Ne vous y méprenez-pas, la France, pays du multiculturalisme, est amenée à se recroqueviller sur elle-même, névrosée par la peur de l’autre et de l’étranger, névrosée par le discours populiste de la marine nationale qui a réussi à déplacer le spectre de la peur en sa faveur. Les résultats du premier tour des régionales nous l’ont encore démontrés, en 2015, le FN ne fait plus peur. Bien au contraire, l’essence-même de sa source est la peur : il profite des traumatismes causés par les attentats pour manœuvrer sur les failles creusées par les djihadistes, celui de la peur, de l’insécurité ou encore de la psychose. Daesh commence le travail, le FN s’occupe du reste !
Ne vous amusez pas à chercher les compétences de la Région liées à la sécurité ou à l’immigration, vous ne les trouverez pas ! Par contre, celles associées à la culture et à l’éducation, il y en a un rayon. Peut-être faudrait-il rajouter un post-scriptum au bas des bulletins de vote pour que chacun ait les idées claires sur le sujet… Pourtant, il y a des constats infaillibles qui peuvent être répétés, gueulés et partagés : le Front National rêve d’une pensée unique où la culture serait uniformisée à souhait. Patriotisme et régionalisme ne forment plus qu’un, l’étendard des cultures locales devient subitement un argument suffisamment fort pour justifier une véritable croisade culturelle.
Même si le Collard de service attaque gratuitement ses opposants à coups d’arguments « mais vos fiches sont vieilles de 20 ans ! » sur les plateaux de télévision (débat Grand Soir 3, mercredi 2 décembre 2015), d’étranges similitudes apparaissent.
Vitrolles et l’association du Sous-Marin, tristes exemples
Petit retour dans le passé, en 1997. La gestion des collectivités de PACA est à marquer au fer rouge. La ville de Vitrolles (13) transpire l’indécence culturelle, cette dernière est quasiment réduite à néant. Avec Mégret, condamné et inéligible, dont le flambeau est repris par sa femme, les activités culturelles (et économiques) patinent. Diffuser des métrages sur les homos ? Blasphème ! Le cinéma d’Art et d’Essai Les Lumières est touché puis coulé, sa directrice est quant à elle congédiée. Lire des oeuvres communistes ? Traître à ton sang ! Un comité de lecture est créé. Sa mission première ? Trier les « bons » et « mauvais » livres dans les bibliothèques.
Boire une bière, échanger ses idées et écouter du son alternatif ? Jamais ! L’association emblématique du milieu alternatif Le Sous-Marin entre dans le viseur des Mégret sous leur mandat. Tandis que le robinet des subventions leur a bien évidemment été coupé, l’association organise une soirée concert le 4 octobre 1997 pour renflouer les caisses : Massilia Sound System, Noir Désir et Miossec se partagent l’affiche pour soutenir l’asso. Le café-concert attire près de 3500 personnes. Dès le lundi matin, Mégret fait fermer les locaux pour des raisons de sécurité, estimant que des dealers sont présents les soirs de concert. La seconde raison avancée concerne des propos « inciviques et violents » des groupes programmés. Les locaux du Sous-Marin seront tout bonnement murés le 6 octobre 1997. Suite à cette fermeture sauvage, un rassemblement de 2000 personnes s’organise à Vitrolles, le 11 octobre 1997, avec Bertrand Cantat en tête de file, président du comité de soutien au Sous-Marin. Le 17 octobre, la municipalité est condamnée par le Tribunal de Grande Instance pour « effraction, voie de fait et entrave à la liberté d’association ». Ce qui n’empêchera pas la commune, dès le mois de novembre 1997, à récupérer les clés de la salle (pointant des manquements au niveau des normes de sécurité). L’association ne récupèrera jamais son lieu et quitte Vitrolles pour continuer d’exister. Massilia Sound System, et d’autres groupes fortement implantés sur le territoire, plient également bagage. Mégret restera au pouvoir jusqu’en 2002 avec près de 15% d’entreprises en moins, sur son territoire, qu’à son arrivée.
