Il est toujours très particulier de se rendre à la dernière journée, à la dernière soirée, de Barjac m’en chante. Et on a beau savoir que le grand cirque reprendra l’année prochaine, même lieu, même heure, il y a un petit déchirement à se dire des « à l’année prochaine ». Même un dernier soir pourtant, la musique et les mots restent à l’honneur. Ce fut le cas hier, avec Volo, et Les délurés Joyeux Urbains.
Volo, trois guitares et des chansons !
Si les deux font la paire, que font les trois ? Voilà plus de dix ans que les frères Volovitch tournent à deux voix et deux guitares. Depuis l’an dernier et leur album « Chanson française », ils sont désormais trois, accompagnés par un nouveau guitariste, qui allie l’électrique et la folk au hasard des chansons : Hugo Barbet.
Nous les connaissons maintenant, et c’est sans pause que les chansons vont fuser. Le concert commence par de « vieilles » chansons qui résonnent comme de beaux souvenirs. Syndrome, 17 ans, Tu connais…Elles n’ont pas pris une ride avec les ans.
L’émotion est toujours palpable, malgré un rhume de Frédo, il est toujours agréable d’entendre la mélancolie et la complicité de ces deux voix qui se succèdent au fur et à mesure des chansons, qui s’ajoutent parfois quand un coeur s’immisce discrètement en complément, pour donner du coffre aux mots toujours chiadés !
C’est pas tout ça est osée pour le public de Barjac, mais cette chanson passe à merveille. Suite à ce moment de poésie coquine, les deux frères vont faire leur première aparté avec le public (la seule vraie d’ailleurs), jouant d’autodérision sur leur manque de présence scénique. Ils font de la chanson française, pour les fioritures on repassera. Ils ont là bien raison !
Ni un rhume ni un jack arraché sauvagement ne pourront entacher la prestation propre qui aura entraîné le public. La seconde moitié sera plus engagée, ce sera également l’occasion pour nous de voir en live quelques chansons du nouvel album, qui sont toujours bien réussies. J’hésites, Aucun doute, Le Medef… les preuves d’engagement sont superbes, peaufinées et justes, avec les mélodies qui collent à merveille. Gageons que peu de monde se sont retrouvées outrées par ces idées dans la cour du château.
Une vingtaine de chansons, Un gars honnête, La crise de la quarantaine, Tabarnack… on découvre de nouvelles chansons. T’es belle, Dimanche… les magnifiques chansons des derniers albums les côtoient. Les mélodies et les guitares sont toujours aussi justes, on s’y retrouve dans ce monde des frères Volo, et on y est bien.
Après un concert prenant, sans pause, sans le temps de souffler, le trio descend de scène. Il n’y remontera que pour un pudique salut, l’heure obligeant.
Nous avions croisé les frères Volovitch au Lipopette Bar de Saint Etienne, il y a quelques années. Force est de constater que les frangins savent aussi bien s’accommoder de petits lieux que de grandes scènes, captant le seul public avec leurs mots et leurs mélodies. Vous avez dit « Chanson Français »? En voici la définition.
Les Joyeux Urbains ne s’assagissent pas avec l’âge !
Arnaud Joyet, qui s’est désormais fait un prénom, va lire avec une sincérité bien réelle « La rose et le réséda », sublime texte intemporel, de Louis Aragon. L’ouverture est belle.
Les Joyeux Urbains fêtaient à Barjac leurs 20 ans, devant un public qui parut comblé d’avance, avant même la première chanson.
Pour notre part ce spectacle était une vraie découverte scénique, nous ne connaissions pas sur scène ces cinq (trois ? Quatre? Ils aiment tricoter les nombres) allumés !
La première partie du concert révèle la folie de cette troupe déjà bien rodée par le poids des années. Une chanson après l’autre les instruments passent de main en main et la mise en scène est digne d’une pièce de théâtre !
En se présentant entre deux chansons, ils avoueront avoir des points commun avec Jean Ferrat et Téléphone, ce qui a participé à leur dilemme entre rock et chanson française. En effet, eux aussi trouvent que la montagne est belle et rêvaient d’un autre monde…
S’en suivra alors un moment de rock progressif comme personne n’en a jamais entendu, bien propre à l’univers des Joyeux Urbains. Les textes sont complètement déjantés, passant du poétique au burlesque, sans transition et sans prévenir. Si la première partie du concert ne nous a pas transporté, le groupe va alors interpréter 1982, très touchante, Achète un chien… les musiques sont entraînantes et alors nous nous laissons prendre avec un plaisir non feint à leur jeu, jusqu’à la fin du concert.
Tous quittent la scène en courant le plus rapidement possible, dans la lignée de l’énergie déployées tout le concert. Et s’il paraît légitime de se demander pourquoi un public aussi exigeant sur les textes laissent poindre un tel engouement pour les Joyeux Urbains, cela leur permet de remonter sur les planches pour le dernier rappel du festival.
L’occasion était trop belle pour les anciens Wriggles de rejoindre sur scène leurs proches cousins des Joyeux Urbains. Une belle bande de délurée se retrouve alors face au public, pour d’abord laisser Frédo interpréter la belle Chanson Française, tendrement adaptée au contexte, avant que tous en coeur n’entonnent une dernière chanson des Joyeux Urbains pour ponctuer cette soirée en beauté !
La soirée en réalité allait se terminer tard, bien tard, dans la cour de l’école avec un bal pour se dire au revoir dans des effluves de bonne bouffe, de chanson et d’alcool.
Bravo à toute l’équipe de Barjac m’en chante pour cette nouvelle édition, pour les tentatives de sortir le public de ce qu’il attendait, pour le coup de jeune, pour les coups de cœurs. Une programmation de qualité et une ambiance à faire sourire les plus tristes sirs. Il faisait bon être à Barjac cette semaine.
Et l’on se quitte donc en se disant, c’est un rite, et avec une bonne humeur non feinte : « à l’année prochaine » !