Deuxième journée sous l’éclatante chaleur de Barjac, deuxième moment à se retrouver, avec de nouveaux artistes sur scène, pour bousculer les codes bien établies, et permettre de continuer à la chanson de pointer le bout de son nez. Deuxième journée du festival, et première journée sous le chapiteau, pour une fête complète !
C’est Garance qui ouvrait le chapiteau, un peu moins d’une journée après que Frasiak ait ouvert la scène Jean Ferrat. C’est seule à la guitare qu’elle se présente devant un chapiteau plein à craquer, chauffé malgré les efforts permanents des équipes techniques de Barjac, qui ont même passé le concert à asperger le chapiteau d’eau. Mais c’est une autre histoire, remercions-les !
Garance donc, du haut de sa jeunesse faussement insouciante, commence, en douceur, à la guitare, à présenter ses chansons à un public qui l’attendait au tournant. Bien vite, elle est rejoint par Clément Simounet à la guitare, qui tout le concert apportera un supplément bien réel à ce concert par son jeu juste et propre !
Tantôt discrète et chuchotante, la chanteuse sait aussi se faire plus énervées, avec de belles envolées de voix, sur Les idées rock, ou Si je m’adresse à vous.
La chanteuse met aussi en avant ses élans revendicatifs, féministes, humanistes, à l’écriture énervée, sur Debout dans la cuisine ou Prend moi. Le tout est agréable à écouter, mais on regrettera parfois un certain air de déjà entendu et d’un sentiment d’une musique un peu « lisse », il manque encore la flamme à la chanteuse pour conquérir réellement la foule, lui proposer quelque chose de plus original encore. Mais toute sa vie est devant, donc pas de précipitation !
Ȼome surprend Barjac !
C’est au tour d’un trio de se produire sur la belle scène (il est à noté que l’installation scénique, sonore et visuelle est beaucoup plus agréable que les années précédentes). Un guitare électrique et une basse accompagnent Pierrick Vivares au chant et à la guitare rythmique. Dès lors, qu’attendre d’un public qu’on sait souvent frileux devant les élans musicaux électriques.
Dès le début, avec Qu’est ce qu’on en retient, les mélodies se font douces et embrumées, originales et un peu perchées on ne sait où. On n’a pas l’habitude de ce genre de mélodies, ici à Barjac m’en chante, et cela fait du bien. Le groupe s’inscrit dans cette nouvel élan (François and the Atlas Moutains, La Maison Tellier…) qui tente de redonner une fraîcheur à un pan de la chanson, et de l’ouvrir à plus de monde, l’effort est honorable.
Le trio enchaîne les chansons de son premier album, On se voit souvent, Deux corps, souvent en parlant de l’amour avec mélancolie et malice, les trois compagnons prenant un réel plaisir sur scène malgré les départs réguliers du public en cours de spectacle. A croire que certaines oreilles ne sont pas habituées au changement, c’est bien dommage car le groupe apporte une originalité et une touche particulière qui sont agréables et envoûtantes, mêlant divers horizons musicaux à une écriture travaillée.
Du rythme sur Jamais Content, qui a tout d’un « tube », et il est déjà l’heure de quitter le groupe pour retrouver le château. Gageons que nous entendrons à nouveau parler de Côme dans un futur proche !
Contrebrassens, un régal textuel et musical sous les étoiles…
Contrebrassens c’était un pari à Barjac m’en chante. Reprendre un répertoire aussi imposant, dantesque, que celui de Brassens est osé, il faut l’assumer ensuite.
Pauline arrive avec son instrument qui donne le nom à son groupe, quelques instants après que soit parvenu aux oreilles du public son interprétation de la Petite pluie d’été de Maurice Carême, dans l’instant des souffleurs de vers. Ce sont donc des chanson de Brassens qui vont nous être chantés, et dès Le Parapluie et La Princesse et le croque notes, le public est charmé, charmé par l’incroyable dextérité et maestria des deux musiciens, par la beauté et la douceur fracassante de cette contrebasse qui plie ses notes, les tords, les renverse pour leur faire prendre la forme des textes de Brassens.
Le père Noel et la petite fille suit, avec une douceur étrange, langoureuse et hors du temps, avec une petite entorse dans l’usage des pronoms, comme l’avait fait Barbara avant elle.
