AvecLes années se suivent et, fort heureusement, ne se ressemblent pas pour le festival gardois : si la série des sold out a pris fin l’année dernière avec une légère baisse de la fréquentation, les organisateurs ont pris la vache par les cornes pour repenser le festival. Sans révolutionner complètement l’événement, ils ont toutefois décidé de changer le look de la Meuh Folle. Cap sur la 16ème, en mode grand format !
L’année dernière, les étudiants de l’école des mines d’Alès (30) avaient choisi de jouer la carte de l’éclectisme avec une programmation très métissée et un peu touche à tout. Une approche intéressante qui a le mérite de ne pas s’enfermer dans un style et d’élargir potentiellement le nombre de festivaliers. Le pari était osé et il fut, en partie, atteint. En 2019, c’est clairement la carte de l’audace qui a été jouée et la nouvelle programmation risque bien d’en désarçonner certains… pour probablement en conquérir d’autres.
Un vendredi à « cinq » qui va monter dans les tours
Le premier élément notable de cette Meuh Folle 2019 est que cette grande sauterie se jouera à 10 ! En 2014, un neuvième groupe était venu renforcer la programmation traditionnelle du festival. Cinq ans plus tard, un dixième groupe s’invite à la fête. Ce premier soir de festival, souvent générateur de craintes pour les organisateurs en terme d’affluence, est ainsi renforcé.
D’abord, histoire de ne pas trop dénaturer le portrait de cette vache folle, c’est bien du reggae qui ouvrira les hostilités avec le groupe vainqueur du tremplin de novembre dernier, The Natural Seed. Du reggae, oui, mais pas que puisque des soupçons funk parsèment leur répertoire. Ensuite, c’est celui qui a décidé d’arrêter sa carrière pro dans la pub qui reprend le flambeau musical : Vanupié, rendu connu notamment grâce à des perf’ dans le métro parisien ces dernières années, vient défendre son nouvel opus, « Gold », sorti en mai 2018. Amoureux du reggae, il a su y mettre des ingrédients tout doux lui donnant un côté groovy et mélancolique. Avec sa guitare sèche sous les bras, Vanupié y donne quelques notes soul. Il y a des influences à la Broussaï ou encore Jehro, un reggae qui invite au voyage et à la douceur. Bref, un joli début de soirée à l’horizon.
Avant de passer au plat de résistance underground de ce premier soir, c’est un incroyable collectif qui va s’emparer du Capra : en l’occurrence, le Collectif 13. Il est constitué de membres de groupes incontournables de la scène alternative française (Guizmo et Danielito de Tryo, Gari de Massilia Sound System, Mourad de La Rue Kétanou, Gérome et Erwann de Le Pied de la Pompe, Max du P’tit Son, sans oublier Syrano, Alee, Ordoeuvre, Fred Mariolle…). Déjà auteur d’un premier album éponyme en 2015, le collectif dévoile le 18 janvier son nouveau bébé, « Place au soleil », qui en dit long sur l’état d’esprit qui anime le groupe. Métissage des genres et bonne ambiance en vue !
Enfin, car toute soirée a son lot de surprises, c’est donc un artiste rap qui vient fleurir la programmation de ce premier soir. A l’exception de Scarecrow, en 2013, qui a cependant de sacrés penchants blues, aucun groupe grossièrement étiqueté rap n’avait pointé son nez sur les planches du festival. Les choses évoluent, c’est aussi ça le signe de la maturité. Demi Portion, rappeur des quartiers de Sète depuis la fin des années 90, a vu sa notoriété grimper en flèche ses dernières années. Il aime parler de la France, de ce qui l’anime ou la déchire, avec des compos rappées et, plus récemment chantées. S’il est grandement apprécié des puristes du genre, tous n’y adhèrent pas, mais aujourd’hui il est devenu un des artistes phares du genre en France.
Pour terminer la soirée, c’est un beatmaker originaire de Bristol, Vandal, qui va prendre les manettes. D’ailleurs, son passage ne devrait pas passer inaperçu tant l’anglais a l’habitude de faire des sets chaotiquement puissant, lui qui s’est laissé bercer par la culture de la free techno. Aujourd’hui plus adepte des poussées ragga/teck, il n’est pas dit que la tôle du Capra résiste à Vandal !
