Par la qualité de ses nombreux projets et la finesse avec laquelle ils sont réalisés, la renommée d’EZ3kiel n’est plus à prouver. Six ans après la sortie du titanesque « Battlefield » et ses tracks épiques, les tourangeaux reviennent en 2014 avec leur nouvel album studio, « LUX », qui sort lundi prochain. Avec déjà une dizaine de dates dans les jambes depuis plusieurs semaines, les voilà qu’ils posent leurs valises à Victoire 2, ce jeudi soir. Même si la salle n’affichait pas complet, on pourra une nouvelle fois se dire que les absents ont toujours torts tant la performance réalisée par EZ3kiel a dépassée tout ce que l’on pouvait imaginer !
Les teasers dévoilés depuis cet été en disaient long sur cette irrésistible envie de continuer à rendre de plus en plus immersif l’univers d’EZ3kiel, que ce soit chez soi ou sur les planches. Car si la musique confère à l’auditeur cette incroyable sensation d’évasion à travers les mélodies du groupe, il était impensable pour EZ3kiel de repartir sur les routes sans un nouveau projet ficelé et maîtrisé de bout en bout. A voir l’infime précision avec laquelle le trio (Yann Nguema est désormais au contrôle des lasers et des visuels) a déroulé sa partition hier soir, on ose à peine imaginer le temps passé en résidence pour confectionner ce « LUX Tour ». Car nous parlons bien ici de « confection », de réel travail d’innovation et de création pour accompagner l’Homme, le son qu’il émet et la chrysalide qui l’entoure.
Baigné dans cette incroyable ambiance nacrée renvoyé par le dispositif scénique lumineux et visuel monté de toutes pièces par EZ3kiel, les 48 projecteurs Magicpanel fixés sur les racks en fond de scène ont propulsé les auditeurs au-delà des frontières du monde réel, catapultés dans une dimension à peine perceptible. Qu’ils soient en totale interaction avec les musiciens d’une précision d’orfeuvre, ou qu’ils soient domptés par la machine machiavélique de Yann Nguema qui en fait de véritables tableaux à chaque escapade sonore, EZ3kiel a frappé fort ! Car ce qui est indiscutable une nouvelle fois, c’est la maîtrise avec laquelle le groupe a façonné son univers merveilleux à l’image de chaque disque qu’il enregistre. Sur « LUX » (vous pouvez l’écouter en suivant ce lien), on sent bien que l’album a été littéralement mûri pour prendre vie sur scène. Les enchaînements sont limpides, les ambiances, changeantes, suivent les courbes et les silhouettes de l’ombre du trio alors que les pistes épousent les tons de ce voyage sans retour.
Plongé tête la première dans cet immensité sonore, on est contraint de reconnaître qu’EZ3kiel arrive encore à surprendre même après 20 ans de carrière. D’une autre manière certes, plus sombre, plus froide, plus carrée. A travers « LUX », EZ3kiel tombe le masque, renaît des cendres du rock des braises incandescentes à coups de guitares acérées (Born in Valhalla) avant de se laisser consumer, violon dehors, sur Dead in Valhalla. Cette patte rock, elle se ressent plus que jamais et elle n’a jamais été aussi virulente : l’explosion n’est que présage avec les carillons et les mélodies entêtantes de Zero gravity avant de complètement déferler sur le titre éponyme, Lux, voyant le batteur se lancer dans une course infernale interactive avec les lumières. Cette dernière, omniprésente durant le show, constituerait presque le cinquième homme du crew : capricieuse et mutante, la transformation progressive du groupe s’en trouve sublimée !
Transportée par les ballades atmosphériques des petites merveilles telles que L’oeil du cyclone ou l’Anonymous très trip hop, EZ3kiel déjoue les pièges dressés par les machines en s’affranchissant les codes du savoir faire avec une facilité étonnante. Chaque balle frappe la cible avec force, et même s’il faut attendre plus de 30 minutes pour faire un petit aller retour sur « Barb4ry » (2006), le dépaysement opère.
Dressés par les ondes, impossible de reculer, les crocs métalliques se referment avec force et pugnacité : lorsque le tant attendu Versus retentit, il y eu comme un souffle, à l’image de cette main mise sur les compos déconcertante ! Interprété en trois temps, complètement épuré et saturé, Versus devient à son tour hybride ! Brutalement electro puis terriblement rock, c’est bien EZ3kiel qui est aux commandes de son invention. Lancée à pleine bourre pour un rappel sous les applaudissements qu’ils méritaient, il ne fallait pas oublier quelques incursions dans « Battlefield » pour que ce voyage sans retour (Adamantium, Volfoni’s revenge) s’achève. Le décor explose, les briques du monde merveilleux d’EZ3kiel se désagrègent au fur et à mesure que les beats retentissent, un voile noir et brumeux tombe sur Victoire 2.
Sous leur apparat de mille lumières, EZ3kiel a encore réussi un coup parfait. Du statut d’apprentis sorciers, ils sont passés à celui de maîtres.
Crédits photos : Philippe Poulenas