Cet été il a fallu faire des choix, tant la programmation des festivals était dense. Et ceci malgré des annonces alarmistes l’an dernier en vue des JO qui allaient priver les festivals des agents de sécurité nécessaires. Nous nous sommes donc concentrés sur deux soirées du festival de Thau et n’avons pas été déçus.
Vendredi 19 juillet
Quel plaisir de retrouver chaque année le port de Mèze et l’ambiance si particulière du Festival de Thau. Nous ne parlons que de ce site mais de très belles choses étaient programmées tout le mois de juillet dans des lieux magnifiques dont l’Abbaye de Valmagne.
Le charme de ce site est garanti par la présence d’un village associatif dédié à l’éducation à l’environnement, d’un artiste plasticien (cette année Gauthier Fleuri et ses installations autour des huitres) et de l’immanquable brasucade des copains de l’écailler.
Après un excellent dj-set proposé par les Mixeuses solidaires (en l’occurrence Sin’Dee), celui qu’on venait réellement voir ce soir se nomme Blick Bassy. Artiste camerounais à la voix de velours et fervent défenseur de la nature, nous avions hâte de faire sa connaissance. N’ayant pu obtenir d’interview, c’est seulement sur scène que nous le découvrirons.
Le visage surmonté d’incroyables lunettes bleues, sans parler de ses tout autant surprenantes chaussures jaunes, Blick Bassy va nous charmer pendant plus d’une heure avec ses compositions issues essentiellement des albums 1958 et du plus récent Mádibá. Ses prises de paroles sont également notables dans un contexte politique plus que tendu, quelques jours à peine après les résultats des législatives surprises de début juillet.
Il est en effet question de notre relation à l’Afrique mais aussi de l’inverse et de l’histoire de la colonisation du Cameroun. Ses paroles font la part belle à la nécessité du vivre ensemble dans un monde toujours plus polarisé.
C’est ensuite une Selah Sue en petite forme que nous retrouvons sur scène pour cette deuxième partie de soirée. La chanteuse belge, que nous avons connue plus enjouée parle à plusieurs reprises de ses anciennes addictions aux antidépresseurs. Peut-être que ceci explique cela ? En tout cas le set commence très tranquillement et ne décolle jamais vraiment malgré ses titres les plus emblématiques tels que Raggamuffin, Alone ou Peace of Mind. On retrouve aussi la question des médicaments sur le titre plus récents Pills.
Épaulée par trois choristes, la chanteuse à la voix soul retrouve plus d’énergie en fin de show nous révélant une image plus conforme à ce que nous connaissons d’elle.
Samedi 20 juillet
Après cette déjà première belle soirée, retour au bord de l’étang de Thau en fin de journée. Nous commençons par un entretien très intéressant avec le musicien électronique Fakear, animé par le webzine Pioche. Cette discussion est conduite dans le cadre du dispositif la fête parfaite qui s’intéresse aux enjeux socio-environnementaux autour de la musique.
L’entretien permet d’aborder la question du coût écologique faramineux du transport dans la musique. Fakear a ainsi conçu sa dernière tournée de manière à éviter l’avion et à trouver plus de cohérence dans les parcours. Ce dernier précise que réfléchir de cette manière change le rapport qu’on entretient à la distance mais aussi le rapport à l’autre. Il est par exemple évoqué la déprogrammation du DJ I Hate Models par les organisateurs du festival marseillais Le Bon Air du fait de la volonté de ce dernier de venir en jet privé de manière à assurer deux dates le même soir…
Fakear évoque également la question de la clause d’exclusivité qui engage les artistes à ne pas se produire à X km d’un événement pendant X mois afin de garantir l’exclusivité à ce dernier. Cette clause amène des contraintes supplémentaires à l’établissement de tournées cohérentes et éco-responsables. Enfin, Fakear évoque aussi la question du merchandising qui ne se limite, pour lui, qu’à la vente d’albums.
Il se met ensuite derrière les platines pour un DJ set à la fois chill et entrainant, parfaitement adapté à l’atmosphère du moment, dans une cabine alimentée par l’énergie solaire.
La première partie de soirée est assurée par l’inoxydable Kéziah Jones, le roi du blufunk. Ce dernier, toujours aussi charismatique et à l’aise avec une guitare à la main, déroule sa discographie fournie sans trop prendre de risques : Where’s life ?, Million miles from home, Afro surrealism for the ladies, Beautiful Emilie, etc… On a également droit à la reprise de Bob Marley & the Wailers sur War / No more trouble sur fond de drapeau africain.
Pas de fausses notes, c’est carré. On aimerait peut-être juste un peu de renouvellement et plus d’échanges avec le public.
La nuit s’étant bien installée, arrive ce qui sera notre grosse claque de ces deux soirées : Faada Freddy. On avait entendu parler du show proposé par ce chanteur sénégalais. On était loin d’imaginer le feu qu’il allait mettre sur le port de Mèze. Déjà, aucun instrument n’est visible sur scène si ce n’est cinq choristes dont l’un est équipé de capteurs sur une partie du corps.
Nous sommes saisis d’entrée par la puissance du show à venir, gros sons beatbox et rythmes affolants qui vont nous tenir en apesanteur pendant plus d’une heure. C’est à la fois frais, populaire et joyeux. La voix soul de Faada Freedy et les chants gospel de sa troupe créent un espace plein d’énergie positive qui entraine absolument tout le monde, d’autant plus lorsque tous les musiciens descendent au milieu de la fosse tout en checkant les gens sur leur passage.
Et que dire de cette reprise des Black Eyed Peas (Pump it) qui était juste ahurissante. Et puis, à l’instar de Blick Bassy la veille, Faada Freddy prend la parole à plusieurs reprises pour parler de la nécessité de trouver une solution de paix en Palestine et porter un message positif sur le vivre ensemble dans cette période trouble d’élections.
Ces deux soirées sont une réussite et nous remercions le Festival de Thau d’exister pour nous faire vivre d’aussi beaux moments de communion.