Crédits photos : DDM / Jean-Luc Bibal
La notoriété de Chinese Man est montée en flèche depuis la sortie de « Racing With The Sun », en 2011. Avec des idées plein la tête ces derniers mois (album de remixes, arrivée de MC’s, premier live…), Chinese Man parait en pleine mutation. Pourtant, il préserve son identité, son univers, clame son envie de voir pérenniser le label indépendant qu’il a monté, Chinese Man Records, tout en abordant les différents points que nous avons voulu aborder avec franchise et simplicité. Discussion avec High Ku, un des trois Dj’s (les deux autres étant Sly, Zé Mateo) du Chinese Man. Première partie de cet entretien aujourd’hui.
Grosse actu pour Chinese Man depuis 2 ans avec 3 albums (« Racing With The Sun » en 2011, « Remix With The Sun » en début d’année puis le « Live à la Cigale » il y a quelques semaines), vous êtes en forme ?
High Ku : C’est vrai que tout s’enchaîne en ce moment, sans que ce soit prévu à la base en fait. On a fait « Racing with the sun », la tournée s’est lancée et il s’est avéré que l’on a eu énormément de demandes donc on est reparti sur une nouvelle année supplémentaire. Entre temps c’est vrai qu’il y a eu le travail des remixes… Initialement cela devait être plus un maxi vinyles ou un petit projet alternatif, mais vu le nombre de collaborations et de pistes finalement créées on s’est dirigés vers un format physique. En quelque sorte, nous avons proposé une relecture de l’album. Et par conséquent, on a du réinterpréter le live en incluant toutes ses influences retrouvées dans « Remix with the sun ». Taïwan, bien sûr, notre MC, qui est tout le tout le temps avec nous, mais aussi Tumi, Youthstar qui se sont greffés au truc… il y a eu une véritable alchimie ! Avec cette énergie incroyable, on s’est dit que ce serait bien de faire maintenant un live. Jusqu’à présent nous n’avions pas eu trop cette envie de faire un live car étant seuls, on trouvait ça limite. Maintenant avec les MC’s, le live change de dimension… et c’était en plus une super occaz’ de symboliser la réussite de ce projet.
Tu évoquais la réussite de « Racing With The Sun » sorti l’année dernière, comment tu justifies le fait que ce soit, pour vous, votre premier véritable album ? Alors que « The Groove Sessions » et « The Groove Sessions II » étaient vos deux premières galettes…
High Ku : C’est par la manière dont cela a été réalisé. Les « Groove Sessions » n’ont jamais été des albums dans la mesure où elles ont été réalisées à travers des maxis ou des vinyles, par trois ou quatre morceaux à chaque fois. Il n’y avait pas de recherche de cohérence à la base : c’étaient des productions qui s’étalaient sur deux ans généralement puis compilées ensuite sur les albums. Juste avant « Racing With The Sun », nous n’avions jamais travaillé sur du long format… on faisait surtout des productions de DJ’s. Sur « Racing With The Sun », on ne voulait pas forcément créer des sons pour des soirées. On voulait avoir une unité, un travail sur 12 pistes, avec de la cohérence. Travailler sur un album complet au final.
On a eu l’envie que l’album s’enchaîne, pas rythmiquement, mais dans les ambiances où l’auditoire prendrait plaisir à écouter cela de bout en bout. On est passé d’un objectif individuel, faire un titre, à un objectif global, faire un album. Notre démarche de travail a été complètement chamboulée.
Vous aviez envie que « Racing With The Sun » paraisse moins décousu que les deux « Groove Sessions » ? Pourtant ils ne renvoient pas ce sentiment là…
High Ku : Oui c’est sûr… mais sur les deux « Groove Sessions », attention, il n’y a pas que Chinese Man ! Il y a Léo Le Bug, il y a des productions de Sly en solo, des productions qui ont été faites pour les MC’s, donc « Racing With The Sun », oui, c’est la première vraie production de Chinese Man. Même s’il y a une certaine cohérence entre les morceaux et les différents producteurs du label, je pense que « Racing With The Sun » a une unité plus forte que le reste. On a choisit des morceaux plus calmes, plus destinés à l’écoute, plus tranquilles, alors qu’avant notre concentration était sur les DJ’s.
