La sortie de leur nouvel EP It all went bad somehow chez Lollipop était l’occasion rêvée d’en connaître un peu plus sur le groupe Parade. Rencontre avec Jules, chanteur heureux de cette incontournable formation marseillaise.
Parade est un projet finalement assez récent, quelle est son origine ?
Oui, il date de 2019. Tu enlèves la période covid et en effet, ça devient un jeune groupe. Concrètement, ça fait vraiment 4 ans qu’on a commencé à faire des concerts et à enregistrer.
Vous avez bénéficié d’un sacré coup de boost avec les Inouïs. Certains groupes s’y reprennent à plusieurs reprises. Pour vous, la première a été la bonne ?
Oui on a peut-être eu un peu de chance ou on a été là au bon moment. A la base, je ne voulais pas postuler aux Inouïs, je ne savais même pas ce que c’était. Et finalement on s’est dit pourquoi pas. On a eu un bon alignement des planètes sur ce moment-là puis un très mauvais deux mois après avec le covid. On avait des bons trucs qui arrivaient avec des concerts et en fait, non. Tu annules une tournée, deux tournées, trois tournées… Voilà, c’est la vie.
Mais concrètement, que vous ont apporté les Inouïs ? Vous n’aviez pas encore enregistré ?
En fait on avait enregistré notre premier EP Parade mais il n’était pas encore officiellement sorti. Ça nous a apporté une carte de visite surtout. Après, on fait notre petit chemin, on est content de l’avoir eu mais on ne fait pas de la musique pour ça. Et puis de manière générale, quand tu regardes la programmation de la majeure partie des festivals en France, ça ne fait vraiment pas rêver.
Si on n’avait pas été reconnu par ce milieu-là, je m’en foutrais. Là, je suis content, ça fait plaisir que des projets comme le nôtre puissent quand même être identifiés, ça me fait dire que tout n’est pas perdu. L’avis de mon label compte vraiment plus.
Et il faut insister là-dessus. Parade est un groupe 100% marseillais. Votre label est Lollipop et votre producteur La Mèson.
Lollipop nous a pris sous son aile avant même que le groupe existe ! Personnellement, j’ai une relation forte avec Paul qui est le disquaire et de Stéphane qui s’occupe du label. Je voulais vraiment jouer cette carte marseillaise. Et puis ce sont des gens que je vois presque tous les jours ou presque, avec lesquels je sais qu’on peut parler, qui nous soutiennent. Et puis c’est un label qui est cohérent, qui a déjà sorti plus de 70 projets. Je dirais que c’est notre Born Bad Records à nous et j’en suis très content.
A Marseille, on sent que ce sont les irréductibles gaulois. Petit à petit, il a des choses qui vont sortir quand je vois le nombre de groupes de qualité qu’il y a dans l’underground marseillais. On évolue dans un environnement où je peux te citer 60 groupes très corrects que je serais prêt à programmer dès demain à Marseille. Moi je fais partie de trois groupes, tout le monde joue ensemble, les assos se bougent énormément. Et puis il y a une effusion dans la ville, des salles de concert partout. Il y a vraiment de la place pour tout le monde, sans mauvaise concurrence.
C’est un peu un paradoxe de Marseille car il y a une place pour le rock dans cette ville qui n’existe par exemple pas à Montpellier. Comment expliques-tu cette effervescence dans une ville que l’on associe plus spontanément au rap ? Et comment expliques-tu que des jeunes comme toi continuent à faire du rock ?
Pour moi le rock, c’est ça ou rien en fait. J’ai l’impression que le rock est un truc de classes moyennes blanches et plutôt cis-genrées, même si c’est en train de changer. Mais globalement, les minorités ne sont pas mises en avant, il y a très peu de filles.
Pourquoi faire du rock ? Parce que c’est la musique que j’écoute depuis tout petit et que de par la culture familiale et les choses qu’on m’a fait écouter, bein je fais ça. On m’a fait faire de la guitare à 8 ans. Si j’étais né dans les cités, je n’aurais pas fait ça, je n’aurais pas eu cette chance ou pas, j’aurais fait autre chose. Et puis aujourd’hui, monter un groupe de rock revient cher : acheter du matériel, prendre des cours, avoir une bagnole, il faut vraiment des thunes. Alors que t’as un mec avec un ordi et un micro, il peut enregistrer 50 mecs dans la journée. Le rap, c’est le punk d’aujourd’hui. Mais niveau musique organique, on a encore un temps d’avance.
