Chaque année, il y a des albums qui sont particulièrement attendus. Et en ce printemps 2012, les Scratch Bandits Crew attirent l’attention. Pas par excès de zèle, loin de là. Bien au contraire. Le turntablism est peut-être à la mode ces temps-ci mais le trio lyonnais propose son premier véritable album, « 31 Novembre ». A la frontière des sens et hors de portée du temps, le pari est osé. Pourtant la mutation, elle, a déjà commencé…
« 31 Novembre ». Date imaginaire pour disque onirique et prospectif. Enfin, c’est la manière dont les Scratch Bandits Crew qualifient leur nouveau protégé… La curiosité est chatouillée, cela va de soi, l’envie d’en savoir un peu plus se fait plus pressante. Il a surtout fallu prendre son mal en patience : seul un maxi, « En Petites Coupures » (2010), venait fleurir jusqu’à présent la discographie du groupe. Même si le skeud se faisait une place de choix pour le live, il n’était pas sans rappeler, musicalement, les débuts d’autres Dj’s à plusieurs mains, Birdy Nam Nam. Alors, les Scratch Bandits Crew vont-ils prendre leur courage à deux mains pour se jeter dans le vide ? Une chose est sûre, le choc est terrible.
Est-ce la claque ou la chute qui fait si mal ? Dans un premier temps, c’est à se demander avec quelle carte les Scratch tenteront de frapper fort… Celle d’un C2C qui a littéralement ravagé nos enceintes avec un simple EP ou plutôt une carte plus difficile à manier, comme l’audace par exemple ? Pour reprendre le titre d’un célèbre album IAM, il est tentant de dire que l’ombre est lumière le temps d’un court instant. Oui, car le seul point noir de cet album est qu’il ne dure que 30 minutes. Complexes, obscurs, 12 titres se dressent pourtant au bout milieu de la nuit. En un souffle, le décollage est immédiat.
L’introduction, même du haut de ses 40 secondes, annonce un changement de direction dans le cosmos d’Infrasons. Quelques notes de piano résonnent pour que « Heart Beat » réponde en échos. A la fois profond et léger, il s’agira bien d’ambiance et d’évasion qui seront évoquées ici. Un beat caressé qui se voit accompagné de cuivres et de scratchs d’accordéon presque contenus. De l’envolée sphérique aux décors urbains, l’imagination est laissée à son gré sur ce premier track. D’ailleurs, ces embardées vont être au cœur-même de l’âme de ce « 31 Novembre ». La douceur survole l’album, même si « planer » serait bien plus juste. Avec « I Got You« , les mélodies très symphoniques feraient presque penser à un Ez3kiel au sommet de sa forme, où sa « Naphtaline » chercherait à se faire une petite place entre deux ou trois scratchs. Sur « Light Graffiti part one« , les carillons laissent les envolées au piano prendre le dessus, presque sous des faux airs rock par l’effleurement de la batterie, avant que des craquements marquent la rupture. Pas encore consommée, « Light Graffiti part two » s’offre un renouveau entre deux univers, où guitare et batterie décident d’enclencher la bataille pour signifier la fin du voyage… En un souffle, oui, le piano s’est arrêté de jouer.
Si ces morceaux constituent une des forces majeures de cet album, les Scratch Bandits Crew ont donc choisi la carte de l’originalité, où la créativité est un des atouts principaux : hybrides, les lyonnais ont décidé de ne pas puiser dans de vieux vinyles pour faire leurs recettes. A la manière oldschool, toute musique du Crew est jouée par le groupe ou réalisée à sa demande. Et en créant leurs propres machines à scratchs telles que la guitare-scratch ou les scratchs-lunaires, les lyonnais cherchent à avoir une maîtrise totale de leur univers sonore.
Entre deux sphères, différents univers sont explorés : plus rugueux et urbain, « Do Your Thang » est envahi d’ondes digitales où des influences soul martèlent la compo, limite saccadée par les scratchs-lunaires du Crew. Torturé dans tous les sens, « Upside Down » croule sous les arrangements mais sa chrysalide montre toute la métamorphose opérée au sein du morceau : saxo tonitruant et scratchs à foison finissent par s’accoupler parfaitement avec « Check It Out » et son hip hop/funk s’accélérant brutalement. Les séquences numériques toujours aussi bien maîtrisées, il y a un peu de C2C dans ce track. Pourtant entre les sentiers brumeux et les platines suintantes, des bombes explosent sans crier gare comme « Oriental Wildstyle« , brûlot dub/dubstep qui annonce de grosses fioritures sur scène, voire même un « You Know« , vacillant entre des frontières plus funky et des changements de rythmes.
Avec une électro profonde et presque poétique, Supa Jay, Goeffresh et Syr réalisent là un album qui apparaît très symphonique et acoustique dès sa première écoute. Pourtant, il regorge d’une armoire à sons qui renvoie l’image d’une technique maîtrisée ainsi que d’une grande finesse. Les Scratch Bandits Crew se sont jetés dans le vide. Cela vaut sincèrement le coup de sauter avec eux.
FICHE TECHNIQUE
Tracklist
1) En heart beat ouverture
2) Heart beat
3) Do your thang
4) Light graffiti part one
5) You turn me… interlude
6) Upside down
7) Check it out
8) I got you
9) Oriental wildstyle
10) Don’t you know
11) You know
12) Light graffiti part two
Durée : 30 minutes
Album : 1er
Sortie : 9 avril 2012
Genres : Electronique
Label : Infrasons