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Il y a peu, une chroniqueuse du Musicodrome s’est rendue « entre filles » dans un festival de métal en région Rhône-Alpes. Un week-end de détente accompagné d’une bonne dose de musique en somme. Toutefois, c’est à une bonne dose de « beaufitude » chargée d’harcèlement moral et physique qu’elles se sont confrontées. Cet article n’a pas un but moralisateur, ni accusateur, mais il invite plutôt les internautes à être vigilant.es face aux comportements inadmissibles et inexcusables de certains festivaliers à l’égard de leurs congénères féminins.
Choquée et mise au pied d’un mur durement réel, Blue.B -participant à des festivals en tout genre depuis le berceau- a découvert pour la première fois l’envers du décor de ces lieux habituellement bon enfant et joyeux. Cette expérience nous a ouvert les yeux sur des actes trop souvent minimisés ou mis sous silence prétextant l’amusement et l’ivresse de l’instant. Refusant de plier sous des excuses illégitimes, il est impossible de s’empêcher de vouloir dénoncer et témoigner des événements de ce week-end qui restera comme notre pire expérience en festival.
Nous ne remettrons en cause ni le festival en question qui ne sera ni cité, ni incriminé, de même que les membres de l’orga ou les groupes à l’affiche. Nous ne remettrons également pas en cause le genre musical. Le métal n’appartient pas, ou du moins n’est pas réservé, aux hommes : la musique est libre d’écoute pour tous et toutes. Nous refusons de stigmatiser un style musical à un public car il n’y a de public type pour aucune musique. Nous sommes également conscients que l’attitude de quelques-uns ne représente aucunement celle de tous. Le problème reste entier. Se rendre dans certains festivals ne devrait poser de problème à aucun.e d’entre nous. Pourtant, il arrive, et ce assez souvent, que les filles soient victimes de comportements bestiaux au sein de ces environnements de fête. L’ambiance festive donne-t-elle tous les droits ? Non. Pas plus que d’habitude. L’alcool et autres stupéfiants ne sont pas pour autant une excuse à une attitude incontrôlée envers quiconque.
Soyons clair, si notre démarche permet ne serait-ce qu’une prise de conscience collective et encourage seulement au bien-être commun, c’est son seul et unique but.
Illustration issue de l’article paru sur Le Soir, traitant du plan anti-harcèlement du festival Esperanza! (lien ici)
Jour 1 : Lors de notre arrivée à Saint-Maurice-de-Gourdans (01), nous avons posé notre tente comme il se doit pour trois jours de festival endiablés. Loin de notre première expérience, le geste nous a paru bien naturel. Nous étions quatre nanas de dix-neuf à vingt et un ans, nous aurions pu être votre sœur, copine ou encore une simple connaissance. Ici, nous n’étions que quatre inconnues, se retrouvant pour découvrir pour la première fois ce spot de musique réputé pour être sympathique. Cela change-t-il un instant la perception d’autrui ? La question, nous le pensons, se pose.
Dès l’installation de notre tente, nous avons été abordées plusieurs fois à coup d’invitations salaces et de mauvais goûts. Jusque-là, nous nous sommes contentées d’ignorer, la soirée commençait à peine. Baignées peu à peu par les riffs de black et death métal, la détente a malheureusement été de courte durée. Regards insistants, réfections, plusieurs accostages d’apparences sans dangers, mais qui nous ont rapidement fait perdre notre aisance. Nous regagnons nos tentes pantoises. Nous passerons sur la bagarre qui a éclaté à notre sortie et autres aléas qui gangrènent également ces lieux de fêtes, pour nous concentrer sur notre perception de femme. Arrivées à la tente, les invitations ont repris malgré les refus polis et un sourire pas encore éteint.
