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« La résistance emmerde la haine nationale ». Telle est la punchline du morceau d’ouverture (Dobermann) du dernier album de No One Is Innocent, « Ennemis ». A quelques mois de nouvelles élections présidentielles qui ne laissent présager rien de bon, un premier signal est envoyé d’emblée. Et il va falloir se serrer les coudes… ou montrer les crocs !
En ébullition depuis « Propaganda », l’opus sorti au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, Kémar et toute sa bande paraissent encore plus énervés que jamais. Car même si « Frankestein » (2018) nous avait un peu déçu (surtout côté mélo), le groupe continue de surfer sur une vague qu’il affectionne depuis près de 30 ans déjà, sans forcément se reposer sur ses acquis. Et ça, c’est vraiment la clé.
Sur « Ennemis », leur nouvel album dévoilé en octobre dernier, les parisiens ont dévoilé 11 titres épargnent personne (comme à leur habitude). En mode chiens de la casse, No One Is Innocent tombe, une fois encore, la muselière : le début d’album va d’ailleurs tutoyer les sommets niveau intensité avec 3 premiers titres à placer tout là haut. Dobermann, quasi-aboyé contre la marine, fait lever le poing tout en bougeant la tête. La caste, qui vise nos encravatés étatiques, est un véritable rouleau compresseur, boosté à la sauce des Rage avec un dernier quart de compo supersonique ! Ensuite, avec Forces du désordre qui enchaine (et dévoilé en single il y a déjà quelques temps), No One ne peut pas épargner les uniformes bleus et noirs, surtout après les dérives policières, surtout après les Gilets Jaunes, surtout après ces dernières années. Et c’est à coup de rock et de beats électro, en back up, que No One sort les crocs. Dur dur de les approcher !
Il y aura bien un Armistice, de très courte durée (1’36) en milieu d’album pour une pause acoustique et rafraîchissante, mais elle ne sera qu’un leurre : la machine va repartir de plus belle avec des envolées libertaires qui font monter la pression. Impossible de rester en place face au Bulldozer confectionné par No One Is Innocent ! Les guitares se mettent à rugir, le groupe dévoile un côté à la fois dark et presque frais par son refrain en anglais, la poudrière est prête à sauter ! C’est pourtant un virage punk, presque métal par moment, qu’amorce le trio : We are big brother tire à boulets rouges sur ceux qui manipulent notre esprit sans vergogne, dommage que le refrain soit un peu lisse. En découpant à la hache l’algorithme qui gangrène le monde, No One Is Innocent décroche un coup du droit percutant à d’autres manipulateurs de l’opinion, Les hyènes de l’info. Sans forcément monter dans les tours, No One en profite pour dénoncer la culture du clash, « des charognards du coup d’éclat », avec un morceau aiguisé sans forcément être indispensable au disque.
S’il est évident qu’il n’y aura jamais véritablement de répit sur ce disque, il est impossible de ne pas détecter le travail soigné du groupe sur ces compos : que ce soit au niveau de ses arrangements ou de ses influences qui fourmillent dans chaque morceau, No One nous sort-là un album bien travaillé. Même si l’intensité est le fil rouge de ce disque, les refrains sont entraînants et percutants, plus à nos yeux que sur « Frankestein ». Et mieux, chaque titre renferme les influences du rock agité, un alliage fait de métal, de punk, d’influences plus urbaines et digitales comme à une certaine époque. Une approche hydride n’a jamais fait de mal, et on sait que No One l’affectionne, surtout sur galette studio.
Polit blitzkrieg en est un très bel exemple : il condense cette alchimie que No One arrive à créer lorsqu’il est en grande forme. En moins de 4 minutes, la fureur des guitares côtoie les machines, le digital s’apprête à envahir les ondes pour finalement se faire retourner sans crier gare par une empreinte rock sombre et violente. Kémar dresse le tableau « ordonnance à tous les étages, passer en force c’est ça le message (…) 49 a ajouté le 3, toujours plus vite comme un coup d’état, circulaire de la tour d’ivoire, circulez il n’y a plus rien à voir » et No One déroule comme le faisait Mass Hystéria au moment de son « Contraddiction ».
Finalement, c’est dans la sueur et le bruit que No One scelle notre sort : trempés à grands coups de rock’n’roll, Nous sommes appelle à l’union, non sans rappeler l’état d’esprit Des milliards, des toulousains de Sidilarsen. L’assaut final viendra pourtant sur Aux armes aux décibels, hurlant, bouillant, urgentissime à souhait, avec l’énervé Stéphane Buriez de Loudblast. Faites de la place, « aux armes décibels, on veut plus de bruit ! (…) lève le poing et montre les crocs ». Tout est dit !
No One Is Innocent, « Ennemis », 11 titres (40 min.), disponible depuis le 1er octobre 2021 chez Verycords.