Soviet Suprem + Captain Cumbia font de la propagande au Cargo de Nuit, Arles (01.02.2014)

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Avec le froid, la pluie et le vent, on aurait presque cru que le Soviet Suprem l’ait fait exprès : comme pour que l’immersion soit totale et fidèle à notre voyage du soir, non, « la Guerre Froide n’est pas encore perdue ! » s’est empressé de préciser Toma, de La Caravane Passe. Accompagné de son camarade, R-Wan, ex-leader de Java, Soviet Suprem revient. 20 ans après la chute du mur de Berlin, ils remettent le couvert : quelques jours à peine un retour aux sources avec « Bolchoï », leur premier EP, le goulag n’était pas bien loin…  

Accueillis par Captain Cumbia et sa musique des balkans, la poignée de spectateurs présents pouvait d’abord danser au rythme de la cumbia avant de pouvoir se rapprocher. Le DJ, aux airs de Toma de la Caravanne Passe, jongla facilement entre sa platine, son mélodica et son micro, balançant de grosses louches d’influences des balkans à la manière d’Emir Kusturica sous fond de samples des Beastie Boys. D’ailleurs, Captain Cumbia n’a pas hésité à jouer à découvert : que ce soit en quittant sa platine ou en demandant sans cesse au public de répondre présent, inutile de préciser que son tour de force a réussi. A la fin de son set, le Cargo s’est enfin rempli et tous se laissent guider au fil des beats. La première partie est réussie, mais l’impatience d’entendre et de voir pour la première fois les Soviet Suprem grandie…

En réalité, ils étaient dans le public depuis le début : DJ Croute Chef et le violoniste montent alors sur scène. Un discours sympathisant pour bouger les consciences appelle à la révolution dans un doublage mal doublé et caricaturé. La couleur est annoncée. On comprend bien vite que le rouge sera sur l’étendard du Soviet Suprem, remonté comme jamais. La machine rouge lancée, quand R-wan et Toma arrivent, ils invitent les Arlésiens à fuir la décadence, la main sur le cœur et le poing gauche levé sur Red army. On s’y croirait, le public joue le jeu rouge.

Les deux généraux ne s’interdisent rien et insistent sur le besoin d’internationaliser tout ça. Le fil conducteur, rouge lui aussi, permet d’exposer à tous les camarades le plan pour conquérir les Etats-Unis. Ils sont synchro, bougent dans la même mouvance. Qu’il est bon de voir cette jeune complicité entre ces Beastie Boys des Balkans s’épanouir dans ce groove stalinien. L’heure est donc à la fête avec entre autres Bolchoi et Eastern western. L’amour n’est pas en reste. Armés d’une ironie balkanique, ils s’attaquent à Rongrakatikatong reprise en chœur par le public. Jamais en manque de coeur et d’amour, le Slow-vétique remplace le quart d’heure américain, bien entendu censuré. Entre le violoniste, déluré, un R-Wan qui n’a rien perdu de son flow javanesque dévastateur, un DJ qui peut aussi s’improviser aux percus sous fond balkaniques et un Toma en plein dans son élément, Soviet Suprem endosse un costume vraiment détonant. En douceur ou en lâchant les chiens, Soviet Suprem devient une véritable machine à danser !

Mais réunir le Soviet Suprem sans boire un shot de vodka n’était pas envisageable. Heureusement que Natacha des Pussy Riot était là pour amener la provision du breuvage sacré. Ouf, pas de goulag pour elle, elle sauve sa place pour le Bolchoi. La vodka, diluée, a plu au premier rang. Les personnes au fond pourront cependant regretter que le partage tant prôné par les Soviet n’ait pas eu lieu.

Le passé de John Lenine et de Sylvester Staline bien ancré, c’est avec joie que le grand Zinzin Moretto (la Caravane Passe) et le très A pic (R-Wan) ont pu ressurgir du passé. Le public présent au Cargo ce soir n’était pas là par hasard, et il l’a montré en reprenant, à l’unisson, ces classiques des deux groupes. Chauds brûlants, DJ Croute Chef et Violonsky invitent à faire Le putsch. Et c’est du fond des tripes du public qu’on entend « on fait le putsch, on fait le putsch, on fait le putsch… ». Incroyable, mais totalement vrai. Mais les temps sont durs, impossible de l’oublier, et l’heure de la quête n’est jamais bien loin : après un court passage dans le public afin de récolter des fonds, 2.40€ plus tard l’assaut pouvait enfin repartir en mode hip hop, chanson, session acoustico/balkanique ou fanfare déchaînée dans cette grande Soviet Suprem party généralisée.

Même si le spectacle est clairement en cours de finalisation, on sent bien que ce quatuor-là est taillé pour la scène. Retournant le Cargo sans ménagement, les costumes, le côté historique du show et le délire complet des différents membres du groupe imprègnent la mise en scène du début jusqu’à la fin. Allant même jusqu’à revisiter le célèbre morceau de Java Sexe, accordéon et alcool en Sexe, accordéon et vodka avec une chapka burlesque, allez, « tire le rideau de fer et sers moi un verre ! » (Le rideau de fer). Ce qui est déjà sûr, c’est que le futur album s’annonce bien !

Suite à la représentation donnée par Soviet Suprem au Cargo de Nuit à Arles, il faudra penser à mettre à jour les livres d’histoire : l’ère soviétique n’est pas terminée. Les Soviet Suprem arrivent en force et accrochent de nouveaux partisans avec une facilité déconcertante. Le cocktail qu’ils ont concocté est sans appel et l’adhésion musicale est complète.

Crédits photos : Photolive30

Article rédigé par Machy et Aïollywood

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