Le bilan de cette première soirée était déjà mitigé. La chaleur avait particulièrement entamé le débat. D’un côté nous avions ceux qui avaient tombé la chemise, de l’autre les adeptes du kilt et, enfin, pour les moins pudiques, des jupes beaucoup trop courtes laissant apparents leurs attributs masculins. Ici se pose une nouvelle problématique, le bikini pour les nanas, les jupes pour les gars, où se pose la limite ? Ayant fait tomber les T-shirt nous avons eu droit à bon nombre de remarques, mais (et c’est ce ‘mais’ qui fait la différence) à aucun moment nous avons réagi aux jupes et autres tentatives de luttes de contre la chaleur. Non. En revanche, les burnes à l’air montrées volontairement qu’elles soient sous un kilt ou autre tutu, nous posons un véto. Comme disait Sartre, la liberté des uns commence où s’arrête celle des autres. Ici, c’est une question de respect qui a d’après nous été violée. Festival ou pas, le port masculin de jupes ne nous pose aucun problème mais la soulèverez-vous volontairement pour faire la cour en pleine rue ? Nous en doutons. Outre les attentions vestimentaires, le sentiment d’être un morceau de viande a fini par pointer le bout de son nez. Forcément ! Téméraire ou simplement motivée d’avoir payé un pass trois jours, nous nous sommes endormies pour laisser une chance au festival.
Image d’illustration publiée dans un article sur le sujet dans La Nouvelle Gazette (lien ici)
Jour 2 : Debout de bonne heure, petit déjeuner et nuit rude sous une chaleur croissante. Seul repli : la rivière en contre bas du camping. C’est le début de ce que nous avons appelé la farandole du « queutard ».
En quelques heures, les remarques sont devenues vulgaires et gênantes. Propositions indécentes, dragues insistantes, invitations scabreuses en tout genre… La musique en est devenue secondaire. Tentatives d’escortes devant les toilettes pour filles, etc., toute opportunité a été bonne à prendre pour engager un contact. Nous avions toutes les heures la joie de retrouver certains des « lourds » croisés plus tôt, d’ailleurs jamais à court d’idées. Enlacements et prises de main non autorisés sont des atteintes à la vie privée physique. Mais le harcèlement n’est pas uniquement physique, le harcèlement peut être moral et avoir une influence importante sur la psychologie des individus. Les mots peuvent être durs et avoir un impact fort sur la personnalité d’autrui. Même un « t’as de beaux seins » ou un « t’es chaude toi ! » qui peut sembler d’un vulgaire ordinaire de nos jours est nullement un compliment, c’est une agression. Et toute agression implique des séquelles. Se faire tamponner de force à l’encre noire une phrase salace « la Fistinière » est aussi une agression. Le refus de participer à des activités d’apparences bénignes doit être respecté. D’autant plus s’il rabaisse la femme à un simple organe reproductif.
Vous pourriez vous demander pourquoi nous ne sommes pas allées voir la Sécurité. Bien sûr, notre fierté à nous défendre par nos propres mots a eu ses limites. Mais s’il nous a effleuré l’esprit d’appeler une aide extérieure, la Sécurité ne nous est pas venue en premier… car, en voulant rejoindre le camping, un de ses agents nous a gentiment proposé un contrôle de short, le tout sur fond d’un compliment bien particulier : « nous étions très jolies de dos ». Que faire alors ? Regagner tout simplement les lieux les plus fréquentés.
Ah, ces fameux lieux plus fréquentés. Arrêtons-nous dessus quelques instants. Si nous avons fait notre possible pour rester proche de la foule, force est de constater que personne, et c’est sur ce personne que repose tout cet article, a aucun moment ne s’est interposé ou n’a manifesté son rejet face à de tels agissements. Nombreux ont été témoins de ces piques sexualisées ou désobligeantes mais personne n’est intervenu.
Retournant une nouvelle fois à notre lieu de sommeil, nos « voisins » de tente nous attendaient pour toujours plus d’insistance. Couchés dans notre tente, l’un d’entre eux a même essayé d’y rester malgré les vives protestations de notre part.
Il faut être honnête, cette deuxième journée nous a déjà bien refroidie. Le sommeil est léger, le festival, lui, est d’ores et déjà gâché.
Illustration réalisée par le site Consentis (lien ici).
Jour 3 : Ce dernier jour a rimé avec libération : nous avons encaissé, lasses, la matinée, refusant de payer pour un café à l’eau et des croissants secs. Quelques remarques ont fusé mais nous n’avions plus le cœur à répliquer. La mascarade a duré jusqu’à 16h. Énervées et épuisées, nous avons décidé de plier bagages et de rentrer chez nous. Les voisins de tentes devenus beaucoup trop inquiétants, accompagnés même de l’équipe « crew » du festival. Stop. Rangement dans le calme, tant pis pour la dernière soirée pourtant payée.
Ainsi s’achève notre périple qui s’inscrit comme la pire expérience de festival jamais vécue à ce jour. Dégoûtées, nous n’y remettrons plus les pieds. Il est important de souligner que le festival en sera le premier impacté même s’il n’en est pas responsable : nous ne cautionnons pas les faits et refusons de payer à nouveau pour un tel fiasco. Toutefois, si notre expérience ne reflète pas celle de tous et n’est certainement pas celle de la majorité, nous tenions à la partager car elle peut s’apparenter à beaucoup d’endroits festifs.
Nous nous devons enfin de terminer cet article sur une touche de prévention et nous vous invitons à rester vigilants/es. Témoins d’harcèlement par les mots ou d’agressions en tout genre, ne restez pas les bras croisés. Ces « jeux » sont des crimes et la fête n’en est pas graciée. Femmes ou hommes n’ont pas à subir la décharge des frustrations sexuelles des uns ou des autres, que ce soit en festival ou ailleurs. Les liens sociaux et les contacts peuvent se faire sans violence, une simple discussion amène toujours à de plus belles rencontres qu’une invitation à baiser dans les douches du camping. Pour finir, le plus important, le « non » doit être entendu et respecté.
Les festivals sont des lieux d’échanges et de passion. Nous y sommes tous regroupés pour faire la fête et passer un bon moment, convivial et amusant. Ne nous arrêterons pas d’en faire et espérons que le prochain se passera aussi bien que les autres jusqu’à présent. Cette mauvaise expérience n’est pas un moyen de nous dégoutter ou de nous faire peur… mais elle est un électrochoc qui nous pousse à être attentif aux autres et à agir quand des personnes mal intentionnées tentent de violer nos droits et nos libertés.
Continuons à danser et serrons nous les coudes amis festivaliers qui, comme nous, amoureux du son et de la fête, partagent les valeurs du bien être commun.
Photos de couverture : Blue.B (tampon réalisé par le festival)
Tribune soutenue par l’ensemble des membres du Musicodrome.
Salut ! Merci pour ton article, je suis tombé dessus car je vais à Dour Festival en Belgique et je faisais des recherches sur les agressions sexuelles en festival car je serais toute seule dans une tente pour 5 nuits et cela ne me rassure pas du tout! Que devrais-je faire à ton avis y aller ou rester sagement chez moi ?? En sachant que mes amis eux, dormiront dans des cabanes fermés à clefs pour la nuit et qu’il n’y a plus de place pour moi 🙁
Hey ! Le problème c’est que ces faits sont isolés et ne correspondent pas à un seul festival en particulier. Il n’y a pas de raisons que ça se passe mal mais il faut rester prudent(e).
Je pense en tant que femme qu’il ne faut pas se restreindre à cause des autres mais s’écouter soi-même pour passer une bonne soirée.
Si tu n’es pas à l’aise à l’idée de dormir toute seule, essaye de trouver des moyens pour te rassurer, comme par exemple avoir ta batterie de téléphone bien chargée et garder ton téléphone avec toi. Ou encore acheter un sifflet ou faire un nœud à l’intérieur de ta tente etc Et pourquoi pas demander à un tes amis de rester avec toi ? 🙂
Ce serais dommage de te priver d’une potentielle très bonne soirée !
Par contre, si une fois sur place, certaines problématiques se posent ne laisses pas traîner et préviens immédiatement quelqu’un et même dans un premier temps tu peux aller voir les différents stands qu’il y a sur place (assos ou point info ou prévention) si tu as des inquiétudes ou questions ils seront là pour ça 🙂