La chanteuse se décale de deux petits pas sur la gauche, emmène avec elle son instrument du tonnerre et enchaîne tout logiquement La Non demande en mariage et l’Orage. Le pari est réussi mille fois, la voix est belle et juste, avec une douceur qui colle à merveille aux textes du grand Georges. Mieux que ça, avec cette nouvelle manière d’amener les textes de Brassens, c’est encore une autre approche des paroles qui nous frappe, nous faisant prendre conscience de l’immensité du répertoire et de la prouesse qu’étaient en train de réaliser les deux musiciens de Contrebrassens.
Les chansons se succèdent, avec émotions, tantôt à la guitare sans contrebasse, ou avec un piano en accompagnement. La complainte des filles de joies est un succès et manque de faire se retourner le public bien assis, l’interprétation est sublime, la ligne de contrebasse est puissante et sonne à merveille, une véritable prouesse !
Le groupe se fait tout petit devant une poupée, avant de terminer avec Cupidon s’en fout et un beau rappel sans flonflon, Le Vent.
Le spectacle se termine, et c’est une vraie bourrasque qui est passée, qui nous en a mis plein la vue et les oreilles. Ce groupe est à découvrir de toute urgence, à programmer, à suivre, à écouter. Bravo !
La dépression avec Alexis HK, ça a du bon !
A quoi s’attendre avec Alexis HK, un des plus connus des chanteurs méconnus, ou l’inverse, comme aimait à se décrire Allain Leprest. Nous l’avions quitté sur son spectacle sur Brassens, comme la première partie lui était déjà dédiée, c’est bien avec ses chansons que l’auteur allait se présenter sur scène.
Alexis HK déboule seul sur scène, sans sourire, avec une dépression notoire accrochée au visage, présentant son spectacle interdit aux moins de 36 ans car explorant trop au fond les tréfonds de l’âme humaine. Déjà avec Mon ours, la fin de soirée est bien lancée, et la voix du chanteur, tellement particulière, fait déjà mouche.
C’est une performance d’acteur autant que de musicien et de chanteur que nous livre là Alexis HK. Sans se laisser tomber dans des longueurs ennuyantes comme il aurait été si facile de le faire, l’artiste va alterner entre les humeurs, humeurs jouées et malgré tout survolées par sa dépression constante et créatrice.
Il est seul sur scène, soit à la guitare, soit à la guitarelélé, les notes sont justes même si on le sent pris par l’émotion, et il est savoureux et langoureux de voir le décalage entre cette stature et cette voix rauque et rassurante, avec une toute petite guitare. Entre chaque chanson une analyse beaucoup plus pointue que la forme humoristique le laisse deviner dépeint la société humaine, le fil conducteur est l’être humain dans toute son absurdité.
Les chansons sont bien écrite, avec justesse et un soupçon de fausse naïveté, on y retrouve une certaine candeur, on peut y rire comme avec La Fille à Pierrot, avec les souplesses que l’artiste prend avec la langue, à la manière d’un Leprest avant lui.
Ces chansons de gangster mafieux dates de l’époque des Affranchis, c’est beau de l’imaginer la flingue en bandoulière et l’arnaque au coeur. C’est facile aussi.
Au moment de terminer le concert, Alexis HK explique qu’il est obligé de reprendre La Maison Ronchonchon, pour son plus grand malheur, mais simplement car c’est la seule de ses chansons qui a marché !
L’artiste essuiera un complet succès, il termine par La Torture Jésuite, écrite à quatre mains avec Benoit Dorémus, avant de revenir avec Pauline de Contrebrassens pour chanter une magnifique Ronde des Jurons, d’occasion, semi-improvisée mais très belle.
Un nouveau rappel, comme il n’est pas souvent d’usage à Barjac, et s’en était terminé d’une longue et belle soirée. Le concert aura tenu ses promesses, voir plus, nous voilà, comme beaucoup de personnes dans le public, sous le charme de l’homme, seul, solitaire et costaud, tendre et mélancolique. Vraiment déprimé ? A voir, mais rien que pour le spectacle, ça en vaut le coup !
Les scènes ouvertes concluent la fête de fort belle manière, organisées désormais par la manufacture chanson, véritable défricheuse de talents, pour faire émerger encore de nouvelles têtes, de nouvelles voix !
A ce soir !