Nous nous réjouissions de retrouver la cité marseillaise pour un week-end de musique du côté de la corniche. Manque de bol, les villes françaises se sont embrasées au cours de ce premier week-end estival dont nous nous souviendrons.
NAHEL. 17 ans. Abattu par un policier le 27 juin 2023.
Nous arrivons à Marseille, en train, 3 jours plus tard. Un déplacement prévu de longue date pour assister à la 3ème édition du festival Au Large. Un festival de musique urbaine que nous avions adoré, niché au fond du vallon de la fausse monnaie, qui se déroule au théâtre Silvain.
Sauf que cette mort impardonnable a mis le feu aux quartiers. D’abord en région parisienne puis rapidement partout en France. Marseille n’a pas échappé à cette vague de protestations. C’est donc dans une ville sans transports en commun que nous débarquons ce vendredi en fin de journée. Si la descente de Saint-Charles jusqu’à la Canebière se passe normalement, nous nous retrouvons très vite entre CRS et jeunes au milieu des gaz lacrymogènes qui se répandent déjà tout autour du Vieux-Port.
Il nous faut bien une heure pour rejoindre la Corniche, slalomant dans les rues entre groupes décidés à en découdre et gaz saturant l’atmosphère. Drôle d’ambiance pour rejoindre un festival de musique…
Malgré nos efforts, nous n’assisterons pas au concert de De la Crau qui finit quelques minutes avant notre arrivée au théâtre Silvain.
C’est donc avec le cabotin et élégant Bertrand Belin que nous attaquons notre soirée. Ici l’ambiance tranche complètement avec les tensions vécues dans le cœur de la ville, ce qui crée une drôle de sensation. Mais revenons à la musique. Bertrand Belin est bien là, assurant une nouvelle fois un show enthousiasmant (mais sans les petites histoires dans lesquelles il aime à se perdre).
Si les titres de son dernier opus « Tambour vision » sont mis en avant (National, Tambour, Que dalle tout, La Comédie ou Pipe), nous retrouvons des titres plus anciens tels que Glissé redressé, Grand duc, Sur le cul ou La nouvelle, prétexte à un grand jeu d’acteur.
Ses textes sont poétiques, incarnés et tout simplement vivants. Tel un funambule, Bertrand Belin danse, raconte, joue avec le public. Entouré de musiciens talentueux (Thibault Frisoni, Sylvain Joasson, Lara Oyedepo entre autres), le crooner magnifique nous offre l’Oiseau dont nous avions eu le plaisir de découvrir la version préhistorique en décembre dernier.
Pas le temps de se remettre que la DJ Amazonita prend les commandes pour nous emmener autour de l’Équateur entre rythmes traditionnels et beats électroniques. Un vrai régal tout en sourires et joie affichée.
La nuit avançant, un phénomène inattendu prend place sur scène. La chanteuse XXL à la voix tout en douceur Uzi Freyja fait sauter la baraque. D’origine camerounaise, la parisienne balance des bitch à tout va tout en interpellant régulièrement ses chéris cocos, à savoir nous. Formant un improbable duo avec le DJ Stuntman5, Uzi Freyja n’est pas là pour rigoler, distillant une trap qui ferait pâlir les furieux Ho99o9.
Le rythme est soutenu et on a droit à de la booty dance de haut vol. Les formes s’envolent, les dreads jaunes aussi et le corps prend toute sa place dans ce set quelque peu polisson. On ne peut que vous conseiller de découvrir cette incroyable prêtresse sur scène.
Quelle incroyable soirée nous avons vécue une nouvelle fois au théâtre Silvain.
Le festival, prévu sur trois jours s’arrêtera malheureusement là, le Préfet ayant décidé d’interdire tous les rassemblements en ce week-end agité dans la capitale phocéenne. Une décision difficile pour les artistes, les techniciens et toutes les équipes qui se sont investies dans cet événement.
Mais voilà, l’actualité est brulante, les tensions palpables dans la ville même si la vie coulait sereinement de ce côté-ci de Marseille.
Nous souhaitons aux équipes d’Au Large de se remettre de tout ça et espérons vous retrouver l’année prochaine dans des conditions plus apaisées.
Crédits photos : Olivier Scher