En attendant la 20ème édition « anniversaire » des Rocktambules, de Rousson (30), les organisateurs ont mis cette année les petits plats dans les grands pour nous concocter une programmation de haute volée avec la présence, sur trois soirs, de La Rue Kétanou, Massilia Sound System, Biga*Ranx, Les Tambours du Bronx ou encore Le Trottoir d’en Face. Avec cette formule new look pour le célèbre mammouth rock’n’roll cévenol, une soirée a donc été ajoutée dès le jeudi soir histoire de prolonger le plaisir. En ce premier soir, c’est le trio de La Rue Kétanou qui s’est chargée de prendre les commandes du navire roussonnais. Ils nous ont surtout fait comprendre que nous étions tous dans le même bateau…
Etat d’urgence oblige, les Rocktambules ont été contraints de s’adapter pour que l’événement se déroule dans les meilleures conditions possibles. Un peu plus chaque jour, les adaptations des uns et des autres nous rappellent le contexte actuel. Soit. La vie ne s’arrête pas là… Ce soir, les Rocktambules vont résonner alors qu’il y a à peine quelques mois il était difficile de savoir si le mammouth allait pouvoir rugir à nouveau. L’acharnement et la persévérance ont donc fini par payer !
En ce début de soirée, c’est le jeune groupe Assaswing qui se charge d’ouvrir officiellement cette édition 2016 des Rocktambules. Les locaux jouent devant une poignée de festivaliers qui arrivent au compte goutte sur le site. Forte chaleur, début de soirée très tôt pour un jour en semaine, la prise de recul est finalement de mise… Dommage car Assaswing a eu les arguments pour faire la différence : c’est rock, ça pulse, c’est swing… mais il est bien difficile d’affronter le soleil debout sur ses pattes.
La suite est assurée par KIZ, jeune groupe français qui a fait ses gammes dans le métro parisien. Ce dernier a choisi de faire sa musique avec des briques et des brocs soupoudrée de rock. Longtemps sur les réseaux sociaux le groupe a été mis en avant par leur reprise de la sonnerie Marimba, célèbre chez les utilisateurs d’iPhone. Le groupe s’amuse avec les objets de tous les jours, trafiquant par exemple différents génériques de séries pour les adapter à leur sauce… Initialement composé d’un duo, Alice et Mark, KIZ a embarqué dans ses valides des musiciens pour assurer un rendu sonore pop/rock. On y retrouve des touches d’Izia (façon troisième album, en français) notamment dans le chant, ou bien encore de Liliboy, chanteuse déjantée de Deluxe. Avec un show de près d’une heure et quart, KIZ a fait le taf’ et aura tout donné pour réveiller le public de Rousson, trop peu réceptif pour suivre l’entrain du groupe. Difficile cependant de comprendre le processus si particulier de création musicale du finaliste du Prix Ricard S.A. Live Music 2014 lors d’un festival…
Avant de passer au plat de résistance, un second groupe tremplin, Lune Pourpre, a mené la danse. Riffs hurlants et paroles stridentes se sont taillés la part du gâteau alors que le monde commence à se rapprocher de la grande scène pour La Rue Kétanou.
La nuit est tombée sur Rousson et les accessoires de scène sont toujours aussi minimalistes où plusieurs cagettes de bois sont éparpillées sur les planches des Rocktambules. Une mise en scène sobre mais terriblement suffisante ! Le trio n’a pas pris une ride : Mourad Musset est au milieu, fringant, et il est toujours épaulé de ses deux acolytes, Florent Vintrigner et Olivier Leite. Sourires aux lèvres, les trois gaillards continuent à s’amuser sur scène comme s’ils avaient 20 ans. 20 ans, c’est précisément leur existence. Le théâtre du Fil est loin, du moins pour évoquer leurs débuts, même s’il est toujours aussi présent dans les mémoires. Lorsqu’on parle du souvenir, La Rue Kétanou en est remplie : comme si le premier album n’était finalement qu’à une portée de la main, le trio invite progressivement chacun d’entre nous à venir les partager à nouveau. Tel un souffle, l’air se charge d’un passé nostalgique, on se mettrait presque à attendre Les Caravanes ou « de partir le pouce en l’air, à l’autre bout du bout du monde » (Sur les chemins de la Bohême). Comme si le présent nous forçait à refuser la réalité, l’invitation au voyage de l’imaginaire se répète : Almarita, bien entendue, poussée par un « al Marie Jeanne », vole au vent, pour nous amener découvrir La guitare sud-américaine.
Échappatoire indispensable pour reposer l’esprit, la fête et le partage, ensemble, deviennent indissociables. Comme si l’essence des uns devenait motrice pour d’autres, on sent bien cette envie de vivre un truc collectif. Il n’y a pas des semaines où l’émoi finit par nous quitter : rattrapé par la dureté de la vie et la connerie de certains, le groupe a proposé un set pour l’évasion car les gens en ont besoin… tout en acceptant de faire front pour affronter la situation. La Rue Kétanou fait même un pied-de-nez (Mohammed) aux amalgames en haussant le ton, proposant une version agitée de son manifeste, Interdit, guitare électrique en soutien. Face à ce manque d’air, Les maisons sont là pour nous rappeler que le mal est profond, peut-être est-ce à cause de L’alignement des planètes, mais la machine doit repartir de l’avant, inlassablement, car cela doit en être ainsi. La Rue Kétanou s’en est chargée pendant 1h45.
Dans un engouement généralisé et un public connaisseur, la valse des « classiques » a remis le moral à bloc des festivaliers : chez ce bon vieux Pépé, Les mots ne manquaient pas sur Tu parles trop avant que l’appel du peuple ne résonne dans toute la vallée. Il y avait bien Les cigales du côté de Rousson et cet accordéon indomptable sur Les hommes que j’aime, il y avait aussi Le capitaine de la barrique (« et ses emmerdes qui vont avec »).
Prenons la vie comme elle vient (…)
Et m’en fous des traditions,
De leurs tabous, de leurs menaces,
Vive la révolution,
Que l’amour les remplace !