Et sur « Remix With The Sun », c’est un joli travail en famille, toutes les personnes qui participent au label Chinese Man Records ?
High Ku : Il y a eu plusieurs démarches… Des groupes tels que Scratch Bandits Crew, OBF, Iration Steppas… ce sont des gens que l’on suit de près ou de loin mais avec qui nous avons de grosses affinités et avec qui nous avons l’habitude de travailler. Il y avait une espèce d’évidence à leur demander de remixer nos titres. Puis ensuite on a du travail pour retravailler nos propres compos. Ici, on est allés chercher des gens de notre entourage comme la chanteuse de Deluxe, Femi Kuti avec qui on avait bossé pour des remixes ou encore Plex Rock aux Etats Unis… Puis les connexions se sont faites via des gens que l’on connaissait comme Jeru The Damaja ou Chali 2Na que l’on est allés chercher. Donc ouais ce sont des gens que l’on connaissait, avec qui on avait déjà travaillé ou envie de collaborer.
Tu évoquais Deluxe, nouveau groupe du label Chinese Man Records. C’est important aussi de penser aux « petits » ?
High Ku : Le groupe Chinese Man nous a toujours mobilisé depuis plusieurs années. Mais à la base, on a toujours eu envie développer le label. On a fondé le collectif et le label en même temps dans le but de pouvoir appliquer ce que nous avons déjà appliqué au groupe Chinese Man, à savoir promo, réseaux, tournée, etc. Cela s’est fait naturellement avec Deluxe. Zé Mateo a eu l’occasion de les rencontrer, de travailler avec eux, leur musique correspondant à l’état d’esprit du label, ça a aidé. Puis, surtout, on avait les instruments pour les accueillir, ça s’est donc fait naturellement. Le label Chinese Man Records sert à mettre en avant d’autres groupes que Chinese Man. Pour nous, c’est aussi un peu d’air frais d’avoir une musique qui nous ressemble même si elle est un peu différente de nous, c’est vraiment bien !
C’est clair que Deluxe par exemple commence à bien tourner.
High Ku : Et on va en entendre encore plus parler ! Il y a le second EP, le nouvel album, plein de choses en prévision. Cela va nous permettre aussi de nous retirer un peu et de les mettre en avant.
On revient au live. Vous venez de sortir le « Live à la Cigale » en CD et DVD. Pour avoir vu Chinese Man sur sa deuxième date de « Racing With The Sun » mais aussi cet été (donc un laps de temps d’un an et demi), plusieurs choses m’ont marqué : par exemple, la maturité actuelle des concerts, comme si vous aviez accumulé toutes vos expériences passées.
High Ku : Premièrement, la tournée a évolué d’elle-même à cause de faire des dates. Puis on écoute aussi les retours de concerts, ça a permis d’améliorer le live dans l’intensité, la playlist… « Remix With The Sun » a permis de remixer en live les compos retravaillées, puis c’est surtout l’arrivée des MC’s au fur et à mesure qui ont modulé le live. Taiwan, en ragga/reggae, est vraiment quelqu’un qui déchire, Youthstar en drum’n’bass et hip hop c’était aussi un gros avantage, et enfin avoir Tumi est un plus sur scène… Là où les MC’s étaient jusqu’à la mi-tournée assez secondaires, on a voulu les faire passer en premier plan en live. On l’a vite compris : le fait d’avoir plein d’invités sur scène donne vraiment du relief au live et met du piment aux morceaux. Enfin, il ne faut pas oublier l’arrivée de Raphaël au trombone qui a donné encore plus de vie. Je pense que l’on a passé un palier à ce niveau là : on est sorti du live de musiques électroniques pour arriver à un vrai live, avec une complicité entre nous, entre les gens qui sont sur scène, le fait que l’on connaisse tous très bien les morceaux… Du coup d’une année à une autre, brique par brique, tu arrives à un concert de plus en plus abouti.
Sans oublier l’immersion avec les vidéos.
High Ku : On a toujours voulu améliorer le dispositif que nous avions sur scène. Dès le début de la tournée de « Racing With The Sun », on voulait avoir quasiment toutes nos vidéos de prêtes. Après au fil des concerts on a augmenté le nombre de caméras, Vj TOT a fait un super boulot avec les images pour bien coller avec la musique que l’on jouait… Car il est sur aussi sur scène avec nous pour faire ça en live.
Il faut dire que les bouboules poilues de Get Up ça a marqué tout le monde, elles sont vraiment énormes !
High Ku : Oui, ça c’est le travail de Fred et Annabelle, nos créateurs vidéos. Ils ont toujours de supers idées pour nos clips.
Chinese Man c’est un univers particulier. Il y a ces fameux penchants oriental, africain, latino-américain… pourquoi ce métissage sonore ? Ce qui fait votre identité toutefois.
High Ku : Cela s’est fait un peu naturellement. Dans le choix des samples, certaines musiques ont été tellement samplées (comme la soul, la funk, le jazz) que le choix devenait difficile. Donc on s’est mis à écouter d’autres musiques, on s’est intéressés à pas mal de musiques sur le continent africain ou sur le continent asiatique. A savoir que ces musiques ont été peu produites, les instruments sont donc la plupart du temps seuls, donc du coup c’est une très bonne base pour nous pour pouvoir les sampler. On s’est pas mal intéressés aux percussions, à des instruments rythmiques, et d’ailleurs dans les musiques africaines ou indiennes on a exploré des territoires qui n’avaient pas été tellement défrichés jusqu’à présent. Maintenant de plus en plus de gens commencent à utiliser ce type de samples… En tous cas on tenait à utiliser des samples qui n’avaient pas été déjà samplés.
Comment vous faites pour dénicher vos fameux vinyles, vous allez sur place ?
High Ku : Pas nécessairement. Souvent on récupère des collections de gens que l’on connaît, mais on a aussi quelques magasins de disques en France et à l’étranger avec lesquels on se fournit. Je pousse en tous cas tout le monde de se rapprocher d’un disquaire avec qui il s’entend bien pour pouvoir passer du temps à écouter des vinyles… Nous on profite avec notre disquaire à Marseille mais on profite aussi des tournées pour aller à la source de nos vinyles obscurs c’est toujours mieux !
Avec le nombre de groupes qui apparaît aujourd’hui, c’est une force pour Chinese Man d’avoir ce métissage sonore ?
High Ku : Oui, je pense. On a gardé un côté très hip hop dans la manière de trouver nos samples et beaucoup moins electro par rapport à d’autres groupes. Notre son est très acoustique dans nos samples, un côté world music que beaucoup n’hésitent pas à faire tendre vers l’electro. On a fait le choix de rester dans des influences dub, hip hop, assez mélodiques, avec pas mal de tendances en quelques sortes, pour pouvoir garder cette originalité.
Pouvoir rester créatif est l’étendard de Chinese Man. Ce ne serait pas possible dans une major ?
High Ku : Non… La partie artistique est à détacher de la partie business. C’est plus la promotion ou la manière dont s’est développé le label qui nous a permis d’arriver là où l’on est aujourd’hui, sans avoir eu recours à une major. On a aussi pris le temps. Je pense que tu peux garder la créativité et l’originalité même dans une major. Il suffit de trouver la bonne personne, un bon directeur artistique qui comprend ce que tu veux faire. Après, il est clair que l’on ne s’est jamais posés la question de savoir est ce que quelqu’un d’autre que nous est satisfait du résultat ou va-t-il le valider. On tient à cette liberté. C’est elle qui permet la créativité.
Aujourd’hui Chinese Man l’a car il a son propre label.
High Ku : Ah oui carrément !
(à suivre…)
Crédits photos : Olivier Audouy – Le Musicodrome (corps article)
Légende : Live de Chinese Man au festival les Escales du Cargo à Arles (13) le 20 Juillet 2012.
Interview : réalisé par Dimitri L (Le Musicodrome) avec High Ku, le mardi 27 novembre 2012.