Tryo, aux quatre vents, à Paloma (Nîmes, 30) 24.11

13 min de lecture

Soir pluvieux, soir heureux à Paloma ! Dans une salle pleine comme un oeuf malgré une vigilance météo orange, le public s’est déplacé en masse dans le vaisseau nimois qui affichait pour le coup sold out. Qu’ils soient vieux ou jeunes, les amateurs du Tryo « d’avant » ou ceux de « l’après » s’étaient tous donnés rendez-vous dans la cité des crocos. La venue de Syrano, en première partie, a également eu le don de pimenter cette soirée haute en couleur, tout vent debout.

Il y a des concerts qui rappellent des souvenirs. Comme si, malgré les années passées, les choses n’étaient pas si loin. Elles peuvent se compter sur les doigts d’une main, de deux, voire même d’un peu plus. Après tout, chacun d’entre nous se retrouve dans un cas de figure différent, mais peu importe. A Paloma jeudi soir, il y avait des soubresauts du passé, bien accrochés dans cette salle qui souffle cette année, à peine, sa quatrième bougie. Ce qui frappe pourtant en arrivant, c’est bel et bien le présent. Le public de Tryo a changé, c’est indéniable. « Avant », c’étaient nous, les plus jeunes, au premier rang. Probablement que ces fameux jeunes sont toujours-là mais en mode « un peu plus vieux » et surtout quelques rangs derrière même si la fosse n’est jamais bien loin !

Jeudi soir à Paloma, on a surtout vu le mélange des générations avec des jeunes ados, des jeunes aussi, des moins jeunes sans oublier des vieux. On a vu quelques hippies qui ont su rester dans cette mouvance, d’autres moins roots mais qui restent, qui sait, hippie dans leur tête. On a vu aussi des gens en survet’, d’autres en chemise, ainsi que des fumeurs de pétards dans une Paloma pas bien habituée.

Syrano Nîmes novembre 2016 Photolive30
Syrano

En tous cas, sans avoir hésité la moindre seconde, tout ce beau monde s’était retrouvé à Paloma pour oublier la soirée débat des primaires de la droite. Bonne maison ! Avant de rentrer dans le vif du sujet, Tryo a eu l’idée de faire une chouette proposition à un de leur grand pote amené aux côtés du Collectif 13, Syrano. Avec la sortie de son album-livre de toute beauté, « Mysterium tremendum », au début du mois, Syrano a eu une grosse demie-heure pour tenter de chauffer Paloma. En dévoilant quelques titres de son dernier opus (Les lucioles, L’apprenti sorcier, Alice…), Syrano a ouvert les portes de son monde de poésie et de chanson, un monde où les influences du rap (ses origines) ne sont jamais bien loin. Si la plongée dans ses premiers albums fut bien brève (le très actuel Origami a été un des rares rescapés), Syrano n’aura pas eu la tâche facile tant la foule devant lui fut plongée dans l’inconnu durant tout son set.

L’arrivée du quatuor, particulièrement attendue, se fera sous les ovations d’un public qui ne tient pas en place. Aucun fond de scène, seuls les jeux de lumière sont bien présents, le moins que l’on puisse dire c’est que la mise en scène est d’une sobriété frappante. Ce constat est rapidement balayé par un début tonitruant du groupe, enchaînant un Ce que l’on s’aime et un Yakamonéyé à toute pompe. Cette alternance entre les époques, Tryo l’a bien compris et, surtout ça ravit le public. Le début du concert en est un très bon exemple avec une présentation de ses deux premiers single issus de « Vent debout » (Chanter et Souffler) et une belle pique lancée à Donald Trump & Cie (Les extrêmes).

Jamais avare de discours, Tryo a d’ailleurs une nouvelle fois confirmé la règle : au-delà de leurs nombreuses prises de positions politiques, écologiques et bien entendu sociétales, le groupe a pris le temps de communiquer avec son public. Sérieusement… mais pas que. Tout au long du concert, il faut être honnête, on s’est tapé de sacrées barres ! On voit que le groupe s’éclate sur scène, se taquine, se lance des vannes. Il chatouille son public, aussi, sur sa méconnaissance du célèbre BZH breton (« Bienvenue en Zone Humide », pour l’humour) ou pour la faculté du sudiste à être de mauvaise humeur quand il pleut !

Tryo Nîmes novembre 2016 Photolive30
Tryo

C’est dans cette bonne ambiance généralisée que le décor s’anime : en harmonie totale avec le dernier album, une flopée de drapeaux colorés envahissent la scène et flottent au gré des morceaux (bien aidés par les ventilos). C’est original, léger et terriblement saisissant, en continuité de l’entraînant Toi et moi.

Malgré ce très bon début, impossible de ne pas remarquer pourtant que les nouvelles compos issues de « Vent debout » peinent à transcender la foule : même si les causes sont louables et sensibilisatrices comme sur Watson (de chez Sea Sheppered) ou Sauvage, l’intensité baisse d’un cran, pas forcément aidé par Le petit prince qui casse le rythme. Même si l’on sent bien que Paloma attend que la fournaise se réveille à nouveau, elle ne se doute pas que c’est pour maintenant : L’hymne de nos campagnes retentit et est chantée par la salle toute entière… qui va subir, aussi, de plein fouet la rage de Mali : « c’est une chanson qui parle d’écologie et vous l’avez transformé en L’hymne de nos portables ! C’est bon, tout le monde a sa photo, sa vidéo ? ». Un coup de gueule qui rappelle celui du Musicodrome il y a quelques jours à peine…

Parenthèse faite, il s’ensuivra une séquence toute à fait atypique qui fit basculer le concert : Tryo a invité son public a choisir les morceaux suivants. Sous le regard d’un public joueur et d’un Gari Greu (oui, on t’a bien vu !) présent, la foire aux titres a pu se faire dans un souk généralisé : après Serre moi, Apocalypticodramatic, Monsieur Bibendum et C’est du roots, avec Robert Ménard dans le rôle de la truie, ont permis de déclencher les fameux cris d’animaux !

Avec des étoiles plein les yeux, Paloma n’a pourtant pas encore définitivement chaviré : Tryo demande à quelqu’un du public de venir sur scène pour jouer à la guitare et chanter, tout seul, la chanson de son choix. Quentin, l’heureux élu, n’était pas peut-être pas né lorsque « Mamagubida » (1997) est sorti mais il a pourtant choisi Je n’ai rien prévu pour demain. Le temps que Manu nous sorte deux trois blagues au micro (dont celle des fameux kiwis) et le tour est joué. Comme si la salle retenait son souffle aux côtés des envolées de l’éphémère quintet, le minot s’en est sorti haut la main sous les regards admirateurs du groupe !

Tryo Nîmes novembre 2016 Photolive30
Tryo

C’est donc dans cette frénésie que La main verte, incontournable du groupe, a provoqué quelques nuages de fumée dans la salle. Histoire de passer en mode auto-dérision, Greenwashing s’installe, surboosté, quasi boîte de nuit (histoire, peut-être, de rester dans l’auto-dérision, musicale cette fois).

Pour ces trois derniers quarts d’heure de concert, Tryo peut dérouler, sans scier, une partie de son répertoire où les sonorités rock sont plus présentes qu’auparavant : La demoiselle, petit nouveau, ou un Sortez les poubelles spécialement dédicacé à Cyril Hanounabet toute sa clique. Entre un rapide clin d’œil à Charles Trénet (Douce France) ou un savoureux Rassurer Finkielkrauk pendant que Guizmo et Danielito mettent la langue, le premier rappel peut sonner.

Le dernier moment de douceur viendra avec 2050-2100, triste planète, avant que tous ceux qui se sont déjà reconnus dans Désolé pour hier soir prennent le relais. Oui, « c’est l’annif’ à Macron, il faut tenir ses promesses ! ». Après un second rappel, le dernier coup de clairon viendra donc du côté de la politique africaine de l’Elysée, Pompafrik, jamais en reste pour rappeler l’actualité.

Entre quatre vents, Tryo a réussi haut la main son passage à Paloma. Avec un concert généreux (plus de 2h15), beaucoup d’humour et une tournée faite pour les différentes générations, le groupe a su conserver sa simplicité et ses idées. Même si une partie des derniers titres a du mal à s’imposer sur scène, le groupe a su aussi écarter certaines de ses récentes compos (un seul morceau issu de « Ladilafé » par exemple) de son nouveau show. Même si Mali s’amuse à dire que dans Tryo il n’y a que quatre accords ! Un concert de Tryo reste franc et réconciliant. Un concert de Tryo, c’est aussi des chansons qui sont toujours d’actualité malgré les années passées.

Crédits photos : Photolive30

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