Les citoyens du monde étaient appelés à se rendre ce vendredi soir sur les rives du Gardon de Lézan pour la fête effrontée, organisée comme chaque année par la fédération communiste gardoise. Sous un soleil de plomb, cette mini fête de l’Huma gardoise a lancé un appel à la jeunesse pour débattre, échanger, ensemble, sur les maux de notre société, tout en profitant d’une soirée concert riche en sonorités.
Cela faisait bien longtemps que Le Musicodrome n’avait pas remis les pieds à Lézan. Adepte des soirées concerts proposées en marge des débats de la journée, Le Musicodrome retrouvait donc la scène en plein air sur les rives du Gardon sous un beau soleil estival. Les Fatals Picards, en 2008, avaient joués sur la grande scène bétonnée, Les Wampas, Percubaba et autres joyeux lurons les années précédentes, aussi. En 2016, beaucoup de choses ont changées : la scène a été déplacée, elle est plus petite mais bien équipée. Concernant la durée de la fête, elle a été rallongée : ramenée à seulement deux jours de festivités (samedi et dimanche), Lézan peut savourer un jour supplémentaire avec d’autant plus trois concerts à la clé : les locaux d’Arthis que Le Musicodrome connait bien ainsi que les montpelliérains de Mauresca Fracas Dub et Bois Vert.
A 20h30 pétantes, Arthis ouvre les débats. Sous un soleil tapant, le mercure dépassait toujours les 30°C en ce début de soirée. Entre la fin de semaine, la fin de mois et ce soleil fracassant, il n’y avait pas foule dans les champs… Un dommage certain tant le lieu est convivial et bien pensé, un lieu qui appelle au rassemblement et à la fête citoyenne. Les anciens restent en retrait et une trentaine de personnes se délecte des morceaux d’Arthis. Avec le premier album sous les bras (« Grand cirque », 2014), le groupe continue de présenter son répertoire aux aficionados en tous genres : il traîne toujours derrière lui ses inconditionnels fans (de toutes générations). On y redécouvre leurs désormais grands classiques (Gens d’ici, Ici l’oeuf, Léo…), l’agité Bienvenida, ou leur tube Dernier verre. Guidé par leur rock à la trompette, le groupe avance à découvert et rameute progressivement son petit monde vers la scène pour finir son set de manière électronique et survitaminée.
En attendant doucement que la nuit enveloppe les terres de Massillargues-Atuech, le second groupe se prépare à prendre place : Bois Vert, jeune groupe de Montpellier, prend le relais et change de ton : une vague de hip hop a déferlé, plaçant le rap au coeur des interventions. Les deux MC’s se sont chargés du travail avec virulence et impertinence, façon rap rugueux des toulousains de Krav Boca ou encore ceux des stéphanois de Redbong. Rythmes oldschool, beats épurés, les sonorités de Bois Vert ont été minimales mais efficaces. Un bon son à l’ancienne, sans détours, sans fioritures, qui mérite qu’on l’on y accorde une oreille attentive une fois reposé.
Après ce branle-bas de combat, la foule n’était toujours pas au rendez-vous… En revanche, la folie insufflée par la batucada a changé la donne : les 200 personnes présentes sur le site se sont enfin dirigées vers la scène, à l’unisson, pour assister au concert des Mauresca. En configuration rock suite à la sortie de leur dernier album « Riota » (2014), c’était la première fois que nous assistions à ce nouveau line-up. Avec un combo guitare/batterie en soutien, cette nouvelle config’ laisse prévoir un souffle rock sur le set du MFD. L’intro clairement dub du groupe créée le doute tandis que l’ouverture par Indians de las americas ne nous dépayse pas trop : l’occitan touch est présente, bien évidemment, le reggae/dub également. Le selecta, en accentuant le penchant reggae digital du groupe noté sur l’album « Cooperativa » (2011) équilibre le tout.
En bon amateur du groupe et de ses débuts, on peut regretter que Mauresca s’est fortement appuyée sur ses derniers titres pour structurer son set (Riota, Mauvaises idées, Nuit bleue, How do it…) dont des bombes rock digitales chargées d’intensité comme Salvajes, Segle Torbat ou l’excellent Maquis Montaigne. Du côté des vieux tracks, quelques uns ont resurgis comme le tonitruant Revoutas, incontournable, ou des plus récents mais tout aussi percutants Maria Blondeau et Fai la rota. Dans ce fracas de dub, de reggae et de textes en occitan, impossible de ne pas reconnaître que Mauresca a mûri, aussi, avec le temps. L’influence du rock, sans être omniprésente, donne un nouveau visage au groupe qui n’a rien perdu en termes de tchatche, d’envie et d’ouverture. Longtemps comparés au Massilia Sound System de Montpellier par la proximité humaine et musicale qui existe entre ces deux groupes, Mauresca a plus que jamais sa propre identité et s’efforce sans cesse de la façonner : la transformation du morceau L’exception française en un brûlot qui a déchaîné les foules en est le digne reflet. Leur militantisme, chanté/rappé en français et en occitan, est toujours aussi incisif et Anam manjar toujours aussi indispensable.
La venue de Sidi Wacho, ce soir, sur les planches de Lézan, risque de faire résonner les idées populaires, culturelles et revendicatrices une nouvelle fois. Elles viendront cependant d’un plus loin cette fois, de la cité Lilloise. Affaire à suivre…
Crédits photos : Photolive30