L’entourloop : une question de savoir-faire

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Critique l'entourloop nouvel album 2017

« Le savoir faire ». Au sens littéral, du moins ce qu’en dit ce bon vieux Larousse, le savoir-faire fait référence à une « compétence acquise par l’expérience dans les problèmes pratiques, dans l’exercice d’un métier ». Si cette définition peut paraître quelque peu prétentieuse du fait que L’entourloop n’existe que depuis quelques années, le contenu de leur seconde galette renvoie un sentiment de maîtrise indéniable.

« L’entourloop », « Le savoir faire », deux termes indissociables qui peuvent à merveille résumer le contenu de cet album. Sauf que si nous nous arrêtions à cette simple association, vous, lecteurs, auraient droit à la chronique la plus courte du Musicodrome car tout est déjà dit : le savoir-faire, L’entourloop l’a acquis en écumant les routes, les salles et les festivals, multipliant les rencontres et les collaborations.

Déjà, en 2015, les poulets élevés en plein air du côté de Saint-Etienne nous avait pondu un sacré bébé (« Chickens in your town »). Auteurs d’un opus teinté de reggae jamaïcain mais aussi très hip hop, les stéphanois réalisaient-là un sacré tour de force. Eux qui ne savaient pas encore s’ils allaient prolonger l’aventure car L’entourloop ne devait être qu’un groupe éphémère, on peut sans crainte les labelliser comme « produit de confiance ».

« De confiance » car L’entourloop ne va pas nous entourlouper sur cet opus : déjà par sa durée puis, ensuite, par son nombre de tracks. Ce sont pas moins de 18 morceaux qui viennent embellir nos casques, soit près d’une heure de son. L’ambiance globale est quant à elle bourrée de dynamite… dans la digne lignée de « Chickens in your town ». En effet, le groupe n’a pas vraiment pris de risque sur son second opus : musicalement, ceux qui avaient bien aimé dorloter leur premier bébé n’auront aucun mal à dorloter le suivant. D’ailleurs, c’est probablement un des rares reproches que nous pourrions faire à l’album.

En effet, le titre d’ouverture, Le savoir-faire, porte bien son : dès les premières notes, le morceau rappelle des envolées skank déjà croisées sur l’opus précédent. Savoir reconnaître la « griffe » d’un groupe est une marque de savoir-faire et c’est difficilement contestable. Outre cette remarque, il est indéniable de reconnaître que ce lancement d’album est idéal, rythmé par les cuivres de N’Zeng (ex-Peuple de l’Herbe). Ce dernier va d’ailleurs nous faire prendre un pied fou avec ses autres contributions : que ce soit auprès du toaster Tippa Irie (Le rendez-vous), dopé par un effluve jungle endiablé, ou encore avec la percutante Soom T sur le funky Fonk monk.

En fait, au fur et à mesure que l’album se déguste, ses multiples contours se devinent : on se retrouve souvent en Jamaïque (on ne va pas s’en plaindre) mais aussi en France. L’entourloop est allé chercher des piliers du genre mais aussi les fleurons français qui gravitent autour de ces genres tout en n’hésitant pas à repousser ses limites : en fin d’album, le dub s’invite de plus en plus avec la présence de Charlie P (OBF) presque raggadancehall sur One & only mais surtout avec l’inarrêtable Panda Dub et sa recette magique en matière de dub steppa (Le bonheur).

Navigant entre le fil de ses rencontres, L’entourloop semble plus que jamais kiffer de partager le toast : sur les 18 morceaux de l’album, le duo ne propose que trois compos en « solo ». Dommage, car que ce soit La main à la pâte (scratchée), Mississippi slang (prélude) ou encore L’amour propre (dubby), ces pépites sont de sacrées tracks instrumentaux.

Cette force tranquille s’exprime même sans forcer : entre Weh you come from, survolté, avec Ras Demo au micro qui décroche de loin, la palme de la bombe raggamuffin de l’opus, Johnny a bad  man tutoie également les sommets avec leur grand pote Troy Berkley. Emporté dans cette incroyable folie sur les ondes, L’entourloop réalise, au passage, une entrée d’album en matière tout simplement énorme avec un enchaînement avec Shoefiti et la sulfureuse Marina P. Plus loin, Le tour de force portera, lui aussi, très bien son nom (avec Skarra Mucci et toute la clique).

Jouant à la fois sur les terrains du reggae (et de ses déclinaisons) mais aussi celui du hip hop, L’entourloop déroule. On aura droit à du plus calme, plus underground, comme sur Boomblast (avec Blimes Brixton), mais aussi du plus roots comme sur The People and the police (avec Kill Emil). Cela ne fait pas de mal, ça soulage, comme une bonne tisane avant de dormir, et L’entourloop peut, aussi, explorer des compos sous un autre angle.

Quoi qu’il en soit, que ce soit dans son domaine de prédilection, le banging hip hop ina yardie style,  ou dans des compos qui appellent à tendre vers d’autres choses, L’entourloop s’est éclaté. Cela s’entend, cela se déguste. « Le savoir faire », c’est définitivement bien trouvé.

FICHE TECHNIQUE

1. Le savoir faire (feat. N’Zeng)
2. Weh you come from (feat Ras Demo aka Demolition man)
3. Johnny a bad man (feat. Troy Berc=kley)
4. Shoefiti (feat. Marina P)
5. La main à la pâte
6. Boomblast (feat. Blimes Brixton)
7. Push the limits (feat. Biga*Ranx)
8. Le rendez-vous (feat. Tippa Irie & N’Zeng)
9. Forgotten skank (feat. Rodney P)
10. Mississippi slang
11. Soundbwoy (feat. Troy Berkley & The Architect)
12. L’amour propre
13. Fonk monk (feat. Soom T & N’Zeng)
14. The people and the police (feat. Kill Emil)
15. Tour de force (feat. Ruffian Rugged, Skarra Mucci, Blackout JA & Troy Berkley)
16. Sound to wake the kidz up (feat. Stig Of The Dump & King Hippo)
17. One & only (feat. Charlie P)
18. Le bonheur (feat. Panda Dub)

Sortie : 22 septembre 2017
Durée : 1h00
Label : X-RAY Production
Genres : Reggae / Hip hop

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