Après les envolées de SBTRK puis de Panda Dub cette semaine, Le Musicodrome reste dans l’univers tortueux des musiques électroniques. Pour preuve, on met à l’honneur les dernières créations de Jean du Voyage et Lil Fish. Prise de hauteur garantie…
Jean du Voyage « Namaskar » (24 mai 2019) sur le label Banzaï Lab -TRIP HOP/WORLD-
Nouvelle virée pour le beatmaker originaire de La Rochelle. La dernière en date, « Mantra », avait déjà laissé des traces et on s’en rappelle très bien. Ce premier album était, à l’époque, une expérience à partager qui avait la faculté de vous propulser aux confins des genres. Du trip hop, forcément, mais aussi de sérieuses influences world pour favoriser l’évasion. Trois ans plus tard, Jean du Voyage a encore des choses à raconter. Pour y parvenir, il a une nouvelle fois décidé de passer par ses machines : ce nouvel EP, « Namaskar », a des accents indiens assumés qui ont été travaillés aux côtés de V.Soundara Rajan, un indien aux doigts d’or. Quatre des cinq nouveaux morceaux ont été enregistrés lors de son passage en France. Aux détours des pistes, les cordes vibrent et l’Inde s’invite en toute finesse dans les valises du français. Revagupthi, en ouverture, donne d’emblée la couleur de l’EP qui sonnerait presque trad’ au premier abord. L’électronique prend de plus en plus de place au fil des morceaux et la griffe de Jean du Voyage finit par être palpable sur Exode avec ses scratches et son faste passé dans le turntablism. Avant de laisser les basses souffler les braises de Nakshathram, l’artiste n’a pas oublié un de ses fidèles collaborateurs de longue date, Pierre Harmegnies avec Masala (qui marque le retour de la fameuse clarinette si présente lors des sorties précédentes). Entre les pistes et les découvertes, Charukesi sonne déjà le glas de l’EP… qui tendrait presque plus world que trip hop.
Lil Fish « Organic » (2 juillet 2019) chez Gravitas Recordings -BASS MUSIC/WORLD-
Changement de rivage pour ce second focus : on abandonne ici les rives de La Rochelle pour prendre celles du Lez, à Montpellier. Même si le français a choisi un label texan pour son nouvel EP, Gravitas Recordings, celui-ci partage un bon nombre de points communs avec Jean du Voyage. D’abord, il y a un amour certain pour les musiques de l’autre continent, l’Asie en première ligne, avec des instants capturés qui ne peuvent s’exprimer qu’à travers des machines. Lil Fish triture les sons et aime les imbiber à sa sauce, façon bass music et trip hop, avec un penchant plus affirmé vers la bass music. Les influences des autres Fakear et Al’Tarba sont certaines mais ce « Organic » mérite d’y accorder toute son attention. Le morceau The lost voices, en featuring avec CloZee, fait figure d’épouvantail et il est un passage obligé de l’EP. La compo maintient en haleine tout comme elle aspire vers d’autres choses ; des choses à la fois rafraichissantes et entêtantes. Autour de ce hit, il y a des pépites comme Apologize et Organic (très abstract) ainsi que Burning forest, trop d’actualité. On sent bien que ce « Organic » bouillonne, Theory est brûlant et dubstep, digital à souhait tandis que Origines annonce de nouveaux présages, peut-être plus cuivrés, peut-être plus posés… Bien malin de savoir où Lil Fish voudra bien nous amener la prochaine fois. Espérons que le monde, lui, se sera au moins calmé d’ici-là.