Bertrand,
Jeudi 24 juillet, on est allés à Arles aux Escale du Cargo. Ça faisait plusieurs mois qu’on en parlait. Je voulais profiter de l’occasion, je voulais venir te voir chanter en live. Toi et Détroit. Si on remet les choses dans son contexte, je n’ai jamais été fan de Noir Désir. J’ai grandi avec tes albums. Enfant, je ne faisais pas encore de lien entre une musique et le nom du groupe. Et puis tu apprends. Un jour, tu as l’âge de découvrir la musique live.
J’ai fait une découverte incroyablement douloureuse à ce moment-là : il y a des groupes que je ne pourrai jamais voir. La cause ? Ils ont arrêté, le chanteur est mort… Cette réalité immuable transforme alors la relation que l’on peut avoir avec la musique live : tant que je pourrai, j’irai voir ceux qui représentent, à mon sens, les piliers du rock.
Alors voilà, on y est. Le demi à la main, on attend tout excité. Ce concert est un cadeau. Le théâtre antique est splendide, la météo est avec nous. Et toutes ces personnes me donnent une impression de déjà vu. Il me vient un sentiment étrange, comme si l’on faisait parti de la même famille. On surfe sur la même vague de bien être d’être présent, ensemble, dans ce lieu pour écouter le même son.
Ça commence. Droit dans le soleil raisonne dans le théâtre. Un soulagement semble envahir les 2500 personnes présentes ce soir. Tout en pudeur, chacun s’approprie les mots de l’album « Horizons ». En effet, les musiciens de Détroit jouent tour à tour Ma muse, Glimmer in your eyes, Terre brûlante, l’incroyable Le creux de ta main. Bertrand Cantat, à sa tribune, se défend d’un article rédigé la veille dans la presse locale. Madame la Provence n’a qu’à bien se tenir, l’union entre le public et le groupe paraît sacrée, et Horizon raisonne fort.
Tout le monde ici le sait, tôt, des titres de Noir Désir vont retentir. Mieux qu’un spectacle de feux d’artifice, voilà que de toute ma hauteur je peux me délecter de Lazy, Le vent nous portera, un jour en France, Tostaky. Et encore d’autres que les copains ont repris tant de fois en apprenant à jouer de la guitare, qu’on a entendu encore plus de fois lors de concert de jeunes groupes et sur lesquels on a dansé si souvent. Personne n’est là pour se reposer, et suivent les magnifiques A ton étoile, Des visages des figures, Le fleuve, Lolita nie en bloc et Fin de siècle. Ce concert se termine avec Comme elle vient. Rien que d’y repenser, de revoir tous ces gens reprendre le refrain en chœur, des frissons m’envahissent. Bertrand tu es revenu. Et ce concert rend évident beaucoup de choses. Le public te rend, à toi et les autres membres du groupe, ce que tu donnes au rock.
Un concert de Détroit traduit toute la révolte quotidienne et la libère en énergie positive. Rares sont ces concerts où l’ambiance est intègre avec l’esprit de la musique. Alors, Noir Désir restera un rêve. Détroit sera un souvenir incroyable mais qui j’espère ne sera pas unique. Quand on voit Pascal Humbert, Bruno Green, Niko Boyer et Guillaume Perron qui ont la banane, on peut seulement vous souhaiter de garder le cap.
Voilà Bertrand. Je ne sais pas pourquoi quand j’écoute une chanson qui évoque en moi un sentiment, je m’imagine toujours ce que je pourrai écrire à son auteur. Ce concert, tellement fort en émotions, méritait ces mots, peu importe qui les lit, je ne souhaite pas faire la groupie ici, mais il parait que les choses vont mieux en le disant.
Crédits photo : Photolive30 – Festival Aluna 2014