A proximité de Vitrolles, un son de cloche similaire a retenti : à Marignane (13), le maire de l’époque, Daniel Simonpieri, coule l’association d’aide et d’insertion et d’assistance scolaire, avec la fermeture de son local après avoir réduit sa subvention à hauteur de 75%.
Moins de 20 ans plus tard
Les déboires du FN existent toujours aujourd’hui, à condition qu’elles arrivent jusqu’à nos oreilles. A Cogolin (83), le maire frontiste Marc-Etienne Lansade estime que la danse orientale n’a plus sa place dans les festivités locales. « Pas assez provençal » pour monsieur le maire. Pourtant le tango ou la salsa sont toujours à l’ordre du jour. A Beaucaire (30), la mairie a décidé de retirer les subventions octroyées au centre socio-culturel de la commune qui organisait du soutien scolaire à plus de 100 jeunes. A Béziers (34) et à Marseille (13), les réductions du budget des centres sociaux s’accentuent : -20% à Béziers, subventions entièrement coupées à Marseille (par Stéphane Ravier). Associations et centres sociaux, même combat ! Restons un peu plus à Béziers (34), Robert Ménard vient de faire passer une délibération selon laquelle « seuls les enfants dont les deux parents travaillent auront le droit de participer aux activités extra-scolaires de la Mairie le samedi matin ». A Villiers-Cotterêts, le maire frontiste Briffaut a refusé de renouveler la subvention que la mairie allouée à la CGT et à la FCPE (association des parents d’élèves). Pour l’instant, le pompon revient à sa demande de faire payer 152€ supplémentaires aux foyers au chômage pour inscrire leurs enfants à la cantine. Sa justification ? « Une personne au RSA peut venir chercher son enfant car il ne travaille pas ».
Faire la liste de tous les dysfonctionnements culturels et ceux liés à l’éducation serait bien trop long, mais cela n’empêche pas de poser le décor. Cet automne, les vieux démons reviennent. Les positions jadis, fantômes d’un passé pas si lointain, ressurgissent. Les ambitions sont claires et, comparées à une dizaine d’années en arrière, elles sont annoncées : si le FN prend les terres de la région PACA, il n’y aurait plus aucune subvention dédiée à l’art contemporain… Au moins, pas de surprise. Même si le Maréchal est revenu(e) sur ses propos, elle a toutefois précisé qu’elle souhaitait un retour au front de la culture provençale, réfléchissant même à un Puy du Fou façon PACA. Les FRAC sont dans le collimateur de toute la lignée Le Pen, quitte même à vendre au privé 10% des collections pour renflouer les caisses.
Il y a seulement quelques jours, le vendredi 4 décembre dernier, ce fut au tour de Pascal Gannat, tête de liste frontiste dans la région Pays-de-la-Loire de jeter de l’huile sur le feu vis-à-vis du Hellfest cette fois. Le festival d’hard rock/métal le plus important d’Europe avec près de 140 000 festivaliers par édition est lui aussi sur la liste noire du FN. En effet, les ambitions sont plutôt claires : « le titre de ce festival – Hellfest, – c’est-à-dire « Fête de l’Enfer »- lui-même nous parait inacceptable et devra être modifié, préalable à la poursuite éventuelle de son subventionnement. Nous affirmons que les racines de la France sont celtes, gréco-latines, mais historiquement essentiellement chrétiennes. C’est pourquoi, nous insisterons plus particulièrement sur les programmations proposées, afin que ne se reproduisent plus les errements des années passées consistant à inviter des groupes de rock faisant clairement l’apologie de la christianophobie ».
Des déclarations aussi aseptisées que c’est à en gerber.
Profitez ! Bientôt, le FN votera pour vous et choisira ce qui est bon à votre place.
Sources
« Massilia Sound System, la façon de Marseille », par Camille Martel (2014)