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Les Ogres de Barback ont sorti, le 15 mars dernier, un nouvel album. Il aura fallu le temps depuis « Vous m’emmerdez », où cinq années se sont écoulées. Pourtant le groupe a été présent, a tourné, avec des amis, dans divers horizons. Car c’est ça les Ogres de Barback, c’est du partage et des copains. C’est aussi des « Amours grises & colères rouges » comme s’intitule leur nouvel album, un sublime mélange de poésie, d’engagement, de désillusions et d’espoir.
Quatorze nouveaux morceaux, comme quatorze cartes postales, sont proposés dans ce nouvel album. C’est pourtant un album uni, entier, cohérent, que Les Ogres de Barback nous offrent, comme ils le font toujours. Et pour ne rien gâcher, « Amours grises et colères rouges » est encore doté d’un graphisme et d’un esthétisme magnifiques, qui ne donnent qu’encore plus envie de s’y plonger dedans, à deux pieds, et à deux oreilles. De s’y plonger longtemps et profondément.
Surprise, l’album s’ouvre sur un titre hommage : Vous n’aurez pas ma haine, tiré de la désormais célèbre tribune d’Antoine Leiris, suite à la fusillade du Bataclan. Qui plus que Les Ogres de Barback pouvaient exprimer ce rassemblement, cette quête d’unité, ce pacifisme gardant toujours l’espoir et l’envie d’autre chose. C’est une ouverture d’album cohérente, belle, touchante, qui nous plonge ailleurs, quelque part sur une planète à inventer.
La plume des Ogres de Barback est toujours là, les instruments se font vrombissant et nombreux, comme d’habitude, et il n’y a pas besoin de plusieurs écoutes pour savoir que cet album est un bel album. Un très bel album même. Le disque alterne entre les chansons pleines d’espoir (Chanson pour dans deux mille ans, S’il nous plait…) et les chansons tristes à pleurer, mais ô combien belles et prenantes (Mon p’tit cœur, La corde au cou). Les quatre frangins-frangines jouent avec nos émotions, et ils le font à merveille, ils les prennent, les retournent, les entortillent, et nous les rendent différentes, mais grandies.
Et quel délice de retrouver les voix de ces Ogres, qui se succèdent, se répondent, s’additionnent. Ces voix qui ne font qu’une, la leur, la notre.
Il y a des coups de gueule aussi, des rêves de révoltes et des constats déchirants, de la place de la femme avec Pas une femme, il y a des histoires de la vie, de la vie de tous, et des difficultés d’être, des errances du quotidien (Tous les matins immondes).
Mais les Ogres restent les Ogres, et on ne peut sortir que plein d’une belle humeur communicative de l’écoute d’un de leur album, et de celui-ci en particulier. Il fait du bien. Beaucoup de bien, à l’écouter, on se sent moins seuls.
Les Ogres de Barback sont avant tout d’excellents musiciens, ils le rappellent à notre bon souvenir, sans prétention. Et sur cet album, chose pas commune, ils mettent leur compositions entre les bouches de deux artistes talentueux : l’immuable Magyd Cherfi, que l’on ne présente plus, et la délicieuse Lior Shoov, que nous découvrons grâce à la sensuelle et très touchante Il y a ta bouche. Les deux voix de ces deux invités se répondent, et se subliment mutuellement. Cette chanson est une petite merveille.
Mais les Ogres ne mettent pas à l’œuvre que les voix de leurs amis, aussi leurs mains et leurs sens du rythme. Ce sont, bien entendu, les désormais compères de la Fanfare Eyo’nle qui viennent jouer et partager trois morceaux Si tu restes, La Rochelle et Hé Papa. Trois chansons différentes mais rythmées, entraînantes, rêveuses. Trois chansons tellement différentes du reste de l’album, mais tellement proches également.
« Alors moi j’bouge pas d’là
Je t’en supplie n’fais pas un geste.
Si tu reste, je t’dis même pas ce qu’on fera d’l’amour et pour le reste
Même si j’m’aime
Même si je m’déteste »
Ils n’ont plus vingt ans, ces Ogres de Barback, et elle parait si proche, cette tournée entourée d’une foultitude d’invités à chaque date, chaque soir, à travers chaque recoin de France. Si proche parce que le groupe reprend la route, comme chaque année, inlassablement, avec le même plaisir.
Ils n’ont plus vingt ans, mais c’est à croire que le poids des années ne pèse pas sur leurs solides épaules. C’est à croire que chanter l’espoir et l’amour conserve encore de nos jours, que nager à contre courant permet de garder la tête hors de l’eau. Ce sont eux l’espoir, l’espoir d’une musique autrement, l’espoir des coudes soudés, l’espoir des verres qui se lèvent et qui claquent, l’espoir d’un monde qui change.
« Amours grises & colères rouges » est dans cette lignée, tout en nous surprenant musicalement, l’album regorge de cœur. Et est-ce surprendre si on s’attendait à être surpris? C’est une marque de fabrique, c’est un bien précieux à conserver, et à partager. Mais ça, Les Ogres savent le faire. Le faire bien. Depuis combien de temps on a dit ? Nous, on a arrêté de compter, on savoure.
Les Ogres de Barback, « Amours grises et colères rouges », disponible depuis le 15 mars 2019 sur Irfan le label.