Avant dernier jour à Barjac, toutes les bonnes choses ont une fin, et nous nous en rapprochons ! Malgré tout, un programme alléchant dans le Gard ce mercredi, avec le succulent Erwan Pinard sous le chapiteau, suivi de Victoria Delarozière précéderont Presque Oui et Amélie les Crayons sous les étoiles et les projecteurs du château. Pour un spectacle, un vrai !
17h pétante, le trublion de la chanson était seul, sur scène, avec sa folie et sa guitare, devant un chapiteau bien rempli. Nous connaissions Erwan Pinard, mais sans doute pas sous ces deux facettes, différentes au possible !
L’homme peut se faire doux et artiste sur les chansons où il se calme, où il prend sa guitare avec poigne et sérieux et nous chante des textes profonds, mystérieux et volatils avec des mélodies très envoûtantes. La voix grave et rocailleuse semble venir de beaucoup plus loin que la scène, de beaucoup plus loin que la terre, à quelques encablures du réel, et enrobe ces chansons-là en donnant des airs assez incroyable à Bashung, dans la force, cette capacité à avoir le public collé à ses lèvres. Ces chansons là, par lesquelles il a commencé et il a terminé, comme il l’a dit, Tranquille, sont des beautés.
Et puis il y a l’autre Erwan Pinard, celui avec qui il s’est engueulé sur scène, l’autre qui hante sa caboche. Et celui-là est d’un autre charme, celui là il saute dans le public, il le traumatise et lui crie dessus. Celui là il sue sur scène et se dévêtit, en empêchant l’autre Pinard de remettre une chemise. Celui-là chante aussi, mais hurle surtout, celui-là il est plus acteur de théâtre, il fait rire et fout les foies, celui-là a quelques longueurs dans ses chansons, mais il les rattrape à chaque fois par quelques vers finement ciselés et placés au bon moment.
Erwan Pinard nous aura livré une belle cuvée à Barjac. Si nous sommes incapables de savoir si nous regrettons de ne pas avoir eu que le Pinard « sérieux », celui qui prend les tripes avec ses textes et ses interprétations, nous devons alors garder les deux, pour une forme déroutante, qui nous en met plein les oreilles et pas mal dans les sourires également. Comme une coïncidence d’une logique implacable, Erwan Pinard venait de terminer son spectacle quand la tempête éclata sur Barjac, reportant le second concert à plus tard.
Presque Oui, presque seulement
20 ans que l’on est familier de ce nom, que l’on entend parler de lui (ou d’eux, car la forme a changé au cours des années, le nombre de musiciens aussi), mais nous n’avions jamais vu le spectacle de Thibaud Defever. C’est donc un petit saut dans l’inconnu par cette soirée, la première, un peu fraîche, une fois l’orage passé ! Une fois encore la possibilité de saluer l’équipe technique pour son travail acharné !
Presque Oui c’est aujourd’hui une guitare, une voix. Commençons par parler de la guitare. Et comment trouver les mots pour en parler. C’est un coup de massue d’une heure qui nous est tombé dessus. Un conseil, si vous jouez de la guitare, que vous en avez joué, ou que vous appréciez simplement l’instrument, allez voir Presque Oui en concert. C’est un récital, une forme classique avec des sonorités absolument incroyables. Tout le long du concert on prend des claques, on prend des harmoniques dans la gueule, de celles que l’on ne pensait pas pouvoir entendre à un concert. On a sans cesse l’impression que deux, trois, quatre musiciens sont en face de nous. Mais le constat est implacable, Thibaud Defever est seul, simplement virtuose. J’étais vieux ou Dégâts des eaux sont des chansons qui nous auront marqué par la beauté implacable de cet instrument.
Presque Oui c’est aussi une voix et des textes, et c’est à ce niveau là que nous n’aurons pas accroché, ou que nous aurions plutôt légèrement décroché, restant plus tendus au bout de ses doigts qu’au bout de ses textes. Alors certaines chansons sont très belles et émouvantes, comme Le Séquoia ou On saura Pas. Mais si Thibaud Defever a parlé de la complexité d’écrire des chansons d’amour, la plupart des textes sont très légers, et manquent de cette étincelle qui fait vivre les grands auteurs (ce qui n’enlève rien à la beauté et l’originalité des mélodies). De beaux moment jalonnent le concert, Presque Oui interprété avec Amélie les Crayons, ou alors la chanson diffusée avec la voix de l’ancienne coéquipière de musique et de vie du chanteur, Marie-Hélène Picard, comme un clin d’œil, un bel hommage.
Presque Oui c’était donc un beau concert, pour l’émotion, pour la guitare, pour les mélodies, même si les textes ne nous ont pas fait voyager comme nous l’espérions. Mais les voyages sont multiples, nous étions dans un wagon différent hier soir !