Le roots à la manœuvre samedi
Avant d’entamer la seconde soirée, les festivaliers vont pouvoir profiter de la nouvelle carte blanche accordée au presque sound system attitré du festival de la Meuh Folle, le Bhale Bacce Crew. Avec une quatrième venue au compteur sur les six dernières années, le crew continue de cartonner auprès des festivaliers à chaque édition, alors pourquoi s’en priver ? D’autant plus que ce concert est gratuit et que la sono maison est de sortie (elle sort de plus en plus rarement pour les BBC).
Une fois bien chauffé à blanc, le public pourra découvrir un groupe originaire de l’autre côté du Rhône, les Wailing Trees. Composé de sept zikos, le groupe fait tranquillement son petit bout de chemin depuis un peu moins de 10 ans. Groupe aux facettes reggae/soul, la recette fonctionne et il y a deux albums pour s’en faire une idée plus précise. C’est tranquille, c’est frais, cela devrait ouvrir le samedi comme il se doit.
Au milieu de ce second soir qui a comme fil rouge le reggae, Hippocampe Fou vient rappeler que le rap fait aussi une apparition remarquée dans cette édition 2019. Il est d’ailleurs bien dommage de voir le rappeur parisien à l’affiche du samedi et non du vendredi aux côtés de Demi Portion. Visiblement, les organisateurs n’ont pas favorisé la soirée « à thème » pour mieux fidéliser le public sur deux soirs… C’est musicalement dommage, mais une fois cette frustration encaissée, il faut reconnaître que l’artiste vaut le détours : il y a trois albums dans ses valises, dont un dernier opus excellent (« Terminus », 2018). Il y a un peu de slam, pas mal de rap, mais aussi des beats qui sonnent oldschool avec des rythmes très funk. Cela peut rappeler Hocus Pocus parfois, en plus doux, ou alors Mc Solaar, en plus jeune.
Après cette douceur/noirceur des mots, c’est un nouveau géant de la scène internationale du reggae qui débarque à Alès après Groundation en 2015. L’italien Alborosie va quitter sa nouvelle terre d’accueil (la Jamaïque, depuis 20 ans) pour les Cévennes le temps d’un concert attendu au tournant ! Avec la sortie, l’an dernier, de « Unbreakable » enregistré avec les mythiques Wailers, Alborosie a montré encore et encore sa passion dans un reggae qu’il façonne depuis plus de 10 ans en solo. Pour preuve, l’artiste a sorti près de 13 albums depuis 2008 (studio, remixes, acoustiques, meets confondus…). Nul doute que sur les planches de la Meuh Folle en avril, le show soit à la hauteur de la carrière du bonhomme.
Enfin, c’est une nouvelle clôture de soirée très très chaude qui se profile pour boucler la boucle de cette 16ème édition : à l’image de Vandal la veille, c’est un autre excité des boutons, Rakoon, qui déboule. Sur son premier album, « Our smiles » (2016) et ses deux opus (« From the ashes », 2015 et « Explorations », 2017), le toulousain distillait un dub boosté à la trance, n’hésitant pas à tendre vers d’autres genres y gravitant. Avec son nouvel opus, « Wishes and delusions » (tout frais, de décembre 2018), Rakoon s’offre un premier tournant désarçonnant, un peu comme « The lost ship » de Panda Dub, avec un virage hybride, beaucoup plus electro qu’à l’accoutumée. En revanche, le cocktail reste toujours aussi survitaminé pour un garçon qui a la solide réputation d’embraser les lives !
Retrouvez sur Le Musicodrome nos 3 reportages photos sur l’édition 2018 :
- Jour 1 et 2 by Photolive30 : ici
- Jour 1 et 2 by Photos Nomades : ici
- Les festivaliers by Photolive30 : ici
5 et 6 avril 2019, Parc des expositions, Alès (30). Camping gratuit. Pass 1 soir : 23.80€, pass 2 soirs : 34€. Plus d’informations ici.