Après il ne faut pas non plus s’inquiéter. On fait ce qu’on aime et les gens qui viennent aiment ce qu’on fait et on y prend du plaisir. C’est à peu près la même chose, qu’il y ait 30 ou 800 personnes devant nous. Et puis le rock reviendra dans 10 ou 20 ans. Je suis quand même un peu inquiet quand je vois que dans les années 2000, tu as The Strokes, The Libertines et toute cette vague ; en 2020 le pendant ce serait Fontaines DC, Viagra boys, etc., c’est quand même un cran au-dessous je trouve. J’aime bien mais…
Dans la musique on a toujours cette tendance à reprendre les choses, sans forcément en inventer de nouvelles ?
On ne réinvente pas nous, on cultive un héritage ! On sait très bien qu’on ne va rien inventer. It all went bad somehow, ça peut aussi dire ça, le rock, c’est mort ou c’est en train de mourir. Mais ça pas grave, pourvu qu’on continue à danser !
Pas à Marseille à priori ?
Non pas à Marseille. Tu vois, là où j’habite, sur le Cours Julien, j’ai au moins 10 salles de concerts. Et tout le monde se bouge. Je pense à Anaëlle qui gère l’Intermédiaire. Elle est juste formidable et programme 5 concerts par semaine en perdant de l’argent mais elle continue. Et puis vu qu’on a peu de groupes extérieurs qui passent à Marseille, on se satisfait de notre scène locale. Il n’est pas rare que le groupe punk de la Plaine fasse plus d’entrées qu’une tête d’affiche. C’est comme ça, c’est Marseille !
Pourtant, toi tu es montpelliérain ? Qu’est ce qui t’a fait venir à Marseille ?
La banque ! J’ai fait mes études en alternance et je suis devenu chargé d’affaires volant pour BNP, c’était l’enfer. J’ai fait 3 mois à Martigues puis 3 mois à Marseille. J’y ai rencontré ma copine et y suis resté un an avant de faire une dépression et me faire virer. Mais je suis resté à Marseille.
Et tu as senti rapidement cette énergie marseillaise ?
Au début, non. Et puis je ne me considérais pas musicien à l’époque. Et une fois que j’ai mis le pied chez Lollipop, et qu’on nous a mis le pied à la Machine à Coudre, puis à la Salle Gueule, puis à la Maison Hantée, puis à l’Intermédiaire puis au Molotov. Et en fait les trois quarts des salles de Marseille, je les ai découvertes parce que j’allais y jouer. Et maintenant j’y passe ma vie.
Mais Nico, mon guitariste, connaissait toutes ces salles. Moi j’étais nouveau. Mais globalement tout est simple à Marseille et c’est ce que j’apprécie.
Et le nom de Parade ? J’ai cru comprendre que cela faisait à la fois référence à la fête mais également à l’esquive en boxe ? Mais pour esquiver quoi ?
C’est plutôt un évitement de la vie. Moi je ne veux plus jamais de ma vie avoir un boulot du lundi au vendredi, où si j’arrive à 8h25 au lieu de 8h20, je me fais engueuler. Ça, c’est hors de question, je suis prêt à travailler 80 h par semaine à répéter des conneries plutôt que d’avoir à refaire ça.
Mais en fait je voulais surtout un nom simple, qui puisse être également utilisé en anglais. Et puis il y avait un bouquin de Ian F. Svenonius, Stratégies occultes pour monter un groupe de rock qui expliquait que les choses doivent se faire dans un certain ordre. Et moi je me suis levé un matin et j’ai dit à Nico, c’est Parade. Et on avait notre premier concert 3 semaines après.
Mais après y’a plein de mecs qui ne voudraient pas ma vie. J’ai une vie de merde en fait. Faut savoir que je suis aussi aussi DJ de mariages l’été pour me faire un peu de thunes en plus.
Et tu as le statut d’intermittent ?
Ça oui. Heureusement. On n’est pas tous intermittents dans le groupe mais on a tous de quoi vivre. Sinon tu lâches l’affaire rapidement.
Et pour revenir à Parade, comment vous composez ? Tous ensembles ?
Ensemble. En général soit moi, soit Nico, on va apporter une ligne mélodique. Puis chacun va y amener sa touche. A part le dernier titre de l’album qu’on a composé Nico et moi dans notre projet (half)Parade. Et puis les morceaux que j’écris moi perso sont très différents de ceux de Parade. Et on est d’ailleurs à un quart chacun pour les droits Sacem. Et puis il y a d’autres aspects, Marine (ndrl bassiste) réalise les clips par exemple. Hormis les pochettes, on essaie de faire un maximum de trucs nous-mêmes.
Par contre les textes c’est moi seul qui les écris. Je ne peux pas chanter les textes d’un autre ou raconter les histoires d’un autre. J’aurais du mal à être sincère quand je les dis. Le texte, c’est quasiment de l’écriture automatique. Il vient une fois que les titres sont composés. Je m’attache d’ailleurs plus à la musicalité des mots qu’à leur sens. Le sens on finit par leur trouver à la fin.
D’où le choix de l’anglais ?
Oui, c’est plus simple. Et puis les mots n’ont pas la même signification non plus.
Vous avez présenté votre nouvel opus il y a quelques jours à Marseille, chez Lollipop. Cela s’est bien passé ?
Oui, super. Les retours sont bons. Même si les vrais retours arriveront plus tard avec la sortie physique de l’album (ndrl 26 mai). On a eu une page dans Rock&Folk, c’était un rêve de gosse. Mais ce disque est prêt depuis tellement longtemps que je l’ai déjà fait écouter à pas mal de gens.
Il est prêt depuis au moins un an en fait. Mais avec le covid, ça a pris du retard et ça a encore failli en prendre encore plus car mon batteur, Mathieu, s’est fait une fracture de la cheville. Donc là on a un remplaçant, Olly jenkins pour les concerts.
On est tous hyper fiers de ce qu’on a fait en tout cas. Même mes parents ont compris que musicien pouvait être un vrai métier. Que du moins, je puisse gagner ma vie et ne pas être malheureux.
Et du coup, il se passe quoi dans ce disque ?
Déjà le titre fait référence à toutes les choses, pas forcément ouf, qui me sont arrivées. Par exemple il y a une chanson sur ma grand-mère qui est décédée il y a deux ans mais la chanson n’est pas triste Sally’s gone. Il y a une chanson sur une ex qui m’a pris pour le dernier des cons Summer sunset, c’est un peu une manière de régler des comptes. Des morceaux comme Ghost inside of you ou Is it real life, c’est plutôt des ambiances un peu parano. Et il y a des morceaux qui évoquent ma bi-polarité, j’ai fait une crise manique en janvier 2020 qui m’a conduit à un internement, comme Darkness of your thoughts et Electric fear qui parlent de ça. Cela resta un vrai traumatisme. J’ai d’ailleurs fait le concert des Inouïs une semaine après ma sortie.
Et It all went bad somehow, c’est plus un morceau écolo que politique qui date d’avant le covid. C’était donc déjà la merde. L’autre jour j’étais bloqué dans un bouchon dans un tunnel et je me demandais ce qu’on foutait tous dans ces putains de voiture.
Quand tu dis que cet EP, c’est l’instantané d’il y a deux ans, cela signifie-t-il que vous avez pris le temps de composer de nouveaux morceaux ?
Oui, là on a 6 nouveaux morceaux. L’idée est de faire un album. On ne sait pas encore avec qui ni comment mais c’est bien l’objectif. Le fait que Mathieu ne soit pas là pendant six mois nous embête un peu. En termes de textes j’ai envie de me lâcher un peu, j’ai assez parlé de moi. Je vois les chansons comme des tableaux.
Et tu as aussi des projets solo ?
J’ai un projet folk acoustique sous mon nom, Jules Henriel. Ça fait 3-4 ans. J’ai commencé à enregistrer avec Oliver (Olly Jenkins) et j’aimerais bien sortir un truc en 2024. Si tu veux je suis le seul du groupe à n’être que musicien ou quasiment. Je fais 20 mariages dans l’année et après j’ai du temps. Et puis jouer tout seul c’est génial, tu répètes tout seul et quand tu veux. J’arrive à un concert, j’ai ma guitare sur le dos et je me branche à une sono. Ce projet solo c’est mon petit truc. Mais ce qui est un peu chiant à être tout seul, c’est que tu es tout seul. Quand t’es sur la route c’est chiant, avant le concert c’est chiant, après aussi. Alors que si tu tournes à 3 projets solos, tu as une seule voiture, tu vends ça pas cher, ça peut être un truc cool. Et puis moi je dois faire 50 concerts minimum par an donc je suis obligé de faire d’autres trucs !
Les prochaines dates de PARADE :
*le 15 juin en showcase chez Ground zero à Montpellier (34)
*le 9 juillet au Pointu festival à Six-Four (83)