Quatre ans après un très réussi « Octobre », les québécois des Cowboys Fringants sont revenus le mois dernier avec leur dixième album studio, « Les antipodes », plein de mystère et de sens cachés.
Chaque album des Cowboys Fringants est un précieux sésame qui se laisse découvrir au fil des écoutes. Amorcer une chronique dans la foulée de sa sortie n’aurait pas permis de prendre du recul sur cette nouvelle création du groupe. Il faut dire que les québécois nous ont malmené sur ce disque. En 2015, lorsque sortait leur dernier opus « Octobre », nous étions tombés sous le charme de ces près de 14 pistes et une de nos conclusions soulignait que cet album faisait partie de leurs meilleurs, aux côtés de « La grand-messe » (2004) et « Break syndical » (2002) (l’album « L’expédition », 2008, n’est pas bien loin). Les années ont passée depuis ce papier paru entre nos murs et, à vrai dire, le constat aujourd’hui reste inchangé.
Avec la sortie de cet opus, « Les antipodes », il y avait donc beaucoup d’attente concernant les nouvelles compos de ce début d’automne. Même si les québécois ne sont pas avares de disque (globalement un cd tous les 4 ans depuis 2004), il n’empêche qu’une attente palpable flottait dans l’air les semaines précédents chaque sortie.
Avant même de plonger tête baissée dans ces antipodes, une petite déception va s’inviter à la fête : au regard de la tracklist du disque, seuls dix titres le composent. Ce dixième opus, d’une durée de 38 minutes, est à ce jour l’album le plus court de la riche discographie du groupe. A force d’habituer son public à plus de plaisir, il finirait par faire la fine bouche ! Ce léger flottement va d’ailleurs s’inviter un peu plus loin suite à la première écoute. Celle-ci se réalise sans grosse embûche sans toutefois décrocher le cœur de la cible d’emblée. Musicalement, les titres de l’album auraient très bien pu figurer dans l’album précédent… et apprendre que ses réalisateurs étaient également ceux de « Octobre » n’étonne finalement pas.
Passé outre ce premier constat, il s’avère que « Les antipodes » se laissent approcher pour mieux se laisser dompter et les écoutes auront raison de nous. Si l’on s’accorde à dire que cet album ne figurera pas dans le top 3 du groupe (vive la subjectivité !), cela n’enlève en rien qu’il est constitué de plusieurs pépites qui se découvrent volontiers. D’abord, il faut dire que Les Cowboys Fringants continuent de faire une recette qui a plus que fait ses preuves par le passé : ils aiment franchement déconner en proposant des pistes entêtantes à souhait qui ne manquent pas de vous faire taper du pied… tout en sortant des compos d’une réalité éclatante qu’elles pourraient vous assommer.
A l’image de L’Amérique pleure, en ouverture, Les Cowboys Fringants signent d’entrée une toune comme ils savent si bien les faire, dans la même veine que Les étoiles filantes ou encore Pizza galaxie. Ce titre, d’une merveille déconcertante, balaie tous les maux qui envahissent nos têtes, ceux qui vérolent notre société moderne ou encore ceux qui nous font perdre nos repères. Ce tableau du monde, dépeint dans le rétro d’un vieux camion, a bien perdu de son éclat et c’est le cœur au bord des lèvres que « Les antipodes » débutent.
Comme si le groupe attendait le sursaut de l’Homme, son déclic du moins, le voyage se poursuit sur Les maisons toutes pareilles, une perche tendue vers le lâcher prise le temps d’une chanson pendant que la planète s’effrite. En mode symphonique sur certains passages, Les Cowboys Fringants s’essaient sur un autre terrain et le rendu fonctionne plutôt bien ! D’une tristesse, mêlant ces nouvelles sonorités avec un côté foutraque soviétique (façon chœurs de l’armée rouge), complète ce ressenti, là où les humains semblent de plus en plus perdus.
Bien décidés à nous donner les clés de lecture de ce jeu aux règles inconnues, Les Cowboys Fringants continuent de garder de l’espoir sous la semelle : Sur mon épaule, en toute simplicité, replace l’amour au premier plan. Le titre parvient à dégager quelque chose de puissant comme si nous voulions savoir que cet amour sera indestructible et qu’il parviendra à résister à toutes les épreuves de la vie.
Plus loin, sur Ici-bas, c’est une autre facette de vie qui se présente à nous. Celle qui nous entraine parfois vers les profondeurs : ces histoires, lorsque la maladie s’invite dans son quotidien, on n’aime pas les entendre car elles suscitent de la peur… Le combat sera rude mais le défi est relevé, c’est une certitude ! Dommage cependant que cette compo renferme de curieux penchants ‘variété’ côté mélo.
Pour passer à autre chose et sortir du mal qui empoisonne nos corps, Les Cowboys Fringants ont donc décidé de jouer une carte qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de dégainer depuis toujours : les portraits ! D’approche inégale, cela n’enlève en rien de leur force de frappe ici encore. D’abord, Suzy Prudhomme a le don d’étonner avec ses influences rockabilly, et ses traits sont une vraie sucrerie à déguster sans modération. Pour les autres, la modération est un peu plus de mise mais ils s’avèrent démoniaques ! Niveau alcool, Mononc’André est bien monté et le morceau est surtout délirant ! Sur fond de punk/country cuivré, ça déroule. Et quand déboule Johnny Pou, le chum un peu pommé qui ne s’est toujours pas rangé à 40 balais, l’allusion fera forcément sourire !
Dans cette légèreté ambiante, Les Cowboys Fringants ne vont pas s’arrêter en si bon chemin et les kiffs assumés par le passé ressurgissent ! Dommage qu’ils soient un peu trop grisant sur Saint-Profond alors que Marine marchande a trouvé son successeur : La traversée (de l’Atlantique en 1774) est une nouvelle bombe et ses éclaboussures sont salées et surtout maltées ! Avec un refrain entêtant, la fin du voyage se fait sur le Saint-Laurent en beuglant : » Whisky, whisky, où il est l’whisky ? L’eau douce, ça rend malade » !
Avec cette nouvelle mouture, nul doute que Les Cowboys Fringants ne décevront pas leur public avec un album qui porte leur manque de fabrique. Si deux ou trois compos semblent un poil en dessous des autres, il s’avère que les québécois ont proposé des nouvelles pistes qui font encore réfléchir sur les vents dominants qui s’agitent au-dessus de nous et les vents contraires à essayer d’attraper. Le tout en tentant de détendre un peu l’atmosphère, et ce n’est pas chose facile !
Les Cowboys Fringants, « Les antipodes », disponible depuis le 4 octobre 2019