Asian Dub Foundation « 94-now: collaborations » (2024)

9 min de lecture

30 ans de carrière, cela se fête. Asian Dub Foundation a choisi plusieurs manières pour les célébrer : une gigantesque tournée mondiale débutée depuis plusieurs mois déjà ainsi qu’un album au compteur. Pas un nouveau disque en tant que tel, mais un album qui met l’accent sur leurs belles collaborations depuis leur création.

Tout est dans le titre « 94-now: collaborations ». Pas de chemin détourné, pas d’entourloupe, Asian Dub Foundation a souhaité rendre mettre en avant des featurings qui ont fleuri leur discographie ou lors de concerts. Une sorte de bestof de featuring ? Non, pas tout à fait. Outre la mise en avant de leurs collaborations, ADF a choisi de mettre un peu plus de piquant dans nos casques : parmi ces collab’, il y a des morceaux revisités, certains remixés et d’autres… tout simplement inédites. Alors, on y va ?

« Come on ! » ouvre le bal. Les fans du groupe reconnaîtront directement la track d’ouverture : parmi les collaborations les plus marquantes d’Asian Dub Foundation, nous pensons directement à l’iguane Iggy Pop. No fun lance logiquement les hostilités et c’est un morceau réarrangé qui prend possession des ondes ! Comme s’il ne l’était pas assez, cette revisite de No fun est encore plus rock et ce sont les percus qui basculent un peu plus en arrière plan. De quoi donner envie de monter le son !

Ce qui fait la particularité d’Asian Dub Foundation depuis toutes ces années, c’est que c’est un groupe qui ne veut se faire catégoriser : inclassable de part son métissage sonore permanent (dub, punk, rap, rock, world, electro…), les londoniens sont de véritables morts de faim ! Ils peuvent décider de taper très fort comme de la mettre en sourdine.

Au rayon de leurs collaborations en mode rouleau compresseur, celle avec Stewart Lee, sur le dernier album en date « Access denied » (2020), ne pouvait pas être oubliée : Comin’ over here est un cocktail molotov à la sauce des Prodigy… et il gagne encore en intensité ! Le puissant Broken Britain, dévoilé il y a peu, fait figure de nouveau morceau au milieu de ce beau monde avec Chowerman. Il arrive tôt dans l’album et c’est finalement cohérent : le titre est imprégné des influences de ces dernières années, survoltées et enragées, comme « Punkara » les avait impulsées en 2008.

Penser qu’ADF a privilégié l’intensité dans ses collaborations seraient pourtant mal connaître le groupe. Au rayon des incontournables, impossible de ne pas faire figurer une des plus belles compos de toute leur discographie, avec 1000 mirrors, présente sur le monstrueux album « Enemy of the enemy » (2003). En compagnie de l’artiste irlandaise Sinéad O’Connor disparue l’année dernière, Asian Dub nous propose une version extrêmement proche de l’origine même si le remastering accentue davantage les basses. Toujours un plaisir !

D’autres morceaux bien rootsy s’invitent : Raj antique store, morceau bonus présent sur l’édition japonaise de « Enemy of the enemy », se découvre pour la plupart et se revisite pour les autres. Toile de fond reggae, samples d’accordéon, ballade presque pop, les sonorités indiennes finissent enfin pour prendre possession des lieux ! Là aussi, plus de basse et même un peu plus de jungle pour accompagner Likkle Mai et Dry and Heavy sur ce coup-là.

Mais ce que l’on espère aussi, au-delà de ces featurings, c’est également un petit retour dans le passé. Passée la moitié du disque, cap sur un des albums des débuts du groupe, « Community music », sorti en 2000. Taa deem, avec Nusrat Fateh Ali Khan, conserve bien son gros penchant rock oriental… et sa bascule jungle saturée ! Là aussi, peu de changements côté musique mais un son bien plus propre à l’écoute.

Et la descente dans les entrailles se poursuit : moment de jouissance sur Culture move, de l’époque de « Rafi’s revenge » (1998), avec MC Navigator. Une bombe reggae/ragga sublimée par une rythmique jungle qui n’a pas pris une ride. Cela nous rappelle comment aussi le groupe a évolué et n’a pas hésité à sortir des sentiers battus qu’il a défriché pendant plus de 10 ans. Cet album est un condensé de tubes donc Asian Dub Foundation va nous proposer un peu de rab : Free satpal ram, boostés par Primal Scream & Brendan Lynch, ravive des souvenirs. Là aussi, la compo est quasi-identique mais le remastering fait du bien : bombe electro/rock orientale, le côté rappeux fait transpirer les Beastie Boys par tous les pores mais c’est terriblement bon !

Les minutes s’égrainent et l’exploration des albums n’ira pas jusqu’à leur premier opus sorti en 1995. Ne boudons pas notre plaisir non plus ! La fin de l’album s’achève d’abord par un clin d’œil à la France avec les frangins de Zebda. Là pas de doute, si vous connaissez le classique Toulouse de Zebda, vous aurez peut être un peu de mal à le reconnaître tant il est digitalisé… Bass music, jungle et percus s’occupent de reprendre le morceau de A à Z (de Asian Dub à Zebda ?).

Histoire de nous laisser encore avec quelques rareties, l’avant dernière compo rendra hommage à Public Enemy et son Black steel in the hour of chaos (enregistré en live au grand complet). La touche finale proposera un dernier aller/retour vers « Community music » (choix surprenant vu la logique d’enchaînement des titres de l’album) et son Collective mode. Pour le coup, changement radical de version avec Audio Active pour un morceau presque jazzy au lieu de ses penchants reggae assumés. Une belle surprise pour boucler la boucle de cette petite virée revisitée.

En conclusion, ce nouvel opus nous fait traverser le temps à travers les différentes collaborations d’Asian Dub Foundation et fait presque office de rétrospectives. Si on pouvait espérer davantage de nouveautés dans les revisites de morceau (il y a plus de remastering que de revisites), l’album regorge de pépites qu’il est toujours plaisant de retrouver. Un bon moyen de (re)découvrir un groupe aux multiples facettes.

Asian Dub Foundation « 94-now: collaborations », disponible depuis le 27 septembre 2024 (11 titres, 45 min.) chez X-Ray Production

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