C’est en dépoussiérant quelques vieux classiques que Le Musicodrome vous propose pour ce début de mois d’avril un morceau qui nous vient tout droit de la Bretagne, et qui résonne comme un hymne d’insoumission, d’appartenance à une culture locale, mais aussi qui est transcendé d’idées humanistes.
La Blanche Hermine, de l’écrivain et chansonnier Gilles Servat, qu’on vous propose d’écouter aujourd’hui. Écrite en 1970, et « discographiée » sur un album éponyme sortie en 1972, elle a vu le jour dans un petit bistrot breton à Paris dans lequel le chanteur faisait la manche. L’on retrouve dans ce morceau un esprit folk, un peu beatnik, qui a marqué le mouvement soixantehuitard, mêlé à un chant guerrier incitant les bretons à la révolte.
L’Hermine est l’animal emblématique de l’ancien duché de Bretagne, avec une devise sans concession « Plutôt la mort que la souillure ». En 1975, Gilles Servat changea un couplet, car emprunt de misogynie, et la chanson prit le nom de Le départ du Partisan.
Dans ce texte, même si il est question de combat, voir de guerre, l’on retient surtout qu’il s’agit d’un appel à la lutte, à ne pas ployer le genoux face aux plus grands, ceci pour pouvoir faire vivre identité et culture populaire. Certaines personnes aux idées royalistes, ou extrêmistes-nationalistes, ont eu des problèmes d’auditions et ont récupéré cette chanson sans en comprendre, ni le contexte, ni les textes. C’est avec verve que Gilles Servat a remit les points sur les i, et tenu à redonner le véritable pelage au mustélidé, dans Touche pas à la blanche hermine…
Bercé par les textes de Ferré et Brassens, c’est en écoutant d’autres de ces textes que l’on comprend mieux les idées de l’Homme. Généralement hostile à l’ordre établi, il apparaît aussi comme un fervent défenseur de l’environnement et de la paysannerie, en témoignent certaines de ses chansons d’époque critiquant notamment le remembrement (passage de l’agriculture paysanne, à l’agriculture industrielle et massivement chimique). Mais aussi sa propre réadaptation de La blanche Hermine, en hommage aux Zadistes de Notre-Dame-des-Landes, en critique et virulence à l’égard de ce projet du passé, dépassé, où l’alliance Multinationale/État se fait symbole du capitalisme forcené et sans limite. C’est également en défense des classes populaires que se présente cette chanson, comme d’autres du répertoire (Les Prolétaires), lors de mouvements sociaux en 75, avec la grève du Joint Français, ou plus récemment avec les bonnets rouges. En 2007, Les Ramoneurs de Menirs reprennent le chant avec le style qu’on leur connaît, l’on entend même Gilles Servat sur les dernier couplet.
Même 47 ans après son écriture, ce texte peut encore raisonner puisque depuis nous sommes allé plus loin dans le massacre des cultures locales, des identités, des savoirs faire, des langues. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de revendiquer ou d’encourager un repli identitaire, ou une idéologie du « c’était mieux avant ». Mais de montrer du doigt ce rouleau compresseur qui détruit les pratiques populaires alors que ce sont elles qui donnent de l’autonomie, et favorisent l’autosuffisance des peuples. On est pas fan des citations habituellement, mais y en a deux/trois qui ont des petites phrases plutôt bien senties, et implacables… Notamment un certain Bakounine, « l’uniformité c’est la mort. La diversité c’est la vie. »
Bonne écoute à vous !
Et dire qu’elle a bercé les soirées chants du Clos dans les années 80/90…Colonie des monts du Forez bien loin de la Bretagne de Gilles S.
Choix validé !!! 🙂