Amélie les Crayons, plein les yeux et les oreilles
La chanteuse arrive sur scène, après une première apparition avec Presque Oui, et annonce déjà la couleur : ce concert sera placé sous le signe de l’envie de faire bouger le public. 20 ans qu’elle en rêve, qu’elle nous dit, qu’elle veut se faire dandiner Barjac. A y croire les concerts de cette semaine, c’est une douce rêverie d’un peu tous les groupes qui jouent ici que de vouloir faire se bouger la foule !
Alors le concert sera jalonné de tentatives désespérées, ou pas, la chanteuse aura fait s’échauffer tout le public, physiquement et vocalement, avant de faire monter deux membres du public pour danser avec elle et ces musiciens, puis de donner toute son énergie lors d’une dernière valse en fin de concert! Partiellement réussi, une partie du public dansera pendant quelques minutes sur l’ultime rappel, sur la dernière valse, dans la fraîcheur retrouvée du château, en conclusion d’un concert particulier !
Particulier car atypique. Amélie les Crayons c’est un monde, un univers à part. Un univers où tout est beau et coloré, ou la vie est belle et douce. Cette candeur aura pu en désarçonner quelques-uns.
Mais musicalement c’est une folie, une douce folie. Et tout ça commence paradoxalement sans le moindre instrument, avec simplement un immense parterre couleur bois sur lequel les trois musiciens s’en donnent à coeur joie, avec leurs pieds, pour donner la mélodie, en chantant. Tout simplement. Lalaina ou Madame sont dans cette veine. Et c’est très réussi.
Puis la chanteuse troque ses pieds contre un piano, ses musiciens s’installent leur guitare au coup ou leur vibraphone devant eux, et les chansons déroulent Ta ptite flamme, Le Bal des Vivants... les chansons se succèdent, elles sont légères, n’ont peut-être pas une force incroyable dans le texte, mais cette légèreté est infiniment compensé par la présence scénique (ils ne sont que trois sur scène, mais ils occupent l’espace à la perfection) et la qualité musicale. On en prend plein les oreilles tout le concert !
Quand Mille Ponts arrive, avec ses couplets parlés, ses refrains chantés, avec la fumée qui s’installe, envahissant l’espace comme avant un chaos, avec les lumières qui, comme tout au long du concert, prennent leur place et marquent l’espace, enchantent le public, c’est un grand moment du spectacle, du festival, sans aucun doute !
Le concert se termine sur des notes plus engagées, et c’est fait avec intelligence et tendresse. Alors nous n’aurons pas été en prise avec une poésie incroyable tout le spectacle comme on l’espère tout le temps à Barjac, mais quelle spectacle, quelle énergie, quelle voix également, quelle folie. Un réel régal pour les yeux et les oreilles, bravo à Amélie les Crayons et toute cette équipe d’artistes pour la folie et la douceur !
Victoria Delarozière, une sacré scène ouverte !
C’est donc la chanteuse et ses deux musiciens qui clôtureront cette soirée, en lieu et place des habituelles scènes ouvertes que nous retrouverons donc l’année prochaine. Mais il était dans la logique des choses d’offrir malgré tout cette scène à ce trio, malgré un public moindre, cela valait le coup.
Contrebasse, accordéon, mandoline ou guitare, le trio surprend lorsqu’on l’aperçoit sur scène ! Les chansons se succèdent et se font tantôt douce et mélodieuse, lorsque la chanteuse se protège derrière son piano. Puis elle sait se mettre en colère, se faire plus violente, avec des envolées envoûtantes, lorsque le piano est troqué pour le plus leste accordéon !
Victoria Delarozière vient du punk, du spectacle de rue, et cela se sent, elle sait parler aux gens et se mettre en scène. Elle sait aussi passer des coups de gueule, comme sur sa chanson Messieurs, que les trois artistes trouveront malgré tout le moyen de retourner tendrement à la toute fin !
Croque-Mort nous fait rire et était une belle entame de concert, Narcoleptique sait se faire plus dure. Pendant une heure les chansons s’enchaînent et voguent vers des mondes bien différents. C’est frais et différent, on regrette qu’elle n’ai pas pu jouer en après midi, devant un chapiteau plein. Mais on ne gère pas encore le vent et le temps, même si ça viendra !
ATTENTION : aujourd’hui jeudi, les Fralibs sont de la partie à Barjac, maintenant regroupés sous leur SCOP 1336, ils viennent nous présenter leurs quatre années de grève, de révolte et de bataille contre le grand capital. C’est aussi ça Barjac, des initiatives, des engagements ! Alors on se retrouve autour d’un thé et d’un peu de musique.
Ah ben zut, alors, je ne suis pas un grand auteur 😉
Il me reste la guitare !
Des bises,
Thibaud
Cher Thibaud, en effet, j’apprends des trucs en lisant les bonnes gazettes.. mais tu as tout l’avenir devant toi, rien n’est perdu… Risoli et Lagaff ont fait danser avec fritas las patatas dans le bo lavabo, alors pourquoi ne pas tremper ta plume dans les encres qui font « les grands auteurs », (un mètre 80 minimum… ?) après tout René la taupe a été au top … 🙂