En fin d’année dernière, Jean du Voyage est venu présenter son deuxième album intitulé « Ritual ». 8 ans après son premier LP « Mantra » et 5 ans après son dernier EP « Namaskar », l’émotion était donc palpable. Attention, cap vers de nouveaux horizons !
L’artiste originaire de La Rochelle a pris le temps pour présenter sa nouvelle mouture. Histoire de calmer la frustration, nous pouvons dire qu’il a mis les moyens pour nous sustenter : derrière « Ritual », ce sont pas moins de 16 titres qui vont se laisser approcher pour près de 50 minutes d’évasion. Et ça c’est chouette !
Mais mettre en avant un nombre de titres et une durée serait terriblement réducteur, ce qui importe reste la griffe musicale et le contenu du disque. Et ce serait presque sans surprise de constater que Jean du Voyage a réalisé une nouvelle pépite. Oui, nous coupons court au suspense sur ce papier. Le temps a bonifié l’esprit créatif de Jean du Voyage qui propose un album à la fois complet et marqué par l’éclectisme.
A l’image de Melisma, on comprend d’emblée que Jean Onillon n’arrive pas tout seul : Romane Beaugrand affûte son violoncelle et cette entrée en matière est tout simplement magistrale. A pas feutrés, Jean du Voyage ouvre les hostilités sur de la soie, entre lyrisme et onirisme.
La sensation de légèreté se poursuit, comme une progression douce et en totale maîtrise de nos sens, avec Talk to me. A présent, c’est Dawa Salfati qui s’occupe de nous envelopper dans une étoffe molletonnée. Cette main tendue aux rêves et à un ailleurs sans frontière fonctionne sans forcer… et ce côté réconfortant se retrouve également sur The witch. Romane Beaugrand s’occupe de tout, du violoncelle et du chant, et ce début d’album est tout simplement surprenant : d’une part, le chant prend de l’espace sur ces premières compos et c’est clairement une enveloppe trip hop qui est de sortie.
Nous allons d’ailleurs retrouver ces influences un peu plus tard, comme sur Atypical : cette fois, en plus de la toile de fond trip hop, le chant de Romane est accompagné de scratches comme rarement nous en avions entendu dans l’univers de l’artiste. L’empreinte est plus profonde encore… dommage que Season renchérisse encore sur cette thématique, sans apporter le petit plus attendu.
Ritual aura beau casser cette dynamique de début de disque, il n’empêche que la griffe de Yasek Manzano, trompettiste de jazz cubain, vient s’apposer sur la compo de Jean du Voyage sans faire la moindre égratignure. Un court changement de style pour montrer que Jean du Voyage est prêt à tout explorer. Et il l’aime de plus en plus ce côté jazzy ! Plus loin, sur Chrysalis et Sanctuary, c’est une ballade de l’entre deux mondes, le trip hop et le jazzy, qui pointe le bout de son nez avec Pierre Harmegnies.
A deux reprises sur le disque, il y a comme un effet miroir entre plusieurs compos : c’est peut être une histoire d’astre après tout, comme si Full moon, très trip hop presque psyché, se retrouvait prolonger par Sunrise, en un peu plus cosy. Plus loin, Energy déboule en mode plus rugueux et plus râpeux, avec un combo très urbain (Lex Bratcher & Miscellaneous) avant qu’Integraty, uniquement avec Miscellaneous, s’offre un dernier tour de ring.
Outre ces ponts musicaux, Jean du Voyage poursuit son exploration des genres en n’hésitant pas à monter en intensité sur le dernier quart d’album : sur Ney, sorte de ethno-trance rappelant les dernières sorties de Chinese Man qui pousse à danser… et les choses finissent par s’envenimer sur Ecstatic, entre electro et violoncelle, qui ferait penser à du Thylacine.
Mise sur orbite, cette montée dans les hautes sphères va se poursuivre : derrière Cobra se cache un véritable brûlot oriental, entêtant à souhait, avec toujours ce violoncelle de choc ! Bonnes sensations garanties.
La clôture du disque, Aya, sera lourde et sombre, quasi dark avec sa bass music, nous pensons avoir l’ombre et la lumière entre le premier et dernier titre de ce « Ritual », pourtant un instrument à corde viendra déclencher un éclair dans la nuit, comme suspendu au-dessus des nuages. Jusqu’au bout Jean du Voyage nous aura tenu en haleine !
Ce « Ritual » est surprenant par sa forte identité trip hop et surtout par le chant, omniprésent sur ce disque. A travers ses 16 titres, il y dévoile un puzzle contenant beaucoup de pièces trip hop mais aussi de belles percées jazz, hip hop et electro. Jean du Voyage ne s’est jamais perdu en chemin, bien au contraire, il continue de tracer sa route dans un univers plus vaste que jamais.
Jean du Voyage, « Ritual », disponible depuis le 1er novembre 2024 (16 titres, 49 min.) chez Banzaï Lab