Cette nouvelle journée était toute particulière. Forcément. C’est en ce dimanche riche en bleu et en soleil que Barbara Weldens devait monter sur les planches de la grande scène, avant le concert d’Yves Jamait. La vie et ses contours en ont décidé autrement. La deuxième journée de Barjac m’en chante fut cependant toute belle, avec les premiers concerts sous le chapiteau, et un spectacle de tous les diables d’Yves Jamait et de son boys-band !
Le grand retour des concerts sous le superbe chapiteau était un moment attendu du festival. D’autant que les premiers concerts avaient de quoi mettre l’eau à la bouche : Lise Martin ouvrait la scène avec ses musiciens avant que Gauvain Sers, à la renommée fulgurante mais à la simplicité toujours évidente ne lui succède.
Lise Martin : la douceur avant l’orage.
Dès 17h, le chapiteau était bondé comme jamais, numéros 271 et 272, nous entrons dans une atmosphère chaude, très chaude, trop chaude. Mais le public, et c’est certain, était tout prêt à attendre Lise Martin, les éventails de sortie pour quémander un peu d’air, ne restait plus qu’à attendre. La chanteuse monte alors sur scène, entourée de ses deux musiciens à la guitare et à la contrebasse, et dès la première chanson fait preuve d’une présence scénique déjà bien rodée et une complicité avec le public indéniable.
De nombreux textes de ses deux premiers albums vont passer au révélateur du public de Barjac. Mais avec son timbre de voix près à s’envoler et ses textes ciselés au couteau, c’est avec une facilité sans borne que les centaines de personnes massées sous le chapiteau tombent sous le charme de la jeune chanteuse.
Quand vient la fin du concert, il ne fallait pas plus qu’une très belle mise en musique d’un texte de Rémo Gary pour rebondis. C’est d’ailleurs ce fameux Je rebondis qui brisera définitivement la barrière entre scène et public. Un rappel, comme il est d’usage, pour une dernière chanson, et c’est sur L’orage que Lise Martin fait ses aux revoir (ses « A bientôt » sans doute) à Barjac, tout en métaphore, dans une belle écriture. Nous sortons, comme le reste du public, sous le charme !
Gauvain Sers, deux guitares et une casquette !
Ce n’est plus vraiment un inconnu. Depuis un an, sa carrière a pris un envol grâce successivement Tryo puis Renaud qui l’ont fait découvrir au(x) grand(s) public(s) lors de tournées magistrales. Maintenant il affronte de grandes scènes tout seul, comme un grand. Accompagné malgré tout par le majestueux Martial Bort aux guitares, impressionnant de justesse et de finesse !
La foule des grands après-midi gardois était de retour et entamait, suite à un solo détrempé de Martial Bort, un long voyage dans La Bagnole de mon père, qui reviendrait souvent dans la conversation.
Puis Gauvain Sers commence, en la présentant comme il se doit, sa fameuse Comme chez Leprest. Les amoureux des cabarets parisiens s’y retrouvent, le chapiteau se transforme en cave à chanson, et on s’y sent bien.
Tous les titres du premier album de l’artiste y passent, ou presque, Entre République et Nation, Hénin-Beaumont, Le Bus 96... Si l’écriture reste parfois tremblante à l’évocation des grands noms qui l’ont précédé, le coeur est sans cesse là et l’aisance scénique du jeune homme a connu de progrès fulgurants depuis l’an dernier.
Le comique de répétition sur la fameuse bagnole, sur la Creuse, son département de coeur et de naissance, jalonne le concert. Lorsque Gauvain « croque » quelques paroles, le public de Barjac se montre très indulgent avec le jeune homme. Il le sera beaucoup moins lorsque le chanteur confond Barjac avec Antraigues sur Volane.
La suite du concert est beaucoup plus riche en émotion, avec le très beau texte a capela Un clodo sur toute la ligne, avant de reprendre, avec le public dans sa totalité, Lily de Pierre Perret, puis un sourire tendu aux paysans avec A quoi tu penses sur ton tracteur?
Un tout dernier rappel, Mon Fils est parti au Djihad, la très belle Dans mes poches et enfin la convenue Pourvu pour conclure, le concert est propre, sans surprise mais apprécié, et attendu vu la foule présente. Une belle après-midi en musique.
Un hommage vibrant, des mots et des larmes
21h30. Barbara Weldens aurait dû être sur les planches, en plein coeur d’une cours du château une nouvelle fois pleine à craquer. En plein coeur, c’est ici que le public va se chopper l’hommage préparé par Jean-Claude Barens, directeur artistique du festival, qui dira un rapide mot en expliquant qu’il avait été décidé sobrement de ne pas remplacer au pied levé la chanteuse, par respect.
Magie de l’idée de l’instant des souffleurs de vers, Barbara va malgré tout parler au public, en privé, juste pour lui, pour dire quelques vers d’Henri Michaux à travers une émotion palpable, des yeux gonflés et des gorges nouées. Pas un bruit à Barjac, même les chats semblent s’être tus.
Les mots ont dorénavant une saveurs différentes, ceux de Michaux, ceux de Barbara Weldens également. Trois chansons vont être sobrement diffusés dans un silence toujours complet. « Le Grand H de l’Homme » regorgeait, regorge toujours, de quelques pépites. A mes flancs est un chef d’oeuvre. Lorsque se termine la chanson par
« ça doit vouloir dire ça vivre, j’en sais rien, ça fait peur, mais j’lâche rien »
les cœurs se serrent.
Des applaudissements longs et soutenus pour conclure cet hommage. Beau. Tout simplement. Un peu tard mais beau. Les mots vivent, et il est toujours bon de les faire se balader dans nos têtes, dans les rues.
Yves Jamait, monstrueux d’énergie, pour une belle communion
Yves Jamait était attendu, à en juger par les nombreuses personnes n’ayant pas réussi à avoir de places pour le spectacle (gageons qu’elles auront tout de même réussi à entrer). La responsabilité incombait au chanteur de changer les esprits après l’hommage à Barbara Weldens. Et c’est ce qu’Yves Jamait va s’échiner à faire, plus de deux heures et demi durant !
Une première partie de concert en forme de récital, Etc, Je me souviens, Quitte moi, Jean-Louis… sont déployés sans pause, avec une énergie incroyable sur scène du chanteur et de ses musiciens, qu’il aime à présenter avec insistance et une complicité maline dans les yeux. Le public de Barjac, peu habitué à se faire tourmenter de la sorte par de longs solos interminables et par des chansons à rallonge, est pourtant conquis par le chanteur.
Barjac m’en chante nous est éternellement relié au coeur avec le sentiment de mélancolie. Le chanteur réussi alors à merveille à nous le rappeler, avec la sublime Le temps emporte tout, magnifiquement interprété et superbement accueillie par le public. A n’en pas douter cette chanson fait partie des grandes chansons, de la trempe de ceux qui ont précédé l’artiste sur cette même scène. Vierzon est également de cette trempe, trempée dans l’encrier des souvenirs et des pudeurs.
Il aurait dû chanter On leur dira de Leprest avec Barbara Weldens. Ils auraient dû se découvrir mutuellement, s’apprécier sans doute au creux de leurs folies respectives. Il n’en sera rien. Mais Yves Jamait va tout de même reprendre ce morceaux du grand Allain, avec ses deux L, en toute émotion !
Lorsque le batteur se mue en saxophoniste, il est temps de passer au magnifique texte de Gilles Chovet Le Bleu, très bien interprété. Puis lassé des frasques perpétuelles de ses musiciens, Yves Jamait va prendre la guitare, sa guitare, en main, pour présenter ce qu’il nommera « la guitare mature »… à savoir… un capodastre !
Yves Jamait s’adresse alors au public : « on se fait une vieille ? » Quoi d’autre que la Fleur de l’âge pour rebondir sur cette phrase? Rien. L’énergie déployée sur scène atteint des sommets, et preuve s’il en fallait que le public a adopté le groupe, des centaines de cœurs se mettent à chanter comme un seul.
« Comment penser qu’à peine éclose, la fleur de l’âge se flétrit… »
La communion est parfaite, si bien qu’Yves Jamait fait éteindre tous les projecteurs pour permettre à chacun d’apercevoir la grande ours, finement dessinée dans le sublime ciel de Barjac. On vous laisse imaginer le cadre ! Même sans toi, Je passais par hasard… les « classiques » sont de sortie.
Puis quand Jamait termine sur Salauds et s’en va, ses musiciens ne comptent pas en rester là, et chantent sans micro mais avec l’envie d’un public chauffé comme rarement dans cette cours du château. Et lorsque les musiciens s’en vont, c’est cette fois seul que le public termine son tour de chant.
Un retour. On le devine cours et intense. Il sera long et intense. D’abord avec Yves Jamait et son fameux Medley Pourri, seul, et quelques unes de ses plus belles chansons croquées sur le pouce, au détour d’un bon mot, d’une belle phrase.
Avant pour ses musiciens de revenir sur scène pour défier cette nuit qui semblait vouloir les faire taire. Yves Jamait est également un chanteur au coeur gros comme ça, avec son passé d’ouvrir à Urgo, il le redira plusieurs fois, Macron, Valls, Sarkozy… toute la droite et la droite extrême est passée au rasoir, et le public s’y retrouve. Décidément, on s’y sent bien à Barjac ! Y’en a qui résonne tristement juste à l’heure où les luttes sociales ont le vent en poupe !
Le public est debout, le public est resté, malgré l’heure tardive, comme s’il y avait un infini besoin de ne pas rater une miette de cette soirée. Avant de m’en aller est la dernière chanson, le dernier moment de partage d’une soirée commencée dans la douceur, et où le public sera passé des rires au larmes, se sera levé puis rassis, puis relevé, aura chanté, aura espéré. Bref, une belle soirée.
Soirée qui s’est continuée tard sous le chapiteau avec le fameux retour des scènes ouvertes à ne pas manquer, avec un public encore nombreux malgré l’heure. Aujourd’hui c’est repos pour le Musicodrome, mais pas à Barjac, avec Nicolas Bacchus pour un spectacle qui s’annonce détonnant, et un finish qu’on imagine encore tard dans la nuit ! A ne pas manquer, donc !