Dominique A et Lise Martin, la saison culturelle de Pantin fait le plein.

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La salle Jacques Brel de Pantin accueillait Mercredi dernier un Dominique A en grande forme, avec pour première partie, l’excellente jeunette Lise Martin. Soirée découverte pour le Musicodrome qui du premier ne connaissait que les classiques, et de la seconde, pas même le nom.

Dominique-A-Eleor-chronique

Pochette du dernier album de Dominique A sorti en 2015

N’ayant pas idée à l’avance de ce à quoi s’attendre pour cette première partie, nous avons eu les premiers indices qui permettaient de cerner le personnage quand lors de la présentation du groupe, on nous annonçât que la demoiselle avait beaucoup travaillé avec la menuiserie. Connaissant la qualité de programmation du lieu, on se doutait que ce qui venait serait plus qu’une découverte, une bonne découverte.

Lise Martin arrive sur scène avec humilité et son guitariste joueur d’harmonica augmenté pour la soirée du rôle de percussionniste : Cyrille Aubert. Le petit bout de femme sobrement habillé d’une robe noire s’empare du micro et, après les formalités d’usage, ayant fait part de son émotion à jouer en première partie de Dominique A, entame le concert. Quelques accords de ukulélé (sol la la sol ?) et son timbre grave résonne dans la salle silencieuse. Derrière le mur, premier titre du concert comme de son double album « Déments songes » fait frissonner les cœurs, et les bras. Le ton est donné, une voix profonde, un timbre à la Barbara, des expressions à la Michèle Bernard, on va aimer ce qui s’amorce !

Tes mots est un « vieux » titre, vraisemblablement le single de son premier de son EP « Gare des silences ». Qui ne se reconnaîtra pas dans ce texte, s’abandonnant à un instant de romantisme ? Allons, non, soyons forts. Ce qu’on ne dit pas, c’est qu’on ne le pense pas, Lise ! Un bel exemple de mec qui ne pense pas ce qu’il écrit en tous cas…

Restant dans un registre romantico-rêveur, Le prince du vent nous emmène voyager dans un monde de science-fiction. Il faut savoir prendre le bon wagon dans la chanson, faute de quoi nous attendent ici-bas des sables mouvants d’impatience qui ne semblent pas des plus attrayants.

Comme d’autres avant elle, Lise Martin nous propose un hommage au vieux Leo Ferré en reprenant son titre « 20 ans ». Pas évident sans doute de reprendre l’Adam de la chanson, mais tout à fait bien réussi par le duo dont l’adaptation apportait ce qu’il fallait d’originalité en conservant ce qu’il fallait d’authenticité ! Dans la foulée, la mise en musique de « Les mots qui ne sont pas d’amour », d’Aragon, clôturait l’interlude « reprises ».

Cyrille Aubert sortira l’harmonica sur le titre suivant, et on enchaîne sur le titre le plus marquant du set : Demain. C’est sans surprise que l’on reconnaît dans son texte la citation en une du programme Janvier/Fevrier de la Menuiserie ! Un texte fouillé, des ruptures dans la cellule rythmique entre couplet et refrain très sobres mais revigorantes, et des variations de timbre qui font monter et descendre le public au gré du texte. « Je ne veux pas vivre en deuil, ni mourir éveillée, je veux juste trouver Paris beau en été », on en redemande.

Un dernier morceau, Songez, et c’est la révérence. Il faut laisser place nette pour l’idole du soir.

Une prestation courte, mais convaincante. Chapeau bas donc pour « une petite fée fragile », qui a su faire montre de bien plus de solidité que supposé et qui a conquis un public à la manière d’un puissant soldat de la chanson !

Si j’étais un poète Mme Lise Martin

Le temps d’une cig’ et la scène est en place pour Dominique A et le trio de musiciens qui l’accompagne. Jeff à la basse (pas celui du blues heures d’Alès, bien qu’on pourrait y trouver quelque chose !), qu’on pourrait appeler le flamand rose, tant son équilibre improbable lui permet de passer une bonne partie du concert sur une patte, le pied levé battant la mesure contre la malléole de l’autre cheville plantée solidement dans le sol. Boris à guitare et aux claviers qui jongle de l’une aux autres avec une aisance déconcertante. Sacha à la batterie, métronome de la soirée tout en nuances sur ses cymbales, tout en violence le cas échéant sur sa caisse claire au son vraisemblablement modifié électroniquement (Le courage des oiseaux…).

Hotel Congress et sa belle américaine qui s’épile nous fait entrer dans l’univers de rock psyché du quatuor. 110 degrés fahrenheit peut-être pas tout à fait, toujours est-il que la température de la salle grimpe déjà. A l’image du concert qui mélangera tout du long de vieux titres et des morceaux récents, le titre d’après est issu du tout dernier album (« Eléor », 2015) : Cap Farvel. Nous voici accrochés comme dans un rêve, et la chanson suivante (Semana Santa) époustoufle, entre autres, par son jeu de lumière, de quoi nous envoyer plus loin encore dans l’univers du chanteur. Le rond central qui plane au-dessus du groupe s’illumine par intermittence, distillant ses raies de lumière en alternance avec les potelets périphériques et les mikados entassés en son centre. +1 pour M. Lumière !

En grand habitué des salles, le frontman agrémente ses interludes d’anecdotes diverses qui font mouche et introduit sa chanson Manset en expliquant son origine pour le moins originale. Retour à des titres tout récents avec coup sur coup la très belle Nouvelles vagues, et la mystérieuse Central Otago.

En voyage à Valparaiso en passant Par le Canada, on se retrouve morts de faim à Paris aux côtés d’une poétesse russe : Marina Tsvetaeva. A chacun sa faim, celle du public est une faim de chansons, encore, une autre, encore une autre. Tout acquis à la cause du chanteur, le public chauffe. On en vient par moments à regretter les chaises au vu de cette masse qui aimerait de déhancher en position verticale mais doit se contenter d’osciller, assise.

L’artiste embraye avec un tube. Un jeu de lumière adapté à la situation : Rendez-nous la lumière. Ouf, il n’a pas joué dans le noir. Un tube ? Non, des tubes. Ses titres s’enchainent tous aussi marquants les uns que les autres : Revenir au monde, Au revoir mon amour, Ce geste absent, Immortel, Antonia

Le concert touche à sa fin. Eleor, tiré du dernier album enchantera son monde avant l’annonce de la dernière chanson. Incompréhensible selon l’auteur : « Moi j’ai ma petite idée derrière la tête mais ne vous fatiguez pas à y chercher un sens… ». Dont acte.

Tonnerre d’applaudissement d’une salle encore assise qui trépigne. Ca n’aura pas trainé pour le rappel. La magnifique Ma mémoire sera enchaînée de Hasta que el cuerpo aguante. Ouf, enfin, il la fait. Les premières notes de Le courage des oiseaux résonnent, la salle exulte. Réussie à tous points de vue, l’artiste surprend comme toujours par la variation d’intensité lorsque reprend le corps de la chanson après l’intermède psyché. On atteint le maximum des décibels, ca chante dans le public : une fin en apothéose comme on les aime. Le groupe salue, et sort en coulisses une deuxième fois… Mais en éternel consommateur jamais rassasié, le public insiste et semble obtenir le soutien de l’orga qui ne rallume pas la salle. Un deuxième retour était-il prévu ? Après les sommets atteints par Le courage des oiseaux ?! Vraiment ? Toujours est-il que le groupe reparaît face à un public debout excité comme jamais. Pour préparer la nuit qui fait plus que s’amorcer peut-être, pour ne pas avoir à revenir une troisième fois sinon, le groupe propose alors deux derniers titres plus calmes. L’océan d’abord, l’horizon ensuite. Rideaux.

Une très belle soirée proposée à la salle Jacques Brel. La saison culturelle de Pantin ne faillit pas à sa réputation… La suite pour HK & Les déserteurs le 25 Fevrier !

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