Le festival de musiques actuelles gardois, organisé par les étudiants de l’école des mines d’Alès, est menacé de disparition. Un de plus donc sur une liste qui ne finit plus de s’allonger : en 2023, les difficultés observées l’année de reprise post-Covid continuent de se renforcer.
En soufflant sa 20ème bougie, un soir d’avril 2023, les organisateurs du festival alésien de la Meuh Folle savaient qu’il était important de profiter maintenant car la suite allait s’inscrire en pointillée. La réalité est à la fois cruelle et implacable : avec une affluence en berne, c’est l’existence-même de l’événement qui vacille avec la peur de vide. Ce cas de figure, le festival gardois n’est pas le seul à y être confronté : 2023 s’inscrit dans la dure continuité de 2022.
Les petits et moyens festivals les plus impactés par la baisse de fréquentation
L’année 2022, première véritable année post-Covid, devait être l’année des retrouvailles pour le public avec les grands événements. Pourtant, dans un contexte sanitaire délicat et des restrictions anxiogènes, les chiffres ont fini par parler d’eux-mêmes : pour les petits et moyens festivals (ceux ayant un budget total inférieur à 500 000€), ils sont prèss de 38% à constater une baisse de fréquentation de 25% en moyenne (on parle bien ici de moyenne, les écarts réels varient entre 18% et 50%) d’après une étude du CNM (Centre National de la Musique).
Ces tendances font forcément froid dans le dos puisque, pour ces petits et moyens événements, le combo est rude : si la fréquentation est une chose cruciale à scruter pour ces festivals qui sont généralement peu subventionnés et non concernés par du sponsoring, c’est qu’elle est associée aux recettes. Pour rappel, pour la plupart de ces types de festivals, ces derniers reposent sur de l’auto-financement… donc essentiellement sur la billetterie. Pour la faire courte, un événement auto-financé, pour être viable et ne pas être en situation déficitaire, doit remplir environ 90% de sa jauge de festivaliers.
L’explosion des coûts associés à l’organisation d’un festival
En 2022 et également en 2023, la fréquentation des petits et moyens festivals a donc baissé tandis que, en parallèle, l’assiette des coûts a explosé. Le Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) a pu compléter des chiffres du CNM en observant que :
- Les cachets des artistes ont quasi doublé depuis 2015 (+95%)
- Les contrats d’assurances affichent une hausse moyenne de 49%
- Les prestations techniques grimpent de 134% !
- Enfin, les coûts associés à la sécurité des événements sont à la hausse depuis les attentats de 2015.
Et encore, l’étude ne mentionne pas les coûts en lien avec l’énergie, en particulier l’électricité, avec les hausses répétées qui ont lieu en 2023.
Une baisse drastique des subventions publiques
Cette explosion des coûts arrive également à la même période que la baisse des aides publiques. Là encore, les chiffres du SMA vont dans le même sens : baisse de 29% des subventions des villes aux petits et moyens festivals, -34% des subventions des agglomérations, -28% des subventions des départements… et -19% des subventions des régions.
Si on regarde les chiffres globaux diffusés, ils sont assez révélateurs : selon le Prodiss (le syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété), pour qu’un petit ou moyen festival actuel puisse rentrer dans ses frais, il doit tout simplement faire le plein…
Et le festival de la Meuh Folle dans tout ça ?
A la sortie de son édition 2023, le festival alésien accuse une deuxième année consécutive déficitaire. Forcément, l’augmentation du prix du billet par rapport aux éditions « d’avant Covid » était là pour tenter d’enrayer la spirale infernale liée à l’explosion des coûts mais elle n’a malheureusement pas fonctionné. Les organisateurs ont réfléchi, plusieurs raisons ont été mises sur la table (comme une programmation moins attractive que lors des précédentes éditions ainsi que l’inflation, qui n’arrange rien à la situation actuelle) mais l’heure est à la réflexion.
Lorsqu’on poursuit la lecture des conclusions du Prodiss qui a questionné 47 festivals concernés par des baisses de fréquentation (17% d’entre-eux estiment que la tenue de leur prochaine édition est compromise), on comprend la complexité de la situation.
La fin de la crise sanitaire marque une rupture dans le paysage musical et événementiel. Le département du Gard, comme parmi tant d’autres, est durement touché. Le festival de la Meuh Folle fait parti de ce paysage, il a même la réputation de lancer la saison des festivals au printemps. Aujourd’hui, il s’agit du plus gros festival indépendant de musiques actuelles du Gard dans la catégorie « Petit et moyen festival » du CNM.
Un appel aux dons, au sponsoring ou au mécénat a été lancé à travers une campagne Ulule pour soutenir le festival. Elle est ligne jusqu’au 5 novembre prochain.
Pour aller plus loin :
- « Inflation : les petits festivals sont-ils menacés de disparition ? » / reportage Jack Canal+
- Plaidoyer pour des festivals indépendants / porté par vousnetespaslaparhasard
- « Festivals en France : fragilité et dynamisme d’un modèle culturel » / étude Vie Publique
- « Le bilan des festivals de l’année 2022 : l’année de reprise » / reportage par Tous les festivals
- « La survie de nombreux festivals de musique passe par la décroissance » / reportage de Télérama
Crédits photos : Photolive30