Didier Super est le président d’honneur de l’édition 2017 du Festival Pink Paradise à Toulouse. Pour l’occasion, il a accepté de répondre à quelques unes de nos questions les plus sérieuses et « méga-intellos ». Retours sur une interview à moitié dans une voiture sur un parking, à moitié sur un vélo au bord de l’eau.
Qui es-tu, et quel style de musique proposes-tu à ton public ?
Je suis Olivier, je suis un mauvais comédien, puisque je ne sais jouer qu’un seul personnage. Ce personnage s’appelle Didier Super (je l’ai appelé comme ça). En tant qu’Olivier la musique je m’en fous, puisque la musique c’est 12 notes, on a beau les tourner dans tous les sens depuis 50 ans, il serait temps qu’on passe à autre chose. Donc j’ai vraiment pas l’impression de proposer un truc nouveau, niveau musique. Didier Super c’est pareil, il est pas plus associé que ça à un ensemble de notes. Pour ce qui est de mon humour, certains le qualifient de trash, d’autres de mauvais gout, d’autres encore disent que c’est pas terrible. Je conviens que ce soit un peu spécial pour ceux qui découvrent.
Ne trouves-tu pas ça dommage d’être incompris d’une grande partie du public ?
Les gens qui viennent au spectacle, savent en général qui ils viennent voir. Bien sûr, il y a toujours un petit 10% qui découvre, et que j’emmènerai ou pas, mais cette incompréhension participe au spectacle. Le fait que, sur internet surtout, il y ait autant de gens qui passent à côté de cette subtilité (qui est pourtant accessible), je pense que ça participe au folklore, et pour ceux qui comprennent, ça les fait marrer de voir leurs copains tomber dans le panneau.
Après moi je pars du principe que les gens ne sont pas si cons qu’on le croit, et que tôt ou tard ça percute. Y’en a pour qui évidement on peut rien en une seule vie.
Moi ce qu’il se passe en ce moment, ça me fait du boulot pour 10 ans !
Y a-t-il encore des personnes qui te font rire ?
C’est sûr que dans ceux qui ont l’intention de faire rire et qui reçoivent un cachet pour ça… De moins en moins. Après, Fillion par exemple, est très drôle (même s’il est pas non plus tout à fait bénévole) et y’en a d’autres comme ça, le club des trois poulettes (Lepen, ndlr) ils sont biens, franchement ils sont biens. Mais ça c’est parce que je viens du Nord, et dans le Nord on est du genre à rire par désespoir, notamment des politiques actuels et tout ce qui va avec (les journaliers, qui leur servent leur soupe tous les midis, etc…).
Moi ce qu’il se passe en ce moment, ça me fait du boulot pour dix ans !
Selon toi, pourquoi le selfie est autant à la mode ?
Tu parles de tous les gens qui se sentent obligés de taxer une photo dès qu’ils me croisent ? Parce que pendant le spectacle, les téléphones ça se passe très mal pour eux, donc en général les gens ne les sortent pas…
C’est intéressant parce que depuis quelques temps, le selfie l’a emporté sur l’autographe. Et à la fois ça m’attriste, mais d’un autre côté ça m’arrange, ça me fait moins de boulot.
C’est comme s’ils ne se contentaient plus de leur ticket de spectacle, il faut qu’ils croquent un bout de peau, quelque chose…Et du coup ça m’incite à sortir de moins en moins longtemps de ma loge après mes spectacles. Donc je leur explique que je fais exprès de faire la gueule sur leur photo à la con, pour qu’ils en fassent moins, mais je suis pas sûr que ça marche….
L’accès à internet dès le plus jeune âge rend-il les jeunes plus cultivés, plus responsables ?
La vraie question c’est « Est-ce qu’il faut vraiment avoir un avis sur tout ? ». De toutes façons les jeunes, avec ou sans internet, ils ont toujours été et resteront plus cons que nous, et puis voilà. Après le contenu d’internet n’est absolument pas contrôlé, c’est vrai. Mais le gars il ira voir des vidéos de nains et des articles sur des extraterrestres juifs. Puis s’il est pas trop con il se lassera et il ira peut être voir autre chose…
La dénonciation grand public est-elle plus importante que l’action en cercle restreint ?
L’un n’empêche pas l’autre, déjà. L’humour dénonciateur, euh… J’dénonce des choses que les gens savent déjà, faut quand même pas déconner. Ça reste un divertissement, faut pas non plus péter plus haut que son cul. C’est un divertissement, même si des fois en spectacle, les gens peuvent ressortir différents. Tout ce que je peux faire à la limite, c’est balancer des vérités sales que les gens savent déjà sans vraiment oser se l’avouer complètement consciemment. Et après le spectacle, ces choses malsaines qui n’osent pas remonter tout à fait à la surface de leur cerveau vont finir par trouver la sortie.
J’ai rien compris à ceux que je viens de dire, mais je suis sûr que c’est super clair.
Finalement ce personnage de Didier Super, ce n’est pas un personnage que tu as envie de changer ?
Changer pour changer, c’est tout le propre de l’Art contemporain. mais c’est pas pour ça qu’on a quelque chose de nouveau à dire. Tant que je rentre dans le personnage de Didier Super, y’a pas de souci. Après, quand j’en aurai marre, j’irai faire la plonge chez Flunch (si jamais ils m’embauchent, rien de moins sûr…), ou j’trouverai peut-être un autre personnage (j’en ai un en tête, depuis longtemps !), qui sera plus fort et qui prendra le dessus, les gens en viendront presque à oublier que Didier Super a existé. C’est tout à fait possible. Mais inventer un nouveau personnage pour inventer un nouveau personnage, j’ai pas envie… Y’a tellement de choses à faire en ce moment avec celui-là… Si ça se trouve, c’est les gens qui se lasseront avant moi. Ça fait 15 ans qu’on me le promet, ça va peut-être bien finir par arriver.