5 ans après un « Stup virus » qui a fait pas mal parler, King-Ju, l’homme aux milles facettes, a créé la surprise en annonçant l’arrivée du cinquième album de Stupeflip à la rentrée. « Stup forever », ou comment bien ancrer un univers qui semble plus que jamais exister.
Nul doute que chaque lapin était littéralement tremblant à l’idée de découvrir, presque si vite, une nouvelle salve de compos signées Stupeflip. Car il faut le dire, le répéter et le marteler pour ceux qui n’auraient pas encore mis un pied dans l’engrenage créé par Stupeflip : depuis le premier album éponyme, sorti en 2003, King-Ju a réussi à façonner un monde dont lui seul a le secret. Un monde fabriqué de toutes pièces, dans la menuiserie, qui prend vie dans la piole de King-Ju. Une recette vieille comme le monde mais qui continue de fonctionner comme aux débuts du groupe, en mode ‘stup forever’.
Sur cette nouvelle galette, King-Ju propose un album qui porte indéniablement la marque de fabrique de Stupeflip : il n’y a pas de bizarrerie ou d’album OVNI sur ce « Stup forever ». Il est probable aussi que King-Ju ne cherche pas à révolutionner forcément l’univers de Stupeflip qui repose sur un socle avec de sacrées fondations.
L’école et la cours de récré ont marqué la jeunesse de King-Ju, c’est une certitude, les références de cette période fleurissent au fil des albums depuis toujours : Vengeance !!!, c’est la naissance et l’aboutissement d’une vie marquée par des tourments et des incompréhensions. King-Ju, c’est « celui qui ne criait pas sous le préau » mais qui est aujourd’hui masqué et enragé comme jamais. Ce morceau est l’essence même de la puissance du Stup’ : un beat ravagé par un rap corrosif et une instru stratosphérique qui fait hérisser les poils sur les bras.
Ce son puissant, presque brut et pour les truands, se retrouve tout au long de cet album : Tiger crane nous fait enrager tant il mériterait d’être bien plus long que 1’47 ! La bascule après 0’12 est assourdissante, sombre au possible, appelant au réveil des âmes en peine. Sharkattac en est un autre symbole, mi-tortueux mi-minimaliste, mais qui est révélateur de plusieurs points. Le premier c’est que King-Ju parle davantage de lui sur ce « Stup forever », comme si l’artiste souhaitait nous partager ses états d’âme… Le second, c’est que malgré cette compo qui ne demande qu’à s’écouter en hochant la tête, celle-ci ne pourra très certainement pas s’écouter en live. Nombreux ont pu remarquer que Stupeflip n’a pas tourné après la sortie de « Stup virus »… et cela ne semble être plus vraiment au programme.
« Tu ne me verras plus jamais sur scène, j’ai disparu comme les ruches, je continue ce truc à l’arrache / dans ma piole je fais l’autruche (…) / la poule aux œufs d’or a fait des œufs durs / fini la super bête de foire, sur l’industrie je fais des ratures / je me méfie des trucs trop fédérateurs / j’préfère rester dans mon canapé, je m’en bats le steack si tu piges pas / ce n’est pas normal de s’exposer devant des gens que tu ne connais pas ! »
Ok, c’est posé-là. Pourtant King-Ju est conscient qu’il tient quelque chose de particulier : L’truc xplosif est une bombe à retardement façonnée à coup de beats des années 90 qui te touchent et qui te couchent ! Ces balles, il en distribue à la volée et n’épargne personne : DTB (Dans ton baladeur), le premier single dévoilé de ce « Stup forever », aligne les cibles unes à unes et dégaine à tout va. Dans cette toile de fond de plus en plus rap, King-Ju nous démontre qu’il excelle toujours !
Outre son côté sombre, penchant clairement vers un rap criard qui fait partie de l’ADN de Stupeflip, ce « Stup forever » renferme forcément ses traditionnels interludes. D’ailleurs, il y a tout un lot de compos plus hybrides que King-Ju ou Pop Hip aiment bien explorer : mention spéciale aux grosses vibes des Gens qui s’énervent ! Un sacré riddim lancé pour partir en guerre contre tous les caractériels (qui finissent, chez King-Ju, en minerve). Un morceau reggae et doux pour prévenir d’un éventuel dérapage, on ne peut qu’apprécier l’art du contre-pied !
Sur Étranges phénomènes, les guitares s’invitent enfin à la fête (finalement peu présentes sur cet album globalement), rappelant furieusement des compos rugueuses des deux premiers disques : « je suis le stup phénomène mélomane mélo-mélomane, phénomène, pas d’blême ». Elles ne demandent qu’à exploser sur Gluô, morceau instrumental aux allures d’invasion tout droit sorties de La Planète des Singes.
Si le temps a changé depuis qu’il refume du shit, King-Ju a replongé, c’est certain : Tellement bon appelle à se laisser aller et se transforme en une ode au planage et au lâcher prise. Happé par le temps qui passe (Les voûtes), il parvient encore à pousser les murs d’une manière quasi-mystique : King-Ju envoute la toile avec un morceau digital à souhait, limite electro/disco : Stay positiv’ redonne la patate et on ne comprend pas d’où elle vient ! Allez, 72.8. Dans cet esprit bien plus léger, le temps est venu de réveiller Pop-Hip le mort-vivant, à coup de rock crado, en mode mea culpa.
En fin d’album, Stupeflip s’offre un dernier tour de piste « en famille » avec The platform, avec Cadillac et Mc Salo, qu’il retrouvera pour une ultime Régions fédérées. Il y a des coutumes qui ne se perdent pas… et c’est pas plus mal !
« Stup forever » est indéniablement une excellente mouture estampillée Stupeflip. Pour les aficionados mais aussi pour ceux en quête de découvertes.
Stupeflip, « Stup forever », disponible depuis le 16 septembre 2022 (17 titres, 47 min.), chez Dragon Accel 2.