelle frappe en plein dans le mille. La poésie a bien investi cette grande scène de l’espace Jean Ferrat, que Loic Lantoine saluera d’un clin d’œil amical et bienveillant, avant de terminer le concert en poésie, avec l’orchestre délesté de ses instruments pour simplement jouer avec leurs corps, leurs mains, leurs bustes, leurs jambes. Une autre idée du partage et de la musique. Une belle, une qui change !
« C’est pas fini, ça continue. Vas-y paye moi un verre, je te le rembourserais en sourires »
Le spectacle se construit, lumière et son étaient présents et ont embellit le spectacle, pour un beau moment, travaillé et sérieux, hors du temps. Cette soirée a cassé les codes, et cela fait du bien, le travail entrepris par le chanteur et ses copains, comme il aime à les appeler, est un travail indispensable de défrichage de la chanson française, une manière poétique et éthique de l’amener vers de nouvelles personnes, de la décloisonner. Et quel autre endroit que la grande scène de Barjac pour amener cette bande de jeunots à la rencontre du public de chanson le plus exigeant qui soit !
Le choix de programmation était osé, sans doute qu’une partie du public aura été bousculé, aura tiré la tête et se sera dit que c’est un insulte à la chanson. Dommage pour eux. L’autre partie du public s’est levée, a pris une claque et a chancelé entre le rire et les larmes tout le concert. Les discussions après le concert allaient bon train, on a frisé le génie, la folie, les deux réuni. Réunis, c’est comme ça qu’on peut présenter les 19 artistes présents sur scène, réunis dans les sourires et la conneries, dans la musique et la poésie, à la croisée des monde, et juste pour ça, ça valait le coup ! Messieurs Dames, chapeau bas !
Cette première journée s’achève autour du chapiteau, sous une ambiance toujours bonne enfant, avec une soirée organisé par le festival de La nuit du chat, autour d’un verre et d’un accordéon, Barjac jour 1 est déjà terminé. Aujourd’hui Alexis HK et Contrebrassens viennent sur la grande scène détriturer nos habitudes et écarter nos oreilles. On s’y retrouve! Il y fait bon!