La salle Paloma de Nîmes a été l’objet d’un des événements les plus attendu de ce début d’année 2014 : en effet, le collectif parisien FAUVE, qui s’était par ailleurs installé dans la préfecture gardoise toute la semaine pour répéter, faisait le grand saut. Sortant son premier album dans les bacs ce lundi, « Vieux Frères – Partie 1 », il fallait bien franchir le pas. Paloma allait donc être le théâtre de la toute première date de cette tournée 2014 pour FAUVE. Une salle qui, sans la moindre surprise, affichait complet depuis plusieurs semaines déjà. On s’en serait douté…
FAUVE, c’est un collectif. Sur le papier, premièrement, mais aussi dans sa manière de s’exprimer aux médias. Le « on » est de mise, ici, personne n’est plus important qu’un autre. Droit comme un « i », droit dans ses baskets, le collectif prend donc son envol. D’ailleurs, on était proche de la déconcentration lorsque le collectif s’est rendu pour la première fois aux Arènes de Nîmes quelques heures avant le concert, rigolant nerveusement sur l’immensité et la beauté de ce lieu : « mais merde, c’est là qu’on va jouer ?! ».
Passé cette étape, posons les bases même de l’article. Si le « on » s’impose chez les uns, le « je » s’impose pour moi. Blâmé des chroniqueurs musicaux, banni même des différents formats de chroniques chez tous les personnages du métier, arrêtons nous, aussi, sur les règles d’or de l’écriture relative aux concerts. Le « je » prend donc les commandes aujourd’hui, exceptionnellement. Chacun ses règles, chacun ses limites. Car il faut être honnête : après tout ce tapage médiatique autour d’un groupe encore orphelin d’album à l’aube 2014, il y avait de quoi soulever quelques questions. Pourquoi ? Mais pourquoi nous entêtons nous à monter en épingle un groupe qui n’est encore que sur la barre de lancement ? Nous avons tâché de rester en marge de cet effet « buzz ». Nous avons écouté, par parcimonie, l’EP et les nouveaux extraits afin de comprendre cette excitation généralisée et si unanime autour de nous.
FAUVE ressuscite le rock parlé-chanté, comme Gainsbourg le faisait. FAUVE apporte cette fraîcheur, cette originalité que l’on attendait depuis des années… Face à toutes ces affirmations, je dis « non », « non » et encore « non ». Il y a du Diabologum dans FAUVE, comme il y a aussi de l’Expérience dans l’air. Rien de nouveau en soi, non ?
Il fallait donc aller jauger. Un impératif pour pouvoir se faire une idée. Après une première partie qui avait la lourde tâche de garder en haleine une salle déjà comble, Michel Cloup Duo, constitué de l’ancien leader de… Diabologum et d’Expérience (quelle ironie !), les choses ont vite été pliées. Le public patiente et attend ses héros. Entre ambiance bobo et minettes hystériques, je cherche un peu ma place dans ce joli zouk.
Au terme des 1h40 de concert que FAUVE a donné, force est de reconnaître que, dans l’ensemble, FAUVE a rempli son contrat. Il a réussi à entraîner un public nombreux qui était déjà, certes, conquis d’avance. Un public qui, sans forcer, s’est laissé transporter au fil des 6 morceaux de l’EP qu’il connaissait par coeur. Le début du concert a été très bon et rythmé avec un rock péchu et presque psyché sur l’excellent De ceux, sale portrait des ratés modernes de nos sociétés qui ne cessent de bouillonner, en embrayant sur un Haut les coeurs groovy repris à l’unisson par Paloma. Deux bonnes bases pour lancer la soirée et partir avec deux coups d’avance sur la suite.
Enchaînant avec une paire de morceaux « connus » par tous les amateurs du groupe (Cock music smart music ou l’agressif Voyous), FAUVE s’est pourtant laissé dépasser par la nervosité de cette première date. L’immersion, cette sensation d’urgence aussi, ressentie sur les morceaux sortis en 2013, s’est finalement atténuée sur les nouveaux. Répétant sans cesse « être l’arrache » sur les interprétations live de « Vieux Frères – Partie 1 », FAUVE a bien montré quelques signes de faiblesses sur ses nouvelles compos. Intimidé et visiblement victime du trac, le chanteur s’est notamment fait remarquer en faisant les 100 pas sur scène, multipliant les aller-retours sans cesse sur les planches. Encore en rodage dans la mise en scène de ces nouveaux personnages (Lettre à Zoé, Infirmière) qui manquaient de percussion, la noirceur de la première partie de set n’a pas aidé à gommer les imperfections. Les coeurs brisés et les textes, parfois crus, majoritairement présents dans les compos, donnaient l’impression de manquer de renouvellement.
Bien conscient qu’il est toujours difficile d’affronter une première date avec autant d’attente, FAUVE, encore en rodage, a aussi montré d’agréables facettes : si l’on peut reprocher un certain manque de liberté sur ses compos, il renferme pourtant plusieurs trésors insoupçonnés. Que ce soit sur le récit de Kané ou sur le meilleur track à mes yeux, Sainte Anne, l’impact est total. Ce dernier est une véritable pépite. Embarqué par le piano et l’histoire si touchante de FAUVE, le récit frappe par sa franchise et sa gradation acerbe, empruntée de tranches de vie. Un morceau que l’on pourra aussi rattacher à Vieux frères, porteur de souvenirs et de sens.
Entre ses différentes embardées, FAUVE a donc joué sur plusieurs tableaux : avec un côté rock clairement assumé (Requin-tigre), il s’est offert des « moments cucul » (Rub a dub) mais avec des lignes de basses affûtées qui ont réveillé Paloma (Nuits fauves). Si l’on comprendra pourquoi il préfère avant tout parler que chanter (4 000 îles), je ne pourrais pas m’empêcher de penser que les nimois ont été un peu lésés : quand on voit la maîtrise scénique de certains morceaux quasi-hurlés voire même rapés (un flow admirable sur différents tracks dont Nuits fauves, un corrosif Loterie ou un Blizzard sur-vitaminé), FAUVE ne s’est lâché que sur ses valeurs sûres, la faute à un spectacle pas tout à fait prêt.
Si, faut bien l’avouer, je repars avec bien plus de certitudes que quand je suis arrivé, il faut bien reconnaître que FAUVE a fait le boulot avec une performance live bien meilleure que sur sa tournée 2013. De là à comprendre pourquoi FAUVE est assimilé à un groupe d’exception… cela restera un mystère.