Les années se suivent et ne se ressemblent pas… Heureusement, mon viech ! D’ailleurs, 2014 résonne déjà différemment. Annoncés sur le retour en début d’année, les marseillais reprennent donc du service, plus aiguisés que jamais, avec la ferme intention de mettre la pagaille partout où ils passeront pour fêter ses 30 ans de oai collectif. Avec un nouvel album éponyme de haute volée sorti le 21 octobre dernier, le Massilia est enfin de retour. Le Rockstore de Montpellier, complet depuis 2 semaines, n’a pas manqué ce rendez-vous. Cela faisait plus de 6 ans qu’il les attendait…
Leur dernier passage remontant à une soirée épique au Zénith d’avril 2008, en compagnie de Groundation et de leurs potes du Mauresca Fracas Dub, cela faisait donc une paire d’années que la cité héraultaise espérait un retour. Pas nécessairement au Rockstore tant les conditions d’accueil des accrédités sont discutables… mais on peut y voir que dans son public, les têtes ne changent guère et les idées quant à elles, perdurent. Dans ce Roskstore bien plus intime que le Zénith Sud, on sent d’emblée que cette nouvelle soirée est différente des autres. Les styles, les genres, les générations, tous, sans exception, viennent communier avec un groupe qui a fait de l’échange, de la proximité et de la solidarité une de ses valeurs propres. Les t-shirts « Stop the cono » fièrement arborés, les drapeaux occitanistes brandis toujours plus hauts en signe d’identité avant que quelques fumis ne soient craqués, le ton est donné. Avec la section de Védas aux premières loges, même Les Sols Cirés, excellent dit en passant, ont pu s’en délecter en première partie.
Proche de ses terres, Massilia reviendrait presque à ses fondamentaux : le fond de scène est bleu azur, signe fort de la Méditerranée, avec son immense « Massilia » presque entièrement déployé. Le sélecta, lui, est imposant, centré sur la scène avec une écharpe que l’on pourrait leur envier avec sa mention « PIIM » (ndlr « Parti Internationaliste Indépendantiste Marseillais »), le Massilia s’est également inspiré d’un certain Marcelo Bielsa pour être complètement autonome sur scène (la glacière STC est de sortie !). Galvanisé par l’entrain manifesté, le Massilia ne mettra que quelques secondes à s’affranchir du Rockstore : ouverture aussi étonnante que décapante avec un premier rappel à l’ordre afin de réveiller les consciences, Pauvre de nous, extrait de l’excellent album à « la deux-chevaux ».
Armés de reggae, de platines, de machines, de claviers, de guitares et bien sûr d’occitan, la force de frappe de Massilia va grimper en flèche tout au long du concert : avec comme fil rouge les « gros » morceaux taillés pour le live issus de leur nouveau bébé, les marseillais alternent les titres incontournables de son répertoire sans ciller ! D’un synthé endiablé et entraînant pulsé par Janvié (Je marche avec), à des riffs acérés de Blu (Ma ville réveille toi !) en passant par un souffle digital tapageur de Dj Kayalik (Massilia n°1), le groupe n’hésite pas à jouer sur les rythmes et les intensités. Entrecoupés d’anecdotes, de dédicaces, d’humour et de coups de gueule assassins lancés par le Papet, le Moussu et Gari, on sent bien toute la franchise et la sincérité qui se dégagent des six acolytes. Conscients, aussi, que le reggae marseillais est là pour te faire bouger, ces derniers ne laisseront en reste aucun chourmo : d’un mythique Commando fada répond un Interdit aux conos, d’un roots et indémodable Bouteille sur bouteille s’allume Jovent ou un Parla patois devient Reggae fadoli !
Zigzaguant entre les albums et les périodes, Massilia aime aussi toujours autant ressortir son bon sound system : en mode clairement dub sur l’hypnotique et sombre La responsa es dins lo vent, ce qui ne connaissent pas les nouveaux morceaux de Massilia n’en finissent pas de se dire qu’ils auraient pu y figurer dans les premiers albums… A l’ancienne, même si Tatou trouve que cela fait « vieux » de dire « à l’ancienne », ça se la régale sur les envolées de Parlar fort, Trois MC’s sur la version avant qu’un combo démoniaque et revendicateur n’enfonce le clou : jouant sur les mots avec Tout le monde ment (« Manuel ment/manuellement ») et poing levé contre les financiers (Est tot pagat), Massilia dégaine sans ménagement.
Même si le public du Rocksotre ne s’est pas montré à 100% de ses capacités, Massilia n’a jamais courbé l’échine et a gardé le micro. Face aux dangers qui nous guettent tels que la peste brune qui est toujours là (Cansoneta farai, Ma ville est malade), des merveilles que renferment notre vie et notre histoire (Au marché du soleil…) ou des malheurs qui te touchent ou ton voisin (Toujours… et toujours), Massilia raconte. En mettant Lo oai, accroupi, assis ou allongé, ou en déclenchant une farandole géante en chantant Tuba la pipa. Si Massilia continue de distribuer du pastis sur scène avec le PIIM, c’est aussi pour partager ces idées tout en gardant l’esprit à la fête. Ô le Rockstore, l’aurais-tu oublié ?
En tout cas après 30 ans de oai, nul ne semble pouvoir arrêter la détermination du Massilia Sound System. Après deux heures de concert et plus d’une vingtaine de morceaux intergénérationnels, le Rockstore a été aïolisé avec succès !
Crédits photos : Philippe Poulenas