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Pendant que la planète tourne plus que jamais au ralenti, il y a bien un rituel qui s’impose chaque jour : se poser, prendre du temps pour soi, et lâcher prise. Une démarche vitale pour éviter de devenir fou. Petit tour sur le web qui grouille de chiffres, de tendances, d’offres à tout va pour tenter de nous scotcher, encore plus, à nos écrans et voici que « Mondial stéréo » se laisse approcher. Surprenant !
Depuis leur fameux « Bordel de luxe » qui avait créé la discorde au sein des amateurs du groupe, il est vrai que c’est de loin que l’activité des Hurlements d’Léo était à présent suivie. On a bien accordé une attention particulière à leur projet de reprises de Mano Solo, en 2015, mais « Luna de papel », en 2018, ne nous avait pas vraiment réconcilié avec le groupe. Il manque un truc. La magie revient bien quand ils (re)partagent la scène avec leurs copains des Ogres de Barback pour Un Air, Deux Familles, toutefois les braises ont du mal à rester chaudes.
« Mondial stéréo » se présente à nous. La pochette est soignée, elle renvoie vers d’autres horizons, un ailleurs aux frontières encore floues mais qui interpellent. L’intro avalée en quelques secondes, Huriya se met à nu et dévoile une pépite, brillante et pleine d’espoir. Sur ce bateau fait de bric et de broc, l’espérance est son moteur. « Liberté, égalité, fragilité » comme étendard, l’exil est devenu l’ultime solution pour quitter les terres désolées d’un monde sans pitié. Une bombe reggae résonne, « être fraternel n’est qu’une fable de maternelle ».
Les pièces du puzzle s’assemblent et l’histoire prend vie : « Mondial stéréo » n’est pas qu’un simple album. « Mondial stéréo » est un conte musical, une invitation à découvrir l’épopée d’un jeune syrien, Léo, qui décide de fuir son pays pour gagner sa liberté. Plus le choix, On met les voiles, avec Les Ogres en renfort, pour tenter de rallier le rivage et un parfum d’Orient chatouille le nez avant.
Chaque titre est une étape de ce long voyage rempli d’embûches mais aussi de bonnes surprises. Il y a forcément cette plaie béante que seuls les rêves tentent de soigner (Dans nos rêves), où Eskélina apaise les maux avec légèreté et douceur ; ou encore avec Féloche pour provoquer le déclic, le sursaut d’orgueil (Sans visages). « Nous sommes des hommes, nous ne sommes pas des fantômes au pays des droits de l’homme » tandis que l’Italie vient de refouler de nouveaux migrants à ses frontières. Obligé de faire Le mur pour se payer le luxe d’éviter les bombes ou les caprices de la Nature, l’expérience se transforme en « divine aventure ».
Aux souvenirs d’une jeunesse pas forcément dorée mais avec les siens, la devise « loin des yeux, près du cœur » n’a jamais aussi bien raisonné : avec Balik et Natty Jean (de Danakil), Mamaïla, puis Papa (avec La Cie Moheim), rendent hommage à ceux malheureusement restés là-bas, abandonnés à une vie sans avenir. Le dub rencontre la chanson, maman invite Papa pour une dernière danse, le courage gonfle les voiles et des envolées rappellent celles d’un certain Rachid Taha.
Mais derrière la tristesse se cache souvent l’amour : Calypso, avec Aldebert qui pose sa voix aux côtés de Laurent Kebous, rallume les étoiles. Et c’est en amoureux de la fête et de la danse qu’ils ont, encore, de l’énergie à revendre : ce n’est pas de la musique et du bruit que La musique va s’échapper, mais plutôt d’un élan cuivré pour se rapprocher des autres galériens du voyage. Avec Babylon Circus et Daguerre, la folie embrase les percussions et en faire vibrer les murs.
Dans cette Stéréo mondiale qui n’est que le reflet des déboires de notre société, Les Hurlements d’Léo s’offrent deux derniers tours d’honneur pour ne pas oublier de raviver les couleurs : Nino Leoncito est une main tendue vers un autre monde, fait de joie et de rires, où la chaleur de l’Amérique latine est relayée par Sergent Garcia et Duende. Plus loin, c’est une ode à la vie, Léo, qui paraphe un récit à la fois cruel et prenant, accompagné par l’ensemble des invités de l’album. Un beau final qui donne du baume au cœur !
C’est indéniable, musicalement, Les Hurlements d’Léo ont littéralement pris de court leur auditoire avec cet album reggae mais aussi rocksteady. Un changement de style, pas si éloigné des idées et des racines des HDL, mais qui donne un sacré coup de frais sur l’univers du groupe, qu’il a exploré dans tous les sens depuis plus de 25 ans.
Outre cette sortie revigorante, impossible de ne pas mentionner l’immense travail de fond réalisé par les bordelais : outre le disque, « Mondial stéréo » est un conte (raconté par Néry Catineau, chanteur des VRP) qui est le fruit de l’imagination de Laurent Kebous, Tomas Jimenez (El Comunero) et Ludovic Bouillé (l’illustrateur). Il est né de rencontres de familles de migrants, de différents acteurs qui militent pour leur permettre d’obtenir le droit d’asile. Le disque, composé par Les Hurlements d’Léo, a rassemblé plus d’une vingtaine d’artistes pour faire vivre ce projet.
Enfin, histoire de boucler la boucle, pour chaque livre-conte musical acheté, 1€ est reversé à l’association SOS Méditerranée. A écouter sans modération, pour les petits et les grands, et devrait se diffuser autant dans les festivals que dans les écoles. A méditer.
Les Hurlements d’Léo, « Mondial stéréo », disponible depuis le 21 février 2020 chez Baco Records (durée : 1h01)