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Le soleil s’est couché sur la cité des crocodiles en ce jeudi soir et le froid peine à s’installer durablement. En revanche, il est bien difficile de résister à l’envie de se lover dans le cocon de Paloma pour rencontrer un des piliers de la scène rap hexagonale, l’indéboulonnable Oxmo Puccino.
Les portes à peine ouvertes que les spectateurs sont déjà présents en masse à Paloma. Ce qui est bien avec cette salle, c’est que le lieu conserve sa chaleur et son confort même lors des concerts sold out. Tandis que la foule fourmille dans les immenses couloirs canaris de Paloma, les odeurs de Panini et de houblons chatouillent nos narines. C’est donc avec une bonne bière artisanale et locale de La Baraude que la soirée débute en compagnie de Tel Quel en première partie.
Découvert il y a peu sur la toile, l’univers proposé par les locaux de Tel Quel nous avait bien emballé. Cette ouverture en première partie d’Oxmo fait office de révélatron nîmois. Face à un public qui, visiblement, ne connait pas vraiment les titres du duo, la mayonnaise semble compliquée à faire prendre. Le combo ‘violoncelle’/rap a le mérite d’interpeller et le déclic finit par opérer : entre le flow incisif de Nick Cutter et l’homme touche à tout (aka Dominique Gazaix), le monde musical qui prend forme sous nos yeux est épatant. Le rap tutoie les instruments à cordes, les beats déclenchés à la pédale déboulent sans crier gare et le show est habité. Efficace. Pas de doute, Tu m’fais de l’effet. On ressort de là avec une envie non dissimulée de jeter une oreille à leur premier album, « Le jour gît au beau milieu de la nuit », sorti en décembre dernier.
Un court changement de plateau s’opère et les lumières s’éteignent. Les balcons, plein à craquer, font échos à une belle foule pas si jeune qui trépigne dans la fosse. Oxmo Puccino est de retour à Nîmes et, comme à chaque fois, il est attendu de pied ferme. Aujourd’hui, il se présente avec un nouvel album sorti à l’automne, très très bon, « La nuit du réveil », et une tournée qui va avec. Ce concert va d’ailleurs en être imprégné, sur toute sa durée. Sur la vingtaine de morceaux joués, près de dix étaient extraits de ce dernier album.
D’abord, c’est un clin d’œil à son premier album qui lance les hostilités, avec Visions de vie. A pas feutrés, Oxmo Puccino, long manteau noir sur les épaules, impose un silence déconcertant en présentant sa philosophie qui distille depuis 1998. Retour dans le passé. Un passé pas si lointain puisqu’Oxmo sait joindre les deux bouts : toujours habile pour manier le verbe, les mots décochent le cœur de cible avec Flèche épistolaire qui enveloppent Paloma dans un écrin. Hors des moules et des conventions bien lissées, Peuvent pas remet les mauvais parleurs à leurs places avec des sonorités hip hop plus contemporaines, Paloma répond. Puis succombe. 10 000 se sature et se digitalise, premier haussement de ton, et Oxmo rappelle que « les problèmes commencent quand ils sont chiffrés ».
Si on laisse de côté Tirer des traits, où la voix de Sly Johnson a été remplacée par un auto-tune qui a fait gratter l’oreille, le malien va ensuite réaliser un sans faute : La peau de l’ours interpelle, les LED s’affolent, le rythme se calme… pour mieux repartir : le côté groovy qui d’Oxmo se réveille, Quand j’arrive et J’ai mal au mic ne sont là que pour la rappeler ! L’amour est mort et c’est lui qui le dit. « Ce monde s’écroule pour l’amour qui manque » (Trop d’amour), le temps se fige derrière un Horizon sensuel.
En tirant sur la corde raide des sentiments, Oxmo Puccino dépeint la vie et ses travers, « 365 jours puis 700, le temps commence à manquer et tu l’espionnes… », course effrénée du chacun pour soi là où nos questions restent souvent sans réponse. Le moral un peu dans les chaussettes, c’est finalement deux autres classiques, plus requinquant, qui remettent Paloma sur de bons rails : le fameux Mama lova, qui voit son refrain se robotiser à la Daft Punk, puis Toucher l’horizon. Sons oldschool, sauce 90’s avec un Sucre pimenté, les époques s’entrechoquent pour mieux se mélanger dans un medley rudement mené par Mr Viktor, triple champion DMC, en duo avec Oxmo.
Doucement, la fin de concert s’invite dans les têtes et Ma life, initialement interprété avec Orelsan, qui fait office de remerciements. En proclamant Son droit de chanter… en slam, Oxmo nous a fait le coup du Je reviendrai pas… juste avant le rappel. Forcément, il est revenu malgré un Réveil difficile et un crochet so jazzy au Lipopette bar. De quoi s’armer pour un dernier L’enfant seul, toujours aussi épuré, toujours aussi puissant. Toujours aussi Oxmo. Un « Opéra Puccino » pour boucler la boucle. Commencer pour mieux finir. Un régal.