Drogué à l’époque dorée d’High Tone, Brain Damage ou encore Kaly Live Dub, Ashkabad fait partie de cette relève française qui a fait du genre dub son terrain d’expression. Après des années de travail, deux EPs et de nombreuses dates, Ashkabad a grandi et vient de franchir un cap majeur dans sa jeune histoire : « International skankers » et ses 10 titres viennent de voir le jour. C’est aussi le tout premier album long format des avignonais.
Le travail et la patience finissent toujours par payer. Ce n’est pas un mythe ou une simple illusion, au contraire, cela rime principalement avec réalité. Après un premier essai (2011) reggae/dub intéressant mais inscrit dans la lignée de leurs mentors, Ashkabad a su prendre le recul nécessaire pour laisser venir les choses. C’est important de sentir les choses et de voir comment elles évoluent. Trois ans plus tard, « L.F.O. » change déjà la donne et commence façonner l’image du groupe tel qu’elle l’est aujourd’hui. Plus hybride et plus agressive, la silhouette d’Ashkabad se dessine aux côtés d’Oddateee et de diverses rencontres comme le groupe iPhaze. Leur dub se met alors à muter, l’électronique prend un peu plus de place, les machines aussi. Le reggae reste le fil directeur mais différentes sonorités s’invitent à la fête comme des touches hip hop et dubstep sur fond de bass music. Leur récente collaboration avec Mahom pour former le groupe éphémère Bass Trooperz s’inscrit dans une ligne artistique cohérente explorée par les artistes.
En 2016, les voilà fin prêts pour le grand saut. Ce dernier s’est d’ailleurs réalisé en deux temps. Tout d’abord, le duo a eu l’occasion d’expérimenter ses récentes influences de manière profonde avec de nombreux morceaux dévoilés tout au long de l’année. Le groupe, qui a toujours eu la réputation de repousser les frontières des genres sur scène, a dévoilé un visage plus près de ses live que de ses précédentes sorties studio. Que ce soit à travers Gravity, One step closer ou sur le plus frappant Ulcer, Ashkabad nous a surpris par la complémentarité de ses influences et de sa capacité à saturer les cocktails créés.
De cette saturation est née un décloisonnement des genres et des envies de faire tomber ces barrières invisibles. « International skankers » en est le meilleur exemple. Le duo se moque des frontières et il a choisi de poser ses machines dans huit villes du globe. Même si les voyages des compos paraissent un peu stéréotypés vis-à-vis du nom de la destination (comme par exemple des influences balkaniques pour le track Belgrad), la recette fonctionne. En véritables citoyens du monde, les deux compères s’appuient sur une forte complémentarité dans le groupe avec Bast aux machines et Rodj à la guitare (et chant).
La partie instrumentale est soignée avec des mixes reggae, dub, dubstep et electro. Selon les parties du monde visitées, différents samples viennent agrémenter l’escapade sonore pour s’accorder au lieu. La ballade débute paisiblement avec des percus qui caressent l’échine lorsque l’auditoire déambule dans la capitale du Congo, Kinshasa. Cette ouverture, plutôt douce et reggae/dub, emboîte le pas à un premier brûlot, London, par un dub péchu aux skanks percutants. Les notes bass music embrasent la piste qui s’annonce corrosive en sound system !
Dans les méandres du monde, Ashkabad sait y dénicher les ingrédients nécessaires pour métisser l’espace : à Caracas, il se met subitement à parler espagnol et il s’enveloppe de cuivres pour assurer le festin à Belgrad dans un dub vivifiant. A Atlanta, c’est plus dans la veine des précédentes sorties que le groupe s’exprime, plus direct et plus massif, en mode « rub’a’dub soldiers » scratché et digital.
Au-delà de ces morceaux qui renferment une réelle identité, Ashkabad était contraint de faire un crochet touristique par l’Orient qui est une source d’inspiration pour tous les sorciers du dub. D’abord par la Chine et Beijing (en compagnie de One Drop) pour y découvrir des saveurs venues d’Asie, par la capitale pakistanaise, Karachi, afin de prendre de l’altitude et se payer de grosses doses de transe et de dubstep, mais aussi par l’Algérie et Constantine pour profiter des parades de l’oud pour un ethno-dub proche d’High Tone.
Pour ponctuer cet album riche en sonorités, Ashkabad a décidé de s’abandonner à Brainless pour le remix de Gravity ainsi qu’à Kandee pour celui Ilya et c’est peut-être la seule fausse note du LP. Ces remixes n’apportent rien de neuf par rapport au reste de l’album et il aurait été probablement préférable de mettre des morceaux originaux dévoilés tout au long de l’année. Exception faite, ce « International skankers » est une bien belle cuvée pour les avignonais. Et celle-là, elle se consomme sans modération.
Tracklist
- Kinshasa
- London
- Beijing
- Constantine
- Caracas
- Atlanta
- Belgrad
- Karachi
- Gravity (Brainless remix)
- Ilya (Kandee remix)
Durée : 37 min
Sortie : 3 octobre 2016
Genres : Dub / Reggae / Dubstep
Label : ODG Prod
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Ecoute et téléchargement de l’album : Soundcloud.