A State of Mind (ASM) « The Jade Amulet » (2015)

13 min de lecture
Chronique A State Of Mind 2015

Sorti le 16 Octobre dernier, « The Jade Amulet », dernier opus d’A State of Mind (ASM) nous a régalé les oreilles, au point de tourner en boucle. Une pochette sobre et mystique, 15 titres de durées variables pour une durée totale assez exceptionnelle de 61 minutes, de prime abord déjà, cette galette ne manque pas de cachet…

Invités lors d’une soirée de présentation du projet, nous nous sommes rendus, curieux, dans ces fameuses caves de la rue saint-sabin. Voutes en pierres de taille, autruche empaillée et autres portes en bois massif plantent d’emblée un décors, que l’on comprend après coup, voulu. La manageuse d’ASMMorgane Marshall, avait vu les choses en grand, et la présentation du nouveau CD a été à la hauteur de son organisation. Dégustation de bière artisanale, quelques titres interprétés en live, projection de certains clips associés à l’album et présentation du projet dans son ensemble avant session dédicaces d’albums, ont rythmé cette soirée de présentation du 13 Octobre.

Si nous avons parlé tantôt d' »album », tantôt de « projet », c’est parce que la nouvelle production d’ASM est plus qu’un simple skeud. Littéralement, il s’agit d’une « Odyssée cinématographique Hip-Hop ». En pratique, c’est un album doublé d’une BD et complété par des clips animés (Rappelant les splendides décors créés par La Belle Bleue dans Les Eléphants du Morimondo notamment) créant ensemble un univers monté de toutes pièces autour d’un personnage central (Shalim, le MC à la voix grave) et de protagonistes divers. L’autre MC du groupe se charge de la narration. D’avance, on aime le nombre important de featurings (pas moins de 7 différents, sur 8 morceaux ! Et encore, ce sont les « officiels, n’est pas compté par exemple Mathias Maximus qui prête sa voix d’enfant sur Childhood !) qui annoncent de l’originalité à tous les étages.

Trailer du projet imagé

On entre dans le projet par son début et on le suit de façon chronologique. Pas moyen d’en déroger, même si certains titres marquent d’emblée. On sait qu’ils seront réécoutés prioritairement. Le début donc, c’est la naissance du héros, à travers le titre Birth.

Shalim donc naît un jour de pluie torrentielle (qu’on traduirait peut-être de l’anglais par « Cévenole »). Une rythmique tribale et répétitive, quelques arpèges et un violoncelle discret témoignent au fil du morceau de la noirceur de ce jour. Le morceau monte en puissance, les percussions prennent plus de place, des cuivres arrivent, la montée est de courte durée le son reste en suspens, le vent accompagne, seul, les mots du narrateur. Un balbutiement d’enfant vient clore cette entrée en matière… Une naissance peu courante !

D’entrée plus musicale, respirant la fraîcheur et l’innocence, Childhood transmet joie, questionnements et jeunesse. Sous forme d’un échange entre narrateur et jeune Shalim, ce morceau marque à la fois le début et la fin de l’innocence du gamin, se cloturant sur une note sinistre.

Montée en puissance musicale et croissance du protagoniste vont de pair. Un rythme groovy avec des cuivres en mode nouvelles Orléans (ok je n’y étais pas…) et un débit plus rapide que sur les titres précédents : premiers pas du héros dans une vie d’adulte qui s’annonce déjà pleine d’embûches. Une guerre se profile, sans réjouissance…

War est de loin le gros coup de coeur de l’album. Une rythmique militaire, un tambour, la marche. Les cuivres sont de sortie, très agressifs et répétitifs. La montée en puissance est régulière mais rapide, un brouhaha en fond laisse entendre les corps d’armées en mouvement, une première rupture brutale dans la rythmique, la basse devient prépondérante, c’est le suspens, éclats de lames, on comprend que lescombats font rage. Des cris lointains bouclent en apothéose la seconde partie de cette chanson. Tragédie : notre héros pleure la mort de son ami, tombé au combat. Un orgue, très adapté pour une mélodie lancinante et une voix profonde qui enterre d’elle même l’être perdu. Nouvelle rythmique avec des percussion à nouveau tribales. C’est un nouveau départ, le quatrième du morceau. Une flute traversière atypique, des bruits bestiaux nous immergent dans un univers de fuite, vraisemblablement en forêt. C’est la désertion. La respiration haletante d’un être aux abois termine dans une ambiance presque stressante ce morceau à la construction incroyable dont les changements de rythmes nous tiennent en haleine tout au long de ses 5’43.

Après la guerre, c’est le début d’un doux rêve pour Shalim. Le renouveau en quelque sorte, dans Utopia. C’est la découverte de l’amour pour le héros, mais son aimée ne parle pas la même langue. Néanmoins, celle-ci aura l’occasion d’exprimer son amour dès la chanson suivante Passion… Et on comprend aisément que les deux ne se comprennent pas ! Elle parle Français ! Premier et unique morceau avec une partie en Français dans cet album, et le rendu est excellent. Laura Mayne prête sa voix splendide à la jeune elfe Ashira dans ce titre court mais puissant.

L’incompréhension, le temps et une nouvelle rencontre mènent à Doubt. Du mysticisme apporté par la flûte, un nouveau featuring en la personne de Kain The Poet (dont a voix tient de tout sauf de celle du poète), c’est le retour à un monde plus sombre. Des voix l’incitent au départ, il quitte sa ville d’accueil et sa vie douillette. Dilemma :

 

Encore tombé de haut face à la barbarie de son univers, Shalim se retrouve plus que jamais en quête de réponses. Il retrouve son oracle avec les voix lancinantes qui reviennent et semblent l’attirer dans Truth. L’oracle (Astrid Engberg) lui conte une histoire, et l’investit ce faisant d’une mission. Il dirigera les rebels vers la révolution. La révolution se mène en bateau et une troupe embarque vers l’inconnu…

Un peu à la manière d’Ulysse dans l’Odyssée, Shalim entend une mélopée qui l’attire, mais elle n’atteint que lui. C’est Temptation. Accostant seul sur l’île d’où semblent venir les chants, il y reste quelques semaines entouré de Sirènes avant de se remémorer son véritable amour perdu et les objectifs révolutionnaires qu’il s’était fixés. Vient l’heure de la Discipline. Arrivé sur le continent fui pendant la guerre de son enfance, il apprend la mort de ses parents adoptifs. Empli de rage, il est calmé par un « maître » qui le prend sous son aile pour le former. Sans véritablement s’emballer, le morceau traduit le calme nécessaire à une maîtrise de soi totale, physique et psychique.

Une fois prêt, l’heure du duel approche. Accompagné de Mattic, ASM, délivre dans Duel un son épique, ponctué de cuivres guerriers. Un rap rapide, un rire arrogant venu du lointain, le stress qui monte lentement, un combat et une fin inévitable : c’est la mort du roi honni.

Après la victoire, la fête ! Revelry est l’occasion d’une rythmique rapide et enjouée. Liliboy couple son énergie naturelle avec une voix chantée aux deux timbres plus rauques et surtout graves des MCs d’ASM. La hauteur donne de la légèreté au titre. La fête semble parfaite. Shalim s’éclipse pour aller défier le dernier tyran du royaume, King Dumile, dont la voix nous vient de MF Doom. La confrontation arrive, Masking.

 

C’est la révélation, le vrai père s’incline et laisse sa place… Place pour la Renaissance !

Mais nouveau départ, même vie. Le dernier titre fataliste décrit un monde où finalement rien n’a changé sauf le roi. Shalim, seul au pouvoir, voit la corruption l’envahir au rythme du piano et d’une trompette hésitante. Un silence, la colère mène à la répression, et dans l’ombre, la descendance du premier roi tué prépare une vengeance qui réécrira l’histoire.

Plus qu’un album très abouti musicalement, ASM livre ici le fruit de trois ans de travail et d’une réflexion multilatérale. Efficace et variée, la musique laisse à chaque nouvelle écoute découvrir les subtilités qu’on adore ne pas découvrir tout de suite. Majoritairement à contre-courant du standard radiophonique du moment, les titres investissent des champs nouveaux et l’univers créé donne un véritable « plus » à cette nouvelle galette qui devrait régaler les fan et attirer les curieux !

On a adoré :

La diversité musicale (tant mélodique que rythmique) ; Le nombre de featuring et l’ouverture qu’ils apportent ; L’idée de l’univers et l’avancée chronologique de l’album

Le bémol :

La BD sur laquelle on ne s’est volontairement pas attardé : en noir et blanc, deux pages par chapitre, les bulles à nos yeux trop succinctes ne racontent pas véritablement une histoire… Le livret joint au CD en dit plus sur chaque morceau que les deux pages BD qui lui sont consacrées. La « valeur ajoutée » de la BD n’a pas été trouvée.

On attend :

Un clip par morceau ! De voir un live qui s’annonce dantesque !

FICHE TECHNIQUE

Tracklist

1. Birth
2. Childhood
3. Adolescence
4. War
5. Utopia (Feat The Mighty Diamonds)
6. Passion (Feat Laura Mayne)
7. Doubt (Feat Kain The Poet)
8. Dilemma (Feat Mattic)
9. Truth (Feat Astrid Engberg)
10. Temptation
11. Discipline
12. Duel (Feat Mattic)

13. Revelry (Feat Liliboy (Deluxe))
14. Masking (Feat MF Doom)
15. Renaissance

Durée :  61 min
Sortie : 16 octobre 2015
Discographie : 3ème
Genres : Hip-hop / Electro